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Corée du Nord

Fin des essais nucléaires nord-coréens: l'habile stratégie de Kim Jung-Un

Alors que la Corée du Nord a annoncé la fin de ses essais nucléaires, beaucoup y voient une stratégie du régime pour obtenir des contreparties économiques lors des prochains sommets avec la Corée du Sud et les États-Unis. Certains rappellent par ailleurs que la fin des tests ne signifie pas la dénucléarisation totale du pays, pourtant exigée par les Américains.

La tension baisse d’un cran entre la Corée du Nord, son voisin sud-coréen et les États-Unis alors que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a annoncé ce samedi la fin des essais nucléaires et la fermeture du site de lancement des missiles. Une décision saluée par Donald Trump en personne: "C’est une très bonne nouvelle pour la Corée du Nord et le monde - Un grand progrès!", s’est félicité le président américain sur Twitter.

Mais pour beaucoup, ce revirement de la Corée du Nord n’est que la continuité d’une stratégie parfaitement orchestrée. "Cette décision est certes surprenante après une année de tension mais elle est dans la droite ligne de ce fameux discours du nouvel an lorsque Kim Jong-un avait décidé de participer aux Jeux Olympiques de Pyeongchang et de tendre la main à la Corée du Sud", analyse sur notre antenne Juliette Morillot, journaliste et historienne spécialiste de la Corée du Nord.

La prudence est donc de mise. Le Japon s’est notamment montré très sceptique à l’annonce de cette nouvelle:

"Ce qui est important c’est que cette annonce mène au démantèlement complet, vérifiable et irréversible des programmes nucléaires et des missiles nord-coréens", a déclaré le Premier ministre japonais Shinzo Abe.

Préparer les prochains sommets

Surtout, l’arrêt des essais nucléaires a pour but d'obtenir des contreparties lors de deux prochaines échéances qui s’annoncent capitales:

"Cette manœuvre surprise est une façon de préparer les prochains sommets qu’il (Kim Jong-un, NDLR) va avoir dès la semaine prochaine avec le président sud-coréen Moon Jae-in et dans quelques semaines avec Donald Trump", explique notre correspondant à Séoul, Sébastien Falleti, avant de préciser que "le leader suprême nord-coréen est à l’initiative diplomatique". "Il met sur la table une offre qui doit lui permettre de conclure un accord et obtenir en échange des avancées économiques", ajoute-t-il. 

La victoire de Kim Jong-un

Une manœuvre extrêmement habile donc, et qui doit permettre à Kim Jong-un, en redorant son image, d’amadouer ses adversaires américains mais aussi son partenaire sud-coréen. C’est aussi pour lui un moyen d’envoyer un message à son peuple:

"C’est une sorte de victoire pour Kim Jong-un car il se pose vraiment en dirigeant sur le plan intérieur. Il a pu montrer à son peuple qu’il était capable de tenir tête aux États-Unis et de défendre la Corée du Nord puisqu’il a terminé son programme balistique et nucléaire", affirme Juliette Morillot.

"C'est la survie du régime qui compte"

Autrement dit, le régime, qui semble disposer désormais de l’arme nucléaire, n'a plus intérêt à poursuivre son programme de tests et peut à présent s’attaquer à la seconde partie de ce qu’il a annoncé: le développement économique du pays. Avec pour objectif de voir les sanctions levées à l’issue des sommets avec la Corée du Sud et les États-Unis.

"Et surtout, il s’attaque à ce qui est en filigrane derrière le sommet de la semaine prochaine, c’est-à-dire la signature d’un traité de paix avec Séoul et on dit que c’est ce qui serait en train d’être négocié non seulement avec la Corée du sud mais bien évidement les États-unis, le tout lié à un pacte de non-agression. Derrière tout cela encore, c’est la survie du régime qui compte", poursuit Juliette Morillot.

Encore loin de la dénucléarisation

Reste que les exigences des États-Unis, qui demandent la dénucléarisation de la Corée du Nord, sont encore loin d’être remplies. Car la suspension d’un test atomique ou balistique ne signifie pas le démantèlement de l’arsenal atomique. Or, difficile de croire pour les experts que Kim Jong-un ira plus loin, qu'il sera prêt à franchir le pas, à l’issue des sommets qui l’attendent.

C'est le cas de Pierre-Yves Rigoulot, spécialiste de la Corée du Nord, pour qui le dirigeant nord-coréen "ne donne rien de neuf". "Il avait déjà arrêté ses essais de missiles et ses essais nucléaires. Il n’allait pas les reprendre avant d’avoir rencontré Donald Trump", explique-t-il.

Dans l’hypothèse de l’annonce d’un démantèlement de l’arsenal atomique, les interrogations seraient par ailleurs nombreuses en ce qui concerne la capacité de la communauté internationale à pouvoir vérifier:

"Ils ont l’arme nucléaire et, apparemment, elle est peut-être efficace. Ils ont atteint leurs objectifs, disent-ils. Alors s’ils ont atteint leurs objectifs, c’est-à-dire qu’ils ont des bombes et des missiles pour les envoyer, nous sommes encore loin du compte. Il faut que ce soit irréversible et vérifiable. Donc, pour le moment, les diplomates coréens et nord-coréens et américains ont du pain sur la planche. (…) Si c’est simplement mettre dans un entrepôt les armements et les missiles, quitte à les ressortir à la moindre crise, on n’aura rien gagné", conclut Pierre-Yves Rigoulot.

Paul Louis