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Certains jugent la béatification de Jean Paul II précipitée

Fidèles place Saint-Pierre portant un tee-shirt célébrant Jean Paul II. Dans l'attente de la béatification du pape polonais pour laquelle le Vatican attend une foule sans précédent depuis ses funérailles, certains catholiques s'interrogent sur les raisons

Fidèles place Saint-Pierre portant un tee-shirt célébrant Jean Paul II. Dans l'attente de la béatification du pape polonais pour laquelle le Vatican attend une foule sans précédent depuis ses funérailles, certains catholiques s'interrogent sur les raisons - -

L'Eglise ne brûle-t-elle pas les étapes en béatifiant Jean Paul II, dimanche prochain, six ans seulement après sa mort ?

Dans l'attente d'une cérémonie pour laquelle le Vatican attend une foule sans précédent depuis les funérailles du pape polonais, Rome est prise d'une frénésie qui n'a rien à envier à celle qui a gagné Londres en vue du mariage du prince William.

Des portraits de Karol Wojtyla s'affichent un peu partout dans la ville éternelle dont il fut évêque pendant 27 ans.

Des centaines de milliers de pèlerins sont attendus sur la place Saint-Pierre où Benoît XVI, son successeur, prononcera la formule latine proclamant Jean Paul II bienheureux.

Cette frénésie aurait tendance à assourdir la voix de ceux parmi les catholiques qui s'interrogent sur les raisons d'un tel empressement. La réponse dépend peut-être de la définition que l'on donne à la sainteté.

La décision de l'Eglise rejoint le jugement spontané des fidèles, relève George Weigel, théologien américain et biographe de Jean Paul II, qu'il a bien connu.

On assiste ici à la reconnaissance d'une vie chrétienne, dont on peut s'inspirer, a-t-il dit à Reuters, en rappelant qu'aux funérailles du pape, décédé le 2 avril 2005, la foule avait scandé "santo subito" (canonisez-le tout de suite).

Benoît XVI n'a pas suivi la désormais célèbre injonction des fidèles, mais il a fait exception à une règle de l'Eglise qui observe normalement un délai de cinq ans avant de pouvoir entamer une procédure de béatification.

RÉTICENCES

Cette procédure, au cours de laquelle la vie et les oeuvres du défunt pape ont été examinées avec attention, a été bouclée lorsque le Vatican a jugé que la guérison inexpliquée d'une religieuse française atteinte de la maladie de Parkinson relevait d'un miracle dû à l'intercession de Jean Paul II.

Un autre miracle sera nécessaire après la béatification pour que Jean Paul II soit proclamé saint.

Beaucoup de fidèles estiment que cette canonisation est dès à présent assurée. Mais certains n'en sont pas moins réticents.

"J'ai beaucoup de considération pour l'homme - sa jeunesse héroïque, son authenticité, son courage historique face au régime communiste en Pologne. Il y a lieu de l'honorer pour tout cela", estime James Carroll, auteur et éditorialiste américain et ancien prêtre.

"Mais la sainteté est quelque chose d'autre. Je crois qu'il a fait beaucoup de tort à l'Eglise de multiples façons. Je pense aussi que le Vatican trouve son intérêt dans le processus de canonisation en général et dans celle de Jean Paul II en particulier. Il s'agit d'une tentative de consolider une autorité chancelante", a-t-il dit à Reuters.

L'aile progressiste de l'Eglise juge que Jean Paul II a été trop sévère avec les théologiens de la libération qui s'efforçaient d'aider les plus pauvres, en particulier en Amérique latine. Certains affirment qu'il porte une part de responsabilité dans les scandales de pédophilie parce qu'ils se sont produits ou ont été dévoilés sous son pontificat.

Les plus conservateurs reprochent au futur bienheureux une ouverture trop grande aux autres religions. Ils lui reprochent en outre d'avoir, lors de ses nombreux voyages à l'étranger, laissé la liturgie s'imprégner des cultures locales, avec par exemple des messes rythmées par des danses africaines.

D'autres formulent des doutes quant à la guérison miraculeuse de la religieuse française atteinte de la maladie de Parkinson, mal dont a aussi souffert le pape au cours des douze dernières années de son existence.

"Imaginez les dégâts pour la crédibilité de l'Eglise si la religieuse souffrait d'une reprise des symptômes", avance le journal catholique conservateur The Remnant.

Raimondo Zarfati, qui tient une échoppe de souvenirs à proximité du Vatican, ne prend pas parti dans le débat, mais observe: "Je vends 90% d'objets à l'effigie de Jean Paul II et 10% à celle de Benoît XVI". Si ses ventes constituent une indication, les fidèles ont voté.

Par Philip Pullella - Nicole Dupont pour le service français, édité par Gilles Trequesser