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Attentat à Moscou: qu'est-ce que l'Etat islamique au Khorassan qui a revendiqué l'attaque ?

L'attentat de Moscou, qui a fait au moins 137 morts et 182 blessés selon le dernier bilan, a été revendiqué par l'État islamique au Khorassan, une branche de l'organisation Etat islamique.

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais c'est pourtant la branche la plus active de Daesh à l'international. L'attentat au Crocus City Hall de Moscou, qui a fait au moins 137 morts et 182 blessés vendredi, selon le dernier bilan, a été revendiqué par l'Etat islamique au Khorassan.

Une revendication qui a poussé le gouvernement français à relever le plan Vigipirate au niveau le plus haut. "La revendication de l'attentat de Moscou provient de l'État islamique au Khorassan. Or, cette organisation menace la France et a été impliquée dans plusieurs projets d'attentats récents déjoués dans plusieurs pays d'Europe, dont l'Allemagne et la France", a précisé Matignon à BFMTV. Cette branche a déjà mené "plusieurs tentatives" sur le sol français, a également confirmé Emmanuel Macron, ce lundi, lors d'une prise de parole à son arrivée en Guyane.

Une branche "tournée vers l'international"

Cette branche de Daesh, aussi appelé "EI-K", a été fondée en 2014. Selon Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes, le Khorassan "est le nom historique de cette région, qui comprend l'Afghanistan, le Pakistan, une partie des anciennes Républiques soviétiques et une partie de l'Iran", a-t-il expliqué sur RMC.

Selon une note publiée en 2021 par l’Institut français des relations internationales (IFRI), cette branche est considérée comme la "plus sanguinaire d’Afghanistan". Le 26 août 2021, elle avait revendiqué l'attentat de l'aéroport de Kaboul, sur son propre sol, en Afghanistan, qui a fait 173 morts, dont 13 soldats américains. C'est l'attaque la plus meurtrière contre les forces du Pentagone depuis 2011 en Afghanistan et l'attentat le plus sanglant contre les Etats-Unis jamais signé par l'EI.

En septembre 2022, un attentat suicide meurtrier contre l’ambassade de Russie à Kaboul avait été revendiqué par des militants de l’EI-K. Plus récemment, le 3 janvier 2024, cette branche a perpétré une attaque à la bombe à Kerman, en Iran, lors d’une procession commémorative en l’honneur du général iranien Qassem Soleimani. L’attaque avait fait plus de 100 morts et environ 150 blessés

Les États-Unis ont offert 10 millions de dollars pour toute information permettant "d'identifier ou localiser" Sanaullah Ghafari, aussi connu sous le nom de Shahab al-Muhajir, identifié comme le chef de l'EI-K. Né en 1994, "Ghafari est chargé d'approuver toutes les opérations de l'EI-K (...) et de trouver les financements pour perpétrer ces opérations", estime le département d'Etat, qui l'avait inscrit dès novembre 2021 sur la liste noire américaine des "terroristes" étrangers.

Selon Hans-Jakob Schindler, directeur de l'ONG Counter Extremism project (CEP) et ancien expert des Nations unies sur le terrorisme, l'EI-K a été créé en Afghanistan par des émissaires de l'EI venus d'Irak et de Syrie.

"Ils ont des liens très étroits avec la centrale, bien plus que les autres filiales" du groupe dans le monde, a-t-il expliqué à l'AFP, et obtiennent les fonds dont ils ont besoin.

La Russie, cible de choix

Depuis plusieurs années, cette branche s'est largement exportée à l'international. "L'EI-K s'est imposé comme la branche de l'EI la plus tournée vers l'international. Il a produit de la propagande dans plus de langues que n'importe quelle autre filiale depuis l'apogée du califat (autoproclamé) en Irak en Syrie", a expliqué Lucas Webber, cofondateur du site spécialisé Militant Wire, à l'AFP.

"Cette vision internationale inclut une campagne ambitieuse et agressive pour renforcer ses capacités opérationnelles extérieures et frapper ses différents ennemis à l'étranger", a ajouté Lucas Webber.

À commencer par la Russie, qui est une cible de choix pour l'Etat islamique au Khorassan. L'organisation l'a notamment critiquée pour son invasion de l'Ukraine et ses interventions militaires en Afrique et en Syrie, explique Lucas Webber. Il rappelle l'attentat suicide contre l'ambassade de Russie en Afghanistan en 2022 et souligne que le groupe "travaille à son expansion à travers l'Asie centrale et la Russie", avec même "un média en langue russe pour renforcer ses soutiens et inciter à la violence dans le pays".

Le 7 mars dernier, les autorités russes avaient affirmé avoir tué des membres présumés de l'EI-K lors d'une opération dans la région de Kalouga, au sud-ouest de Moscou, les accusant d'avoir préparé un attentat contre une synagogue de la capitale. Le Kazakhstan a confirmé la mort de deux de ses citoyens dans l'opération.

L'EI "travaille depuis 2019 pour rétablir une unité institutionnelle en charge des opérations extérieures. D'abord en Turquie puis en Afghanistan avec des acteurs venus d'Asie centrale", ajoute-t-il.

"Il semble qu'ils y parviennent. Avec l'Afghanistan et l'Asie centrale comme plateforme pour frapper la Russie et l'Asie et la Turquie comme portail vers l'Europe".

"Plusieurs tentatives" en France

Ces dernières années, l'État islamique au Khorassan a été impliqué dans plusieurs projets d'attentats déjoués dans plusieurs pays d'Europe, dont l'Allemagne. Mardi dernier, les autorités allemandes ont ainsi arrêté deux jihadistes afghans présumés, soupçonnés d'avoir préparé un attentat près du parlement suédois, dans un contexte de menace terroriste élevée dans le pays scandinave après les autodafés de Coran. L'un d'eux aurait rejoint l'EI-K depuis l'Allemagne.

L'Hexagone ne fait évidemment pas figure d'exception. L'État islamique au Khorassan a d'ailleurs déjà mené "plusieurs tentatives" sur le sol français, a fait savoir Emanuel Macron, ce lundi, lors d'un déplacement en Guyane.

"Ce groupe particulier, qui est impliqué semble-t-il dans cet attentat, a conduit ces derniers mois plusieurs tentatives sur notre sol", a ajouté Emmanuel Macron.

Dernier évènement en date, le 2 décembre 2023, lors d'un attentat à proximité du pont Bir-Hakeim, dans le 16e arrondissement de Paris, qui a fait un mort et deux blessés. L'auteur de cet attentat, un jeune homme de 26 ans, s'est présenté comme membre de la filière État islamique au Khorassan.

Deux jours après l'attentat de Moscou, le gouvernement a donc décidé de relever le plan Vigipirate au niveau le plus haut, "urgence attentat", a annoncé le Premier ministre Gabriel Attal ce dimanche 24 mars au soir, à l'issue du Conseil de sécurité, présidé par Emmanuel Macron. Une décision prise en raison de "la revendication de l’attentat par l'Etat islamique" et "des menaces qui pèsent" sur la France, a-t-il expliqué.

"Compte tenu de ses ramifications et de ses intentions, par mesure de précaution mais avec des éléments crédibles et solides", il a "décidé de hausser la posture de Vigipirate", qui avait été abaissée en janvier, a précisé de son côté Emmanuel Macron.

Manon Aublanc avec AFP