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Avion dérouté par le Bélarus: Paris dénonce un acte "inacceptable"

La France a dénoncé ce dimanche le détournement "inacceptable" par les autorités du Bélarus d'un avion transportant un opposant bélarusse et réclamé une "réponse ferme et unie" des 27 Etats membres de l'UE.

Le Bélarus a envoyé ce dimanche un chasseur intercepter un avion de ligne à bord duquel se trouvait un militant de l'opposition qui, selon cette dernière, a été interpellé à son arrivée à Minsk par les services de sécurité du régime d'Alexandre Loukachenko.

La France a dénoncé le "détournement" par les autorités du Bélarus d'un avion transportant un opposant bélarusse et réclamé une "réponse ferme et unie" des 27 Etats membres de l'UE.

"Le détournement par les autorités biélorusses d'un vol de Ryanair est inacceptable. Une réponse ferme et unie des Européens est indispensable", a déclaré le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian sur Twitter.

L'UE appelle Minsk à laisser repartir l'avion

Les dirigeants de l'UE ont averti dimanche qu'ils tenaient le Bélarus pour "responsable" du sort de l'appareil de Ryanair dérouté et forcé d'atterrir à Minsk, l'appelant à laisser "tous les passagers" repartir et poursuivre leur voyage, à la veille d'un sommet des 27 à Bruxelles.

"C'est totalement inadmissible. Nous tenons le gouvernement du Bélarus pour responsable de la sécurité de tous les passagers et de l'appareil", a réagi sur Twitter le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell.

"TOUS les passagers doivent pouvoir poursuivre immédiatement leur voyage", a-t-il insisté, après que les services de sécurité bélarusses ont arrêté à son arrivée le jeune militant d'opposition Roman Protassevitch présent dans l'avion.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a simultanément exprimé une position similaire sur le même réseau social : "TOUS les passagers doivent pouvoir continuer leur voyage vers Vilnius (la capitale de la Lituanie, ndlr)immédiatement et leur sécurité doit être garantie".

"Il faudra assumer toutes les conséquences de violations des règles internationales du transport aérien", a-t-elle prévenu.

Charles Michel, le président du Conseil européen (l'institution représentant les 27 Etats membres), a également réclamé à Minsk de "relâcher immédiatement l'avion et tous ses passagers".

"Une enquête de l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale) sur cet incident sera essentielle", a-t-il estimé.

Ce dernier présidera lundi et mardi à Bruxelles un sommet des chef d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, au cours duquel doivent être abordés une série de questions internationales et le dossier climatique.

Une "alerte à la bombe"

Le média d'opposition Nexta a affirmé que son ancien rédacteur en chef Roman Protassevitch avait été arrêté après l'atterrissage d'urgence à l'aéroport de la capitale du Bélarus de cet appareil, un Boeing 737 de la compagnie Ryanair en provenance d'Athènes et avec pour destination Vilnius en Lituanie. La télévision d'Etat bélarusse a ensuite confirmé son arrestation à Minsk.

Selon les autorités, l'avion a dévié de sa trajectoire à cause d'une "alerte à la bombe". Nexta a affirmé que l'atterrissage d'urgence avait été suscité par une "bagarre" déclenchée par des agents des services de sécurité bélarusses, présents à bord et qui affirmaient qu'un engin explosif se trouvait dans l'appareil.

L'aéroport de Minsk, cité par l'agence de presse officielle Belta, a affirmé que l'alerte à la bombe s'était révélée "erronée" après une fouille du Boeing. Le président Alexandre Loukachenko a quant à lui donné l'ordre personnellement à un avion de chasse MiG-29 d'intercepter l'avion après cette alerte, a dit son service de presse.

"Bagarre avec le KGB"

A l'été et à l'automne derniers, Alexandre Loukachenko a été confronté à mouvement de contestation historique ayant rassemblé pendant plusieurs semaines des dizaines de milliers de personnes à Minsk et dans d'autres villes, une mobilisation énorme pour un pays d'à peine 9,5 millions d'habitants.

Mais la protestation s'est progressivement essoufflée face à des arrestations massives, des violences policières ayant fait au moins quatre morts, un harcèlement judiciaire permanent et de lourdes peines de prison infligées à des militants et à des journalistes.

En novembre dernier, les services de sécurité bélarusses (KGB), hérités de la période soviétique, avaient placé Roman Protassevitch et le fondateur de Nexta, Stepan Poutilo, sur la liste des "individus impliqués dans des activités terroristes".

L'actuel rédacteur en chef de Nexta, Tadeusz Giczan, a assuré que des agents du KGB bélarusse étaient à bord de l'appareil.

"Quand l'avion est entré dans l'espace aérien bélarusse, les officiers du KGB ont déclenché une bagarre avec le personnel de Ryanair", a affirmé Tadeusz Giczan, les agents soutenant qu'une bombe était à bord.

Une porte-parole des aéroports lituaniens a dit avoir reçu comme première explication de le part de l'aéroport de Minsk un conflit entre des passagers et l'équipage.

"Peine de mort"

Roman Protassevitch est l'ancien rédacteur en chef de Nexta, un média ayant joué un rôle clé dans la récente vague de contestation de la réélection en 2020 du président Alexandre Loukachenko, qui occupe ces fonctions depuis 1994.

Fondé en 2015, Nexta ("Quelqu'un" en bélarusse) avait notamment coordonné les rassemblements à travers le Bélarus, diffusant des mots d'ordre et permettant de partager les photos et les vidéos des rassemblements et des violences.

L'arrestation du militant a été immédiatement condamnée par la figure de l'opposition bélarusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa. Sur Twitter, elle a assuré que le régime avait "forcé" à l'atterrissage l'avion de Roman Protassevitch qui, selon elle, "encourt la peine de mort".

L'ancienne république soviétique du Bélarus est le dernier pays en Europe à appliquer la peine capitale.

L'Allemagne a réclamé une "explication immédiate" après le déroutage de l'avion. Le président de la Lituanie, Gitanas Nauseda, a quant à lui dénoncé sur Twitter "un événement sans précédent", accusant le régime bélarusse d'avoir été derrière "cet acte abject".

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a qualifié d'"acte de terrorisme d'Etat" l'arrestation de l'opposant bélarusse Roman Protassevitch. Il a également écrit sur Twitter qu'il avait demandé au président du Conseil européen Charles Michel que l'UE discute dès lundi de "sanctions immédiates" contre le Bélarus, ajoutant que l'arrestation de l'opposant "ne peut pas rester impunie".

La répression en cours au Bélarus a valu à Minsk une batterie de sanctions occidentales qui ont conduit Alexandre Loukachenko à se rapprocher davantage de son homologue russe Vladimir Poutine.

C.Bo. avec AFP