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Avec l'interruption de la vente de Mistral à Moscou, le vent tourne en faveur de l'Ukraine

Un "BPC" (bâtiment de projection et de commandement) de type Mistral, tel que la France devait livrer à la Russie.

Un "BPC" (bâtiment de projection et de commandement) de type Mistral, tel que la France devait livrer à la Russie. - Rama - Wikimedia - CC

La France a suspendu la livraison du premier navire de guerre Mistral à la Russie. Par cette décision, elle finit donc par mettre le principe au-dessus du profit, nous explique Harold Hyman, spécialiste géopolitique de BFMTV.

L'Elysée vient de se propulser à l'avant-garde de l'opposition occidentale aux visées expansionnistes de Vladimir Poutine. On annonce, sans précision, que 

"le Conseil de défense a examiné la situation en Ukraine. Elle est grave. Les actions menées récemment par la Russie dans l'est de l'Ukraine contreviennent aux fondements de la sécurité en Europe (...). Malgré la perspective d'un cessez-le-feu (...), les conditions pour que la France autorise la livraison d'un premier BPC (bâtiments de projection et de commandement) ne sont pas à ce jour réunies".

Ce langage ampoulé omet de dire clairement que l'armée russe est entrée en Ukraine occidentale, les "actions menées" restant une contravention à des règles de sécurité européennes.

Tentons de dire ce que l'Elysée ne dit pas: l'on se doit de protéger l'Ukraine. En effet, la République d'Ukraine a signé un accord de rapprochement avec l'Otan en 2008, qui prévoyait à terme l'adhésion à l'Otan. Ce n'est pas tout à fait un traité militaire. Cependant la France est membre de l'Otan et implicitement se doit de favoriser la sécurité de cet Etat.

L'UE rêvait d'échange commerciaux fructueux avec Moscou

En 2010, l'ex-président Viktor Ianoukovitch a annoncé ne plus souhaiter l'adhésion à l'Otan. Sous son règne, l'Etat adhère au mouvement non-aligné. Le Kremlin peut se réjouir, l'Otan ne sera pas à sa porte.

En 2013, tout se gâte: l'Ukraine est en train de négocier un Traité d'association avec l'UE, lancée en 2008. Or ce même Ianoukovitch décide que même cela est inacceptable, car incompatible avec le traité d'Union eurasiatique préparée en parallèle avec le Kremlin. Puis il y a eu Maïdan, qui a fait capoter l'Union eurasiatique et Ianoukovitch lui-même. 

Cependant, les principaux Etats de l'UE rêvaient d'échanges commerciaux fructueux avec la Russie, qu'ils ne voulaient pas sacrifier sur l'autel du "nationalisme ukrainien". La vente des BPC de classe Mistral à la Russie passait (mais ne passe plus) pour un moyen de mettre Poutine en confiance: les Français le prenaient pour un chef d'Etat raisonnable, on pouvait lui vendre de telles choses.

L'entre-deux sur la question russe est brisé

(Soit dit en passant: les BPC auraient donné un avantage naval décisif aux forces armées russes en Mer Noire contre la Géorgie et en Mer Baltique,contre les Etats baltes. Le Premier ministre estonien à Paris pensait que son pays était indéfendable si les forces pouvaient l'attaquer par la terre, et le prendre à revers par la mer. Donc c'est acté: les Mistral sont des navires de guerre! Même s'ils sont très utiles lors de désastres humanitaires...)

L'emploi des chantiers navals était une grande préoccupation de l'Elysée. Mais tant pis: un autre client sera trouvé pour les deux BPC. Le signal français casse, définitivement, l'espèce d'angoissant entre-deux français sur la question russe. Et si la France a fini par mettre le principe au-dessus du profit, tous les Etats de l'Otan pourront désormais dire leur opposition à la politique de Poutine.

Harold Hyman