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Russie

La Russie condamnée pour manquements dans l'enquête sur le meurtre d'Anna Politkovskaïa

Une femme tient le portrait de la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa, le 7 octobre 2016 à Moscou.

Une femme tient le portrait de la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa, le 7 octobre 2016 à Moscou. - Natalia Kolesnikova - AFP

La Russie a été condamné à verser 20.000 euros aux proches de la journaliste d'investigation Anna Politkovskaïa, abattue en 2006, faute d'avoir mis les moyens adéquats pour identifier le commanditaire de l'assassinat.

"Si les autorités (russes) ont retrouvé et condamné un groupe d’hommes directement impliqués dans l’assassinat commandité de Mme Politkovskaïa, elles n’ont pas mis en œuvre les mesures d’enquête appropriées pour identifier le ou les commanditaires du meurtre", a jugé ce mardi la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH). 

La journaliste d'investigation Anna Politkovskaïa, connue notamment pour son travail sur les allégations de violation des droits humains en Tchétchénie et pour ses positions critiques à l'encontre du Kremlin, avait été abattue en octobre 2006 dans l'ascenseur de son immeuble de Moscou.

Cinq hommes (dont trois cquittés en 2009) ont été condamnés en 2014, dont "l'organisateur principal de l'assassinat et l'auteur des coups de feu (...) à perpétuité", rappelle la CEDH dans un communiqué. En parallèle, un responsable de la direction du ministère de l'Intérieur à Moscou avait avoué avoir participé à l'organisation du crime et condamné à 11 ans. 

Des "résultats tangibles" mais des "manquements" dans l'enquête

Cependant, le ou les commanditaires éventuels de l'assassinat de la journaliste n'ont jamais été inquiétés, ce que condamne aujourd'hui la CEDH. La Cour reconnaît des "résultats tangibles", plusieurs hommes ayant été condamnés, mais dénonce la manière dont a été menée l'enquête.

Elle reproche notamment que si une "théorie principale qui impliquait un homme d’affaires résidant à Londres" a été élaborée, les autorités russes n'ont fourni "aucune des pièces du dossier de l'enquête", "aucune indication sur les demandes d'entraide internationale" qui auraient pu être émises, ni précisé les suites de l'affaire après la mort du suspect en 2013. 

La CEDH reproche également au gouvernement russe de n'avoir "pas justifié le choix des autorités de se concentrer sur cette seule piste". "L'État aurait dû examiner les allégations des requérants selon lesquelles des agents du FSB ou des représentants de l’administration tchétchène avaient été impliqués dans l’organisation du meurtre", juge la Cour.

Une enquête anormalement longue

Celle-ci souligne par ailleurs qu'en raison de la profession d'Anna Politkovskaïa, les autorités russes auraient dû "rechercher s'il pouvait exister un lien entre l'assassinat (...) et son travail". 

La CEDH pointe aussi la longueur de l'enquête, toujours en cours après 12 ans d'investigations "sans (qu'il n'ait été donné) de raisons convaincantes qui pourraient (le) justifier". 

La Russie a été condamnée à verser 20.000 euros conjointement à la mère, à la soeur et aux enfants de la journaliste, à l'origine de la requête, pour "dommage moral". 

Liv Audigane