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Asie

Philippines: le nouveau président Rodrigo Duterte est aussi le roi de l’outrance et des insultes

Rodrigo Duterte lors de son dernier meeting de campagne, le 7 mai 2016, à Manille.

Rodrigo Duterte lors de son dernier meeting de campagne, le 7 mai 2016, à Manille. - Mohd Rasfan - AFP

Blagues sur le viol, insultes au pape François et menaces de mort… Le nouveau président philippin ne s’est jamais refusé aucune provocation, y compris pendant sa campagne.

Il se décrit lui-même comme un dictateur. A 71 ans, le populiste Rodrigo Duterte a été élu lundi président des Philippines. Ancien avocat et maire de Davao, la grande ville de l’île de Mindanao, il était donné favori de l’élection, et a été propulsé à la tête du pays par une campagne outrancière, émaillée de menaces de morts et de provocations calculées.

En adoptant ce parler cru et en se présentant comme l’ennemi des élites, Rodrigo Duterte a séduit ses partisans. Sa dernière sortie en date lui a pourtant valu de nombreuses critiques. Fin avril, dans une vidéo publiée sur Internet, il plaisantait sur le viol d’une missionnaire australienne, assassinée en 1989 lors d’une émeute dans une prison de Davao, la ville qu’il administrait déjà à l’époque. "Il y avait cette missionnaire australienne. J'ai vu son visage et je me suis dit, putain, quel dommage. Ils l'ont violée, ils ont tous attendu leur tour. J'étais en colère qu'ils l'aient violée mais elle était si belle. Je me suis dit, ‘le maire aurait dû passer en premier’", déclare-t-il dans la vidéo, en référence à lui-même. 

Habitué des remarques misogynes, Rodrigo Duterte s’est aussi vanté d’avoir deux maîtresses et a accusé sa propre fille d’en "faire des tonnes" lorsqu’elle a évoqué des abus sexuels dont elle aurait été victime.

"Vous, les dealers, les braqueurs et les vauriens, vous feriez mieux de partir. Parce que je vais vous tuer."

En novembre, il n’avait pas hésité à insulter le pape François, au risque de choquer les 80% de catholiques que comptent les Philippines. Commentant la visite du souverain pontife dans l’archipel en janvier 2015, Rodrigo Duterte lui avait reproché d’avoir provoqué des embouteillages monstres: "Ils nous a fallu cinq heures pour aller de l'hôtel à l'aéroport. J'ai demandé qui on attendait. Ils ont dit que c'était le pape, je voulais l'appeler. Le pape, fils de pute, rentre chez toi. Ne viens plus en visite".

Propositions expéditives

S’il est parvenu malgré ces déclarations à convaincre les électeurs, c’est aussi parce qu’il a fait de la lutte contre la criminalité et la pauvreté son fonds de commerce. En employant le même langage, pour étayer ses propositions expéditives.

Lors de son dernier meeting de campagne, le 7 mai 2016, il a ainsi promis de faire baisser la délinquance grâce à la manière forte: "Oubliez les lois sur les droits de l'Homme. Si je suis élu président, je ferai exactement ce que j'ai fait en tant que maire. Vous, les dealers, les braqueurs et les vauriens, vous feriez mieux de partir. Parce que je vais vous tuer".

Rodrigo Duterte avait tenu des propos similaires en juin 2015 lors d’une interview, déclarant: "Je ne veux pas commettre de crime, mais si par chance, Dieu me met (à la présidence), faites attention. Le millier (de personnes présumées tuées) deviendront 100.000. Les poissons de la baie de Manille vont engraisser. C'est là que je mettrai les corps".

Des pompes funèbres “pleines à craquer”

Les mille personnes auxquelles il fait référence sont les victimes qu’auraient fait ses "escadrons de la mort" à Davao, selon les accusations des associations de défense des droits de l’homme. Promettant des pompes funèbres "pleines à craquer", il aurait aussi évoqué l’idée de se grâcier lui-même pour ces meurtres. Au lendemain de son élection, mardi, il a affirmé que l’une de ses priorités serait de réprimer spécifiquement le trafic de drogue, et s’est à nouveau dit prêt au meurtre pour y parvenir.

Surnommé le "Punisher" ou "Dirty Harry", en référence au personnage de Clint Eastwood dans la saga de l’Inspecteur Harry, Rodrigo Duterte a aussi été comparé à Donald Trump par certaines médias occidentaux, pour avoir renversé les codes politiques traditionnels.

Une comparaison qui ne convainc pas tout le monde. “Trump ne s’est jamais vanté d’avoir tué des gens. Trump n’a jamais évoqué son désir de violer”, a ainsi fait remarquer sur Twitter un journaliste basé dans la région.

C.V. avec AFP