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Guerre du Vietnam: 40 ans après, Hanoï très loin de la victoire passée

Quarante ans après la fin de la guerre du Vietnam, la victoire d'Hanoï la communiste sera célébrée en grande pompe ce jeudi à Saïgon, rebaptisée Ho Chi Minh-Ville.

Quarante ans après la fin de la guerre du Vietnam, la victoire d'Hanoï la communiste sera célébrée en grande pompe ce jeudi à Saïgon, rebaptisée Ho Chi Minh-Ville. - Hoang Dinh Nam - AFP

Si les 40 ans de la fin de la guerre du Vietnam sont célébrés en grande pompe à Hô-Chi-Minh-Ville ce jeudi, la victoire idéologique d'Hanoï la communiste apparaît aujourd'hui très contrastée. En cause? Le capitalisme, les inégalités, et la corruption. Explications.

La victoire d'Hanoï la communiste sera célébrée en grande pompe ce jeudi à Saïgon, rebaptisée Hô-Chi-Minh-Ville. Quarante ans après la fin de la guerre du Vietnam, le Parti communiste reste aux manettes dans un pays administrativement réunifié mais sa victoire idéologique est en demi-teinte.

Capitalisme, inégalités et corruption. Cette alliance, de mise dans le Vietnam contemporain, fait douter certains de l'héritage des valeurs communistes pour lesquelles les soldats nord-vietnamiens ont combattu, jusqu'à faire tomber Saïgon la pro-américaine, le 30 avril 1975.

Une grande parade militaire est prévue jeudi dans les rues de Hô-Chi-Minh-Ville. Président, Premier ministre, membres du Parti unique... Tous doivent faire le déplacement pour cette célébration du Vietnam réunifié, diffusée en direct à la télévision nationale, en hommage aux millions de Vietnamiens tués pendant la guerre.

Des idéaux trahis, aux yeux de certains

Mais certains jugent que le régime a trahi les idéaux d'égalité sociale du leader nord-vietnamien Hô Chi Minh. Aujourd'hui, le Vietnam "n'est pas un pays communiste", fustige l'avocat et opposant Le Cong Dinh, lors d'une rare interview avec l'Agence France-Presse (AFP) dans sa résidence surveillée d'Hô-Chi-Minh-Ville.

"Ils sont parvenus au pouvoir en adoptant le socialisme, le communisme de Marx et de Lénine. Et ils essayent toujours d'appliquer cette idéologie. Mais ce qu'on voit dans les rues du Vietnam, c'est le capitalisme, pas le communisme".

Face à la banqueroute de l'économie après-guerre, Hanoï avait dû se résoudre à ouvrir le pays à l'économie de marché, imitant en cela des pratiques déjà bien ancrées à Saïgon la capitaliste, aujourd'hui poumon économique du Vietnam.

Les réformes menées dans les années 1980 ont dopé la croissance, fait affluer les investissements étrangers et significativement réduit la pauvreté, défendent les partisans du régime.

Une profonde division aujourd'hui quasiment invisible

La profonde division Nord-Sud n'est plus aujourd'hui très marquée, du moins pour les plus jeunes générations, si ce n'est des différences d'accent ou de traditions culinaires. Saïgon et le sud du Vietnam conservent néanmoins leur image plus libérale, dans tous les sens du terme, de l'économie et aux mentalités, attirant de nombreux jeunes du nord et d'Hanoï la conservatrice.

Néanmoins, politiquement, le Vietnam demeure un pays à parti unique, où toute voix discordante est étouffée, avec un politburo dressant des plans quinquennaux, incontestés par un Parlement aux ordres. Les réseaux sociaux en revanche se font l'écho de la colère des Vietnamiens (scandales de corruption, accaparement des terres, grands écarts de richesse au sein de la société...), impliquant souvent d'importants cadres du parti.

Si les jeunes sont plus tournés vers leurs réussites économiques individuelles, la génération ayant vécu la guerre reste marquée par le clivage idéologique entre Nord et Sud.

Une réunification de main de fer

"Après la victoire de 1975, la réunification s'est faite par la force, d'un point de vue administratif, pas d'un point de vie psychologique", explique Nguyen Ngoc Bich, avocat de 70 ans ayant passé douze ans en camp de rééducation.

Après la chute de Saïgon, des centaines de milliers d'habitants du sud du Vietnam ont fui le pays, de craintes des représailles contre les collaborateurs du régime pro-américain de Saïgon.

L'exode de ces "boat-people" s'est transformé depuis en une diaspora implantée, du Canada à la France, qui n'hésite pas à manifester bruyamment contre les visites de responsables vietnamiens.

Des médias fortement contrôlés

Selon un chiffre validé par de nombreux historiens, jusqu'à 200.000 collaborateurs du régime déchu de Saïgon (appelés "nguy", marionnettes en vietnamien) ont été envoyés en camps de rééducation. Le dernier prisonnier en est sorti en 1992.

En raison du fort contrôle des médias par le régime, nombre de Vietnamiens n'ont pas conscience des persécutions réalisées une fois la paix revenue, selon les experts.

"Il n'y a pas eu de discrimination ou de traitement inhumain des gens de l'ancien régime", conteste Vu Hong Nam, représentant du régime en charge des Vietnamiens résidant à l'étranger.

Une croissance économique ininterrompue depuis près de 24 ans

Economiquement, après la fin de la guerre, le Sud a été confronté aux saisies des usines et magasins au bénéfice de l'Etat. Mais, Saïgon a su tirer son épingle du jeu de l'ouverture économique, même si les entrepreneurs vietnamiens doivent s'accommoder d'un système de favoritisme des entreprises d'Etat et de la mainmise des réseaux proches des cercles du pouvoir.

Le Vietnam connaît une croissance économique ininterrompue depuis 1991 et table pour 2015 sur une croissance de 6,2%. Les collaborateurs du régime de Saïgon restent souvent ostracisés et privés des fruits de la croissance. Comme Nguyen Van Quang, ancien combattant des forces pro-américaines, amputé des deux jambes.

"Je n'ai jamais rien reçu du gouvernement vietnamien, rien. J'ai été soldat, je me suis battu pour le Sud Vietnam... Mais ma vie, comparée à celle des soldats communistes blessés, a été un combat. Et j'ai dû combattre seul", dit celui qui n'a jamais touché de pension de guerre.

Jé. M. avec AFP