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Couches, médicaments, croquettes: ces bénévoles qui organisent des convois de vivres vers l'Ukraine

Un caddie plein de courses à gauche, et un coffre de voiture rempli de cartons de médicaments destinés à l'Ukraine.

Un caddie plein de courses à gauche, et un coffre de voiture rempli de cartons de médicaments destinés à l'Ukraine. - Natacha Bastiat-Jarosz

À travers l'Europe, l'aide humanitaire s'organise. Depuis le début de l'offensive russe fin février, de nombreux bénévoles collectent de leur plein gré des fonds, des vivres ou des médicaments qu'ils acheminent ensuite jusqu'à la frontière polonaise. Trois d'entre eux racontent à BFMTV.com leur collecte et leur voyage.

"Le voyage était long: deux fois 10 heures de route à bord d'un minibus et d'une remorque bien chargés". Frédéric Bastiat, un ancien chef d'entreprise français de 60 ans, a fait pas moins de 20 heures de route entre Genève et Medyka la semaine dernière pour livrer plus d'1,5 tonne de matériel vétérinaire à une personne de confiance à la frontière polonaise, afin qu'elle l'achemine jusqu'en Ukraine.

Comme lui, des milliers de bénévoles n'hésitent pas à prendre de leur temps depuis le début de la guerre pour aller aider de leur plein gré à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine, où un flot de réfugiés ukrainiens arrive chaque jour. Plus de 3,5 millions de personnes ont déjà fui le pays en raison des combats déclenchés par l'invasion de l'armée russe, selon le dernier décompte des Nations unies.

La course aux biens de première nécessité

À Medyka, en Pologne, ou à la gare bondée de Przemysl non loin de là, les bénévoles sont facilement reconnaissables à leurs gilets jaunes et oranges. Ils servent d'interprètes, fournissent des informations, distribuent de la nourriture et des boissons, portent des valises, poussent des fauteuils roulants ou tiennent des bébés lorsque leur mère reprennent leur souffle après un voyage long et éprouvant.

Des gourdes, lampes de poches et autre matériel acheté par Natacha à Cracovie grâce au foundraising pour les réfugiés ukrainiens.
Des gourdes, lampes de poches et autre matériel acheté par Natacha à Cracovie grâce au foundraising pour les réfugiés ukrainiens. © Natacha Bastiat-Jarosz

Bien qu'une grande partie de l'aide soit offerte par les associations et organisations humanitaires sur place, un nombre croissant de citoyens européens sans lien avec des organisations humanitaires organise des collectes de vivres et de matériel de première nécessité à destination de l'Ukraine. C'est le cas de cet ancien chef d'entreprise installé en Suisse, de sa fille Natacha Bastiat-Jarosz et de ses amis.

"Je me trouvais par hasard à Cracovie quand la guerre a commencé", raconte à BFMTV.com Natacha Bastiat-Jarosz, auto-entrepreneure française de 29 ans vivant en Belgique. La jeune femme, qui a de la famille en Pologne, fait rapidement jouer son réseau dans l'idée d'aider à son échelle.
Des habitants en train de charger les vivres récoltées.
Des habitants en train de charger les vivres récoltées. © Natacha Bastiat-Jarosz

"En Pologne, tout le monde fait quelque chose, donc j'ai vite été dans le bain", explique-t-elle. "Dès le vendredi (25 février), j'ai commencé à collecter des choses parce que la ville de Cracovie avait mis en place des convois vers la ville de Lviv. Des gros camions partaient régulièrement pour y livrer du matériel, donc j'ai commencé à motiver les gens en lançant des appels aux dons sur les réseaux sociaux. J'ai rapidement lancé la collecte de fonds, à laquelle une trentaine de personnes ont participé. C'est ça qui nous a permis de récolter quelques milliers d'euros en quelques jours".

Deux camionnettes pleines de médicaments

Avec cet argent, la jeune femme fonce avec quelques proches dans les commerces de Cracovie. Ensemble, ils remplissent des caddies de couches pour bébé, de lampes torches, de gourdes, de boîtes isothermes, de piles, de chargeurs de portable, de pâtes ou encore de gâteaux secs. Dans les magasins Decathlon de la ville, la jeune femme raconte que les rayons "sac de couchage" ont déjà été dévalisés par d'autres particuliers qui ont eu la même idée qu'elle.

Natacha Bastiat-Jarosz et ses proches remplissent ainsi plusieurs véhicules, puis apportent tout ce qu'ils ont pu récolter au point de collecte mis en place par la ville de Cracovie, afin de remplir des camions qui prendront la destination de Lviv.

