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La Coupe du monde, le pari gagné de Poutine

Vladimir Poutine et le président de la Fifa Gianni Infantino dans les tribunes lors de la finale de la Coupe du monde, le 15 juillet 2018.

Vladimir Poutine et le président de la Fifa Gianni Infantino dans les tribunes lors de la finale de la Coupe du monde, le 15 juillet 2018. - Alexey NIKOLSKY - SPUTNIK - AFP

L'événement sportif international a été une grande réussite à tous points de vue pour la Russie, et pour son président.

La Coupe du monde s'est achevée dimanche soir. Pendant un mois, la Russie, qui accueillait l'événement sportif international, a été au centre de tous les regards. Mais alors que de nombreuses peurs entouraient la compétition, au premier rang desquelles le hooliganisme, force est de constater que l'organisation russe a été une réussite et qu'aucun incident majeur n'a été à déplorer, malgré la venue de plus de 600.000 visiteurs. A tel point que Vladimir Poutine sort lui aussi largement victorieux de cet événement, dont il avait pour ambition de se servir politiquement

Un mois sans ombre au tableau

A plusieurs points de vue, le pari a été largement remporté par le président russe. Tout d'abord, aucun incident n'a eu lieu en marge des matchs, alors que les violences liées au hooliganisme étaient particulièrement redoutées pour cette édition russe. L'Euro 2016 en France avait en effet été marqué par les images des supporters russes s'en prenant violemment aux Anglais, sur le Vieux Port de Marseille. 

Mais rien à déplorer en marge de cette Coupe du monde 2018. Avant le début de la compétition, les autorités russes avaient procédé à un véritable fichage des ultras les plus radicaux. La plupart d'entre eux avaient été mis en garde de façon très claire par les services de police et de renseignement contre tout comportement non approprié pendant ce Mondial.

Certains avaient été arrêtés de manière préventive ou assignés à résidence, quand d'autres avaient tout simplement été menacés. Cette technique de dissuasion s'est aussi révélée efficace contre le racisme dans les stades, puisque aucun joueur de couleur n'a été insulté pendant les matchs. Quant au terrorisme, qui était l'autre grande crainte des autorités russes, il n'a pas non plus terni l'événement. 

L'image d'une Russie souriante et accueillante

"Cette Coupe du monde est un pari réussi pour Vladimir Poutine en termes d'organisation puisque toutes les menaces craintes ont été levées", résume pour BFMTV.com Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et auteur de Football investigations, les dessous du football en Russie (éd. Bréal). 

"Mais c'est aussi un pari gagné sur le plan touristique et économique car les supporters étrangers et les équipes ont été très bien accueillis sur place. Cette Coupe du monde a donné l'image d'une Russie accueillante pour le reste du monde, loin des stéréotypes d'agressivité et de froideur qui lui sont généralement attribués", ajoute le spécialiste.

A tel point que le président de la Fifa, Gianni Infantino, avait déclaré lors d'une visite au Kremlin la semaine dernière: "Nous sommes tous tombés amoureux de la Russie. Nous avons découvert un pays que nous ne connaissions pas". L'opération séduction, l'autre objectif majeur de Vladimir Poutine, a donc été entièrement menée à bien.

La plus géopolitique des Coupes du monde

Mais cette édition 2018 de la plus importante des compétitions de football s'est aussi révélée être très géopolitique. Et là encore, Vladimir Poutine a marqué de nombreux points. 

De fait, la compétition s'est révélée très bénéfique pour l'image de la Russie à l'international. "On a vu un Vladimir Poutine posant tout sourire sur les photos. Dimanche soir, il était présent sur le terrain aux côtés d'Emmanuel Macron et de la présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović lors de la remise du trophée, mais aussi, et c'est encore plus incroyable, dans le vestiaire français après la victoire, toujours aux côtés de ses homologues. Ce sont des images inédites", fait valoir Jean-Baptiste Guégan. 

En outre, plusieurs dirigeants ont été invités par Vladimir Poutine à suivre les matchs avec lui depuis la tribune d'honneur des stades. Ainsi, le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohamed ben Salmane, était présent lors du match d'ouverture, le 14 juin, tandis qu'Emmanuel Macron était aussi aux côtés du président russe dimanche soir pour la finale.

Une manière pour Vladimir Poutine de se remettre au coeur des relations internationales, alors que la Russie était tenus à l'écart ces derniers temps. "Pendant ce temps, son administration a pu discuter avec les autres", ajoute Jean-Baptiste Guégan, pour qui il s'agit de la Coupe du monde "la plus géopolitique de tous les temps". 

Vladimir Poutine remet leurs médailles aux joueurs de l'équipe de France, le 15 juillet 2018, à Moscou.
Vladimir Poutine remet leurs médailles aux joueurs de l'équipe de France, le 15 juillet 2018, à Moscou. © Odd ANDERSEN - AFP

Une image durablement redorée?

Reste à savoir si ces effets positifs du Mondial de foot bénéficieront sur la durée à la Russie et à son président. "Pour la Russie, c'est un 'oui' inconditionnel", lance Jean-Baptiste Guégan. "Le pays s'est désormais débarrassé de l'image de guerre froide qui lui collait à la peau, et ce côté moderne et accueillant va rester ancré", estime le spécialiste. 

Mais pour Vladimir Poutine, ces bénéfices risquent de perdurer moins longtemps. "Si son image a elle aussi été redorée pendant ce Mondial, personne n'oublie qu'il est un dirigeant autoritaire", souligne Jean-Baptiste Guégan, avant de rappeler que seulement trois semaines après la clôture des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi, en février 2014, dont l'organisation avait aussi été unanimement saluée, le président russe avait pris la décision d'annexer la Crimée, ouvrant la voie aux premières sanctions économiques et au début de la crise avec les pays occidentaux.

Le premier test géopolitique post-Coupe du monde de Vladimir Poutine a d'ailleurs lieu dès ce lundi, avec sa rencontre avec le président américain Donald Trump à Helsinki. Et les sujets de discorde entre les deux hommes sont nombreux.

Enfin, Vladimir Poutine pourrait être confronté à un autre défi, venant cette fois-ci de l'intérieur. Pendant cette Coupe du monde, les Russes ont eu le loisir de se réunir dans la rue pour faire la fête, et ont fait l'expérience d'une parenthèse enchantée, en pouvant faire ce qui leur est d'ordinaire interdit. Ce qui pourrait les inciter à revendiquer plus de libertés. Dès la fin de la compétition, dimanche, le débat semblait d'ores et déjà lancé. "La liberté est finie. Bienvenue dans la vraie Russie", disait ainsi un tweet, accompagné de la photo d'une fan zone vide symbolisant la fin de la Coupe du monde.