BFMTV
International

Donald Trump bientôt candidat pour 2024? Les républicains hésitent à le suivre

Donald Trump à Mar-a-Lago le 8 novembre.

Donald Trump à Mar-a-Lago le 8 novembre. - JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images

À en juger par ses récentes déclarations, Donald Trump devrait annoncer ce mardi soir qu'il rempile pour une nouvelle campagne présidentielle américaine. Sauf qu'entre des midterms aux résultats mitigés, des sondages en berne, la fronde des cadres et la menace représentée par le gouverneur de Floride, sa cote semble très amoindrie au sein de sa propre famille politique.

Selon toutes probabilités, Donald Trump annoncera ce mardi soir sa candidature en vue de la primaire républicaine pour la présidentielle américaine de 2024. Le 7 novembre dernier, alors qu'il tenait meeting près de Dayton dans l'Ohio dans le cadre des midterms, il a en effet invité ses soutiens à écouter la "très grande annonce" qu'il aurait à leur faire le "mardi 15 novembre" dans sa résidence de Floride de Mar-a-Lago.

"Très grande annonce" dont il a de toute façon révélé la substance dans de multiples déclarations, indiquant notamment qu'il serait "très probablement" candidat au cours d'une réunion publique dans l'Ohio. Cependant, l'ex-président n'est pas franchement attendu comme le messie dans son propre camp.

Sondages peu reluisants, midterms décevants, montée en puissance de son rival Ron DeSantis, souvenir de l'envahissement du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021... Les raisons du désamour ont tendance à s'accumuler. Et les conservateurs se demandent désormais à haute voix s'ils ne feraient pas mieux de tourner la page Donald Trump.

Sinistre sondage après un morne scrutin

L'étude d'opinion fait grand bruit depuis sa parution dimanche. Relayé ici par Axios, un sondage YouGov, opéré dans la foulée des élections intermédiaires, a montré que 23% des Américains voyaient davantage le gouverneur de Floride, reconduit avec éclat dans un second mandat, dans le rôle de candidat républicain à la prochaine présidentielle. Donald Trump, lui, y est apparu en retard sur son rival, nanti de seulement 20% du panel.

Pire, les sympathisants républicains renvoient un écho similaire. Dans la même enquête, ils sont ainsi 41% à se prononcer en faveur de Ron DeSantis, contre 39% en faveur de l'homme d'affaires.

Cet éloignement relatif des siens s'est vu plus concrètement à l'occasion de ces mêmes midterms. Non seulement, les républicains n'ont pas réussi à renverser la vapeur démocrate au Sénat, mais ils ne sont pas encore tout à fait certains de dominer la prochaine Chambre des représentants. Surtout, les prétendants les plus étroitement associés à l'ex-président ont été battus dans les États clés, à l'exception du futur sénateur J.D. Vance - ancien détracteur de Donald Trump d'ailleurs - élu dans l'Ohio.

Kari Lake est emblématique de cette débandade. Longtemps favorite dans la course au poste de gouverneur de l'Arizona, celle-ci a échoué dans son entreprise, selon les médias américains lundi.

Le soulèvement des républicains "raisonnables"

Donald Trump a eu beau affirmer - comme il l'a fait à la télévision dès le 8 novembre - que le crédit d'une éventuelle victoire républicaine aux midterms lui reviendrait, mais pas l'opprobre de la défaite, le camouflet lui semble adressé. C'est en tout cas la lecture que de nombreuses figures de son parti ont faite des résultats du scrutin.

"Je crois que les conservateurs raisonnables qui ont concentré leur programme sur les problèmes des gens, comme l'économie, l'insécurité, l'éducation ont bien gagné. Tandis que ceux qui ont essayé de rejouer l'élection de 2020 (présidentielle dont Donald Trump et les siens contestent la validité, NDLR) et ont propagé des théories complotistes... ont été rejetés presque universellement", a ainsi lâché Larry Hogan, le gouverneur républicain du Maryland, sur le plateau de CNN dimanche.

Et de poursuivre: "C'est tout simplement la troisième élection d'affilée que Donald Trump nous fait perdre, et en principe, trois échecs, tu sors".

Larry Hogan n'a jamais caché le peu de goût qu'il avait pour Donald Trump, dont il a entre autres fustigé la gestion de la crise du Covid-19, mais son cas est loin d'être isolé. Dès le 6 novembre dernier, Chris Christie, cadre républicain et ancien gouverneur du New Jersey, a traité avec dérision le désir de l'ex-président de revenir à la Maison Blanche.

