BFMTV
International

Des milliers de chiites enterrent leurs morts à Bahreïn

A Sitra, à Bahreïn, où des milliers de chiites ont pris part aux processions funéraires pour trois des leurs, tués lors d'une répression ordonnée par la famille régnante pour tenir en échec une vague de manifestations inspirée par l'Egypte. /Photo prise l

A Sitra, à Bahreïn, où des milliers de chiites ont pris part aux processions funéraires pour trois des leurs, tués lors d'une répression ordonnée par la famille régnante pour tenir en échec une vague de manifestations inspirée par l'Egypte. /Photo prise l - -

par Cynthia Johnston et Frederik Richter MANAMA (Reuters) - Plusieurs milliers de chiites se sont rassemblés vendredi à Bahreïn pour enterrer trois...

par Cynthia Johnston et Frederik Richter

MANAMA (Reuters) - Plusieurs milliers de chiites se sont rassemblés vendredi à Bahreïn pour enterrer trois des leurs, tués lors d'une répression ordonnée par la famille régnante pour tenir en échec une vague de manifestations inspirée par l'Egypte.

Quatre manifestants ont été tués et 231 autres blessés jeudi lors d'une intervention de la police anti-émeute, venue disperser des militants rassemblés place de la Perle, dans le centre de Manama. Il y a eu des dizaines d'arrestations.

Le dignitaire chiite le plus en vue de Bahreïn, le cheikh Issa Kassem, a qualifié de "massacre" cette intervention. Il a dit que le gouvernement avait fermé la porte au dialogue mais s'est gardé d'appeler ouvertement à de nouvelles manifestations.

Kassem s'adressait à des milliers de Bahreïnis rassemblés pour les prières du vendredi dans une mosquée du village chiite de Sitra, au sud de Manama. Son sermon a été interrompu aux cris de "Les gens veulent la chute du régime".

Les manifestants de Manama, chiites pour la plupart, campaient sur la place de la Perle dans l'espoir d'en faire un point de ralliement de la contestation, à l'image de la place Tahrir au Caire. Ils exigent des réformes politiques et sociales dans le royaume dirigé par la famille sunnite des Khalifa.

A Sitra, des milliers de chiites ont pris part aux processions funéraires pour trois des morts. La police se tenait à l'écart mais un hélicoptère survolait les lieux. Mardi, un manifestant a été tué pendant l'enterrement d'un autre.

A Manama, des centaines de partisans du gouvernement ont défilé dans les rues en brandissant drapeaux et portraits du roi Hamad ibn Issa Khalifa. Des télévisions ont montré des hommes, des femmes et des enfants portant des vêtements traditionnels.

Des dizaines de voitures arborant le drapeau bahreïni rouge et blanc ont gagné la mosquée Fateh, la plus grande de la capitale. Le nom du roi, "Hamad", était inscrit sur un drapeau.

UN PÈRE ENTERRE SON FILS

Dans la mosquée de Sitra, des hommes ont lavé le corps de l'étudiant Mahmoud Abou Taki, 22 ans, qui était criblé de chevrotines.

"C'est un gouvernement en faillite", a dit son père, Mekki Abou Taki, directeur de société immobilière. "Les manifestations vont continuer, bien sûr, ce gouvernement ressemble à des habitants de la jungle."

"La bande de criminels devant la justice", a crié la foule tandis que deux véhicules emmenaient les corps du jeune Abou Taki et d'Ali Mansour Khoudeir, 58 ans.

Barheïn est un proche allié de l'Arabie saoudite et des Etats-Unis. Manama est le port d'attache de la Ve flotte de l'US Navy qui marque la présence américaine au Moyen-Orient et en Asie centrale, Irak et Afghanistan compris. Les Saoudiens considèrent Bahreïn comme un avant-poste contre l'Iran.

Le chef de la diplomatie bahreïnie, le cheikh Khaled Ahmed Khalifa, a justifié l'intervention de la police en faisant valoir que le pays était "au bord d'un gouffre de sectarisme".

A Sitra, le juriste Hassan Radi rejette ce point de vue. "Personne ne se veut sectaire, mais les gens y sont obligés quand on leur impose la discrimination. Pas d'emploi, pas de respect, c'est évident", a-t-il dit devant la mosquée locale.

"Ce qu'ils réclament, c'est un Etat moderne avec une vraie Constitution démocratique garantissant leurs droits."

Ibrahim Mattar, avocat du bloc d'opposition chiite Wefak dont les 17 députés ont démissionné jeudi, a déclaré que le nombre des disparus après l'intervention de police à Manama était tombé à 11. Jeudi, les élus du Wefak avaient signalé une soixantaine de disparus.

En 1999, le roi a promulgué une Constitution autorisant l'élection d'un parlement doté de certains pouvoirs, mais la famille royale domine toujours un cabinet dirigé par le cheikh Khalifa Salman Khalifa, oncle du roi qui gouverne depuis 40 ans.

Philippe Bas-Rabérin pour le service français, édité par Gilles Trequesser