Une fois cette première livraison effectuée, la jeune femme décide de ne pas en rester là. Elle se rapproche d'une Polonaise basée à Varsovie qu'elle connaît bien, et qui travaille de façon rapprochée avec l'Ukraine. "Cette femme est devenue un contact précieux pour nous parce qu'elle était en contact avec l'armée mais aussi avec plusieurs hôpitaux ukrainiens. Elle s'est renseignée, nous a fait la liste des médicaments qui commençaient à manquer sur place et on s'est mis à en récolter avec l'aide de notre réseau de pharmacistes et de médecins", se souvient l'auto-entrepreneuse française, qui affirme avoir "pu remplir deux camionnettes" de la sorte.

"On a fait deux convois", nous explique-t-elle: "un premier où on a confié les médicaments à une personne de confiance qui se rendait à la frontière. La deuxième fois, c'est nous qui avons dû conduire nous-même les médicaments jusque là-bas".
Des palettes de vivres sur le point d'être acheminées en camion de Cracovie vers Lviv en Ukraine.
Des palettes de vivres sur le point d'être acheminées en camion de Cracovie vers Lviv en Ukraine. © Natacha Bastiat-Jarosz

"Croquettes, matériel chirurgical.. on a été submergés par les dons"

Puis tout s'enchaîne. Inspirée par les collectes que Natacha Bastiat documente sur les réseaux sociaux, une amie vétérinaire la contacte pour lui proposer de l'aider à organiser ensemble un convoi de matériel animalier vers l'Ukraine. "Je ne voulais pas rester les bras ballants face à ce qui se passait là-bas", témoigne la jeune femme de 29 ans auprès de BFMTV.com.

"J'ai commencé tout petit, en essayant d'abord de comprendre quels étaient les besoins sur place, raconte à BFMTV.com Bianca Valente, vétérinaire dans le canton de Vaud en Suisse. Cabinets vétérinaires, libéraux, particuliers... La jeune femme suisse lance à son tour une collecte de fonds, et passe "toute une semaine", en parallèle de son travail, "à envoyer des mails et à passer des coups de fil à droite à gauche afin d'appeler les gens à rassembler ce qu'ils pouvaient".

Au final, une dizaine de cabinets vétérinaires et une cinquantaine de particuliers répondent positivement. "On s'est retrouvé avec vraiment beaucoup d'affaires, facilement 4 tonnes" de croquettes, de médicaments, d'accessoires pour animaux, de perfusions, de matériel chirugical. Ça s'est fait par le bouche à oreille", affirme-t-elle. "Au début on pensait juste remplir une voiture, mais on a été submergés par les dons... Que ce soit de particuliers, de cabinets, de vétérinaires ou même d'entreprises pharmaceutiques..."

À la frontière, "c'est un peu le chaos"

Dans les centres d'accueil pour réfugiés à la frontière, des dizaines et des dizaines d'animaux accompagnent les familles qui fuient la guerre. Un défi jugé "inédit" et "inattendu", par les associations. "Sur place, on sait qu'ils manquent de tout", confirme Bianca Valente. "Ils ont besoin de matériel non seulement pour l'entretien des animaux de compagnie avec lesquels sont arrivés certains Ukrainiens déplacés. Mais aussi pour les transporter, ou pour s'occuper des animaux abandonnés".

Les sacs de croquettes pour animaux à gauche, et la remorque chargée et prête à prendre la direction de l'Ukraine avec Bianca.
Les sacs de croquettes pour animaux à gauche, et la remorque chargée et prête à prendre la direction de l'Ukraine avec Bianca. © Bianca Valente

Pour l'instant, tout le matériel vétérinaire récolté par Bianca Valente n'a pas encore été envoyé en Ukraine. Mais un premier convoi est parti vendredi dernier. La jeune vétérinaire a pu empaqueter plus d'1,5 tonne de cartons dans un van et une remorque qu'on lui a prêtés. Et c'est donc Frédéric Bastiat qui a été chargé de faire le voyage entre Genève et Medyka afin de confier tout cela à leur contact en Pologne.

De retour de son long périple en voiture, l'ancien chef d'entreprise dans les communications satellites décrit "des scènes dures" le long de la frontière, notamment dans les centres de réfugiés. "La situation est assez chaotique sur place. C'est un peu la panique", raconte-t-il. "Pour ma part, je sais que notre contact est sûr et qu'il va bien faire parvenir ce qu'on a récolté. Mais malheureusement, je ne suis pas certain que tout ce que j'ai pu voir entassé là-bas parte bien en Ukraine..."

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV