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La solitude des militants de la lutte contre le sida en Russie

Chaque année, 70.000 à 80.000 Russes sont infectés par le VIH (photo d'illustration).

Chaque année, 70.000 à 80.000 Russes sont infectés par le VIH (photo d'illustration). - Denis Sinyakov - AFP

Le sida fait des ravages en Russie. En l'espace de cinq ans, plus 400.000 personnes ont contracté le virus. Pourtant, les fonds alloués à la prévention par les autorités restent dérisoires.

Avec une seringue propre, un préservatif ou un conseil, Maxime Malychev œuvre auprès des toxicomanes pour lutter contre la propagation dramatique du sida en Russie. Et il se sent bien seul.

"Les autorités ne soutiennent pas nos activités", soupire ce volontaire lors d'une distribution de seringues devant une pharmacie de la banlieue de Moscou. "Tous leurs efforts sont dirigés vers les cures de désintoxication ou des campagnes pour dire aux gens de ne pas prendre de drogue", poursuit-il.

Lui-même ancien toxicomane, Maxime Malychev milite pour la Fondation Andreï Ryjkov, qui mène le seul programme de sensibilisation à destination des toxicomanes dans la capitale russe. "Nous allons là où les toxicomanes traînent, où ils passent, où ils achètent, et nous leur donnons des seringues propres pour éviter qu'ils soient infectés", explique-t-il.

Une telle action préventive semble banale à première vue mais en Russie, où les idées conservatrices ne cessent de progresser sous le président Vladimir Poutine, elle ne dispose d'aucun appui des pouvoirs publics.

400.000 nouveaux séropositifs en cinq ans

Les chiffres semblent montrer que cette politique, qui se concentre sur le traitement plutôt que la prévention, a des conséquences catastrophiques. Le nombre de Russes séropositifs est passé d'environ 500.000 en 2010 à environ 930.000 aujourd'hui, selon des statistiques officielles récentes qui pour de nombreux experts sous-estiment la réalité.

Selon le spécialiste du sida Vadim Pokrovski, 90.000 personnes ont contracté le VIH sur la seule année 2014 et le nombre total de séropositifs pourrait atteindre jusqu'à trois millions dans les cinq prochaines années.

"Les cinq dernières années, marquées par une approche conservatrice, ont conduit à un doublement du nombre de personnes infectées", a dénoncé Vadim Pokrovski, qui dirige le Centre fédéral russe de lutte contre le sida, mettant directement en cause la politique du Kremlin de promotion des valeurs traditionnelles et conservatrices.

Appels à l'abstinence

La Russie bannit ainsi la méthadone, substitut à l'héroïne qui s'administre par voie orale et qui pour nombre de spécialistes internationaux réduit le risque de contamination du VIH chez les personnes vulnérables.

Sous l'influence de la puissante Eglise orthodoxe, les campagnes en faveur du port du préservatif et l'éducation sexuelle à destination des jeunes n'ont plus le vent en poupe, remplacés par des appels à l'abstinence. Par conséquent, le VIH touche de manière croissante les femmes hétérosexuelles.

Selon Vadim Pokrovski, sur un budget annuel de 21 milliards de roubles (330 millions d'euros) consacré à la lutte contre le sida, seuls 400 millions de roubles (6,3 millions d'euros) servent à informer sur la maladie.

Du côté des personnes infectées, si obtenir des antirétroviraux combattant le virus n'est pas un problème, on souligne que la connaissance du virus reste très faible et que le sujet est tabou pour nombre de Russes. "Je comprends ces gens: il n'y a pas d'information, ils ont peur et sont sur la défensive", reconnaît Alexandre Savitski, séropositif depuis 1999 et aujourd'hui à la tête de l'organisation Pays en bonne santé.

Seringues trouvées dans les cages d'escaliers 

Devant la pharmacie de Moscou où Maxime Malychev distribue des seringues, un jeune toxicomane, Dima, en prend plusieurs. "C'est pour ne pas être contaminé", explique cet homme de 33 ans, t-shirt jaune et casquette sur la tête. "Parfois, les gens utilisent des seringues usagées qu'ils trouvent dans des cages d'escalier, c'est la réalité".

Les volontaires reconnaissent être totalement dépassés par l'ampleur des besoins et regrettent que le gouvernement ne le aide pas. "C'est triste, très triste", soupire Assia Sosnina. "Surtout quand on voit les gens qu'on connaît qui commencent à en mourir".

la rédaction avec AFP