"Il sera candidat. Tout le monde a toujours su qu'il serait candidat. Il ne pourrait pas manquer plus cruellement d'attention qu'actuellement, et il sera candidat", a-t-il confié à ABC News.

"On n'a plus qu'à attendre de voir ce qu'il se passe", a-t-il ensuite ajouté, dans une phrase lourde de sous-entendus.

"Inéligible"

Justement, pour Paul Ryan, ex-speaker (l'équivalent du président) de la Chambre des représentants, ça ne fait pas un pli. Cité ici par le site d'information The Hill, il a estimé dès le mois d'octobre:

"Je crois que l'inéligibilité de Trump sera palpable".

Une "inéligibilité" remontant à sa défaite lors de la présidentielle de 2020, ou plutôt à son refus d'en accepter l'augure et à sa bienveillance coupable envers les envahisseurs du Capitole du 6 janvier suivant.

"On sait tous qu'il va perdre. Ou permettez-moi de le dire ainsi: on sait tous qu'il a plus de chances de perdre la présidentielle que n'importe quel autre candidat de notre partie du spectre politique. Donc pourquoi on voudrait marcher?", a encore appuyé Paul Ryan.

Pourquoi, en effet, surtout que comme les sondages le soulignent, son remplaçant paraît tout trouvé en la personne de Ron DeSantis, dont les vues sur la société - en matière d'éducation, d'immigration notamment - sont tout aussi conservatrices que celles nourries par l'ex-chef de l'État, mais qui n'en partage pas les outrances et n'est pas lesté par l'embarrassant souvenir des troubles ayant succédé à la dernière présidentielle.

La fuite des médias

Ron DeSantis n'est d'ailleurs pas qu'une lubie de sondeurs. Une bonne partie des médias pro-Trump l'épaulent dorénavant, dépouillant le milliardaire d'une alliance cruciale lors de son accession au pouvoir en 2016, et encore très vivace en 2020. Le tabloïd de droite, le New York Post, a même titré sa Une DEFUTURE (en référence à Ron DeSantis) au lendemain des midterms, raillant Donald Trump sur la suivante.

Parodiant une comptine célèbre dans le monde anglo-saxon, le journal ricanait: "Don (qui n'a pas réussi à construire un mur) fit une grande chute - est-ce que les hommes du Parti républicain vont pouvoir recoller les morceaux?"

La chaîne Fox News n'a pas, pour sa part, rompu aussi définitivement avec son ancien champion. Mais à l'évidence, elle y pense. En plus d'avoir chanté elle aussi les louanges de Ron DeSantis, et ouvert en grand ses plateaux aux opinions les plus critiques envers Donald Trump, elle a publié sur son site internet des tribunes en forme de déclaration de guerre.

Liz Peek, l'une de ses éditorialistes, a par exemple écrit: "Trump est peut-être prêt à se salir les mains pour remporter la désignation républicaine pour 2024. S'il le fait, non seulement il renforcera le dédain avec lequel de nombreux membres du Parti le voient aujourd'hui, mais il écornera une fois de plus les chances de victoire républicaine contre les démocrates".

L'autrice a même conclu par un vibrant plaidoyer: "Espérons que les millions d'Américains qui l'ont soutenu en 2016 et encore en 2020 commencent à s'apercevoir qu'il a fait son temps. S'ils aiment son programme, ils doivent s'en remettre à Ron DeSantis, qui n'a jamais perdu une seule campagne, et qui est sorti grand vainqueur des midterms".

Le baiser de la mort de Rupert Murdoch

Ce tir de barrage en rase campagne présidentielle n'a rien d'un hasard. Ces deux pièces essentielles du dispositif médiatique, ayant jusqu'ici servi de marchepied à Donald Trump dans ses équipées, appartiennent toutes deux à l'empire de Rupert Murdoch. Or, le torchon brûle entre les deux hommes, selon la journaliste politique du New York Times, Maggie Haberman, au micro d'un podcast:

"Je pense que la défaite de Donald Trump le 3 novembre 2020 a rendu malade Rupert Murdoch, et il a dit à un proche: 'On devrait le jeter'. (...) Et puis Fox est clairement attirée par DeSantis. On en verra de beaux exemples en cas de primaire".

Il y a décidément comme une promesse de pugilat au-dessus de la nomination républicaine.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV