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Russie

Russie: des manifestations pour dénoncer la corruption, après l'incendie meurtrier en Sibérie

Après l'incendie dans le centre commercial de Kemerovo, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes de Russie, comme ici à Moscou, le 27 mars.

Après l'incendie dans le centre commercial de Kemerovo, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes de Russie, comme ici à Moscou, le 27 mars. - Mladen Antonov - AFP

Alors que l'enquête a révélé que l'incendie qui a entraîné la mort de 64 personnes dont 41 enfants dimanche à Kemerovo, en Sibérie, a été provoqué par une série de négligences, des Russes sont descendus dans la rue pour dénoncer la corruption des autorités locales, qui ont toléré ces violations des règles de sécurité.

Après le choc, la colère. Quelques jours après le violent incendie qui a fait au moins 64 morts, dont 41 enfants, dimanche dans un centre commercial de Kemezovo, en Sibérie, des milliers de manifestants sont descendus mardi dans les rues de cette ville industrielle de 550.000 habitants, pour protester contres les agissements des autorités locales, dont ils réclament la tête après la mise en évidence de violations cinglantes des règles de sécurité. 

Des normes sécuritaires ignorées

Ces dernières sont accusées d'avoir fermé les yeux sur de nombreuses négligences des responsables du centre commercial, notamment en matière de normes sécuritaires. Issues de secours bloquées, salles de cinéma fermées à clé, système d'alarme en panne, membres de la sécurité incompétents, système anti-incendie défaillant: la liste des "violations flagrantes" relevées et dévoilées par les enquêteurs a suscité l'incompréhension et la colère, dans un pays où des incendies meurtriers se produisent chaque année.

A tel point que le président Vladimir Poutine, en visite à Kemerovo après le drame, a lui-même dénoncé une "négligence criminelle" dans cette tragédie.

Depuis, les Russes manifestent pour réclamer la tête des autorités locales et exiger justice, alors que le pays observait mercredi une journée de deuil. Même chose sur les réseaux sociaux, où les habitants expriment leur mécontentement. "L'administration de Kemerovo est impuissante! Lorsque je les écoute, je suis sous le choc. Ils sont incapables de répondre à nos questions", s'est indignée Svetlana Tourtchina sur YouTube où, comme sur tous les réseaux sociaux, l'indignation était palpable.

Le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, a qualifié l'administration de Kemerovo de "bande de criminels" qui ne pensent qu'au "gain personnel", et il a dénoncé l'absence de coordination des secours et un équipement obsolète, qu'il impute à la corruption.

Manquements évidents, peu de contrôles

Les premiers résultats de l'enquête ont montré que les dirigeants du centre commercial, un gigantesque ensemble regroupant cinémas, salle de bowling et de jeux, magasins et restaurants, avaient bénéficié d'une tolérance coupable de la part des autorités locales.

Le centre avait pu ouvrir en 2013 malgré des manques constatés dans la sécurité anti-incendie puis, sans difficulté, ignorer les injonctions faites par le ministère des Situations d'urgence lors d'une inspection en 2016. Enfin, le lieu était officiellement enregistré comme entreprise de moins de 100 salariés, pour éviter d'être trop fréquemment contrôlé.

"N'importe quel homme d'affaires vous dira combien cela coûte de fermer les yeux d'un inspecteur sur les violations, combien cela coûte pour ne pas avoir à dépenser de l'argent dans les alarmes et les issues de secours", a souligné le populaire blogueur Ilia Varlamov.

"Les rois s'en tireront"

Des milliers de manifestants se sont ainsi rassemblés mardi sur la place centrale de Kemerovo, pour pleurer les disparus et exiger des explications de la part des autorités. "Qui est vraiment responsable?", "Combien de victimes, réellement?", "Des lampistes vont être condamnés, les rois s'en tireront", pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants, parmi lesquels se trouvaient des proches des victimes ainsi que des rescapés.

L'annonce de l'arrestation de cinq personnes, parmi lesquelles des responsables du centre commercial et un membre de la sécurité, n'a pas suffi à calmer la colère des habitants qui craignent que les vrais coupables ne soient jamais punis et exigent le limogeage des responsables de la région.

Des manifestations dénonçant la "corruption meurtrière" et exigeant une enquête transparente ont également eu lieu mardi à Moscou et Saint-Pétersbourg.

Aucun mot du gouverneur

Directement mis en cause, le gouverneur de la région, Aman Touleïev, en poste depuis 1997, ne s'est quant à lui rendu ni sur les lieux du drame, assurant que son cortège aurait gêné le travail des secouristes, ni à la rencontre de ceux qui manifestaient leur mécontentement.

Lundi, sa première réaction publique après le drame n'a pas été de s'adresser à la population, mais de remercier Vladimir Poutine pour l'avoir personnellement appelé afin de lui donner des instructions.

Le lendemain, Vladimir Poutine est arrivé à Kemerovo pour se rendre au chevet des blessés, déposer des fleurs et rencontrer l'administration locale. Aman Touleïev, après avoir une nouvelle fois remercié Vladimir Poutine pour l'appel de la veille, s'est excusé devant lui pour ce drame et promis de recevoir les familles des victimes et d'effacer leurs dettes auprès des banques. Le gouverneur s'en est ensuite pris aux "opposants", venus selon lui à Kemerovo "faire leur publicité grâce à la tragédie".

Adrienne Sigel avec AFP