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Chine

Un documentaire sur l'"enfer" industriel censuré en Chine

Le dernier film du documentariste Zhao Liang a été censurée en Chine.

Le dernier film du documentariste Zhao Liang a été censurée en Chine. - Fred Dufour - AFP

Des rivières de métal en fusion, des collines rasées à l'explosif, des ouvriers ahanant à la cadence des machines ou agonisant dans des hôpitaux. Inspiré de l'"Enfer" de Dante, où sont narrés les tourments des âmes condamnées, le dernier film du documentariste Zhao Liang, avait beaucoup touché les festivaliers de la Mostra de Venise en septembre dernier.

Diffusé sur Arte en novembre dernier, le long-métrage a été banni par les autorités chinoises en charge de la censure, ce qui empêche toute diffusion dans les salles de cinéma.

Inspiré de l'Enfer de Dante, où sont narrés les tourments des âmes condamnées, il dépeint de façon saisissante les excès d'une industrie minière et sidérurgique qui dévore les hommes et la nature.

Intitulé Béhémoth en référence au monstre biblique, le film montre comment la recherche de la croissance économique a défiguré des régions entières de la Mongolie intérieure (nord de la Chine). Le décor "offrait exactement le type d'environnement visuel que je recherchais, c'était juste révoltant", raconte Zhao, 45 ans.

Une avant-première sans tapis rouge

Acclamé par la critique internationale, Zhao Liang ne bénéficie pas du même accueil triomphant dans son propre pays.

La première projection de son film à Pékin a eu lieu ce mois-ci sans tapis rouge et presque en catimini, devant une audience très limitée composée d'autres réalisateurs et d'artistes.

Comme Wang Bing, autre talentueux réalisateur chinois, Zhao Liang appartient à une génération de documentaristes indépendants soucieux de dépeindre sans concession la société, et dédaignés par les studios de production étatiques.

"Une guérilla cinématographique"

Soutenu par des financements français et italiens, Zhao Liang a passé presque deux ans à tourner "Béhémoth", dans un combat permanent pour échapper aux autorités locales: "une guérilla cinématographique", dit-il.

L'aspect le plus poignant du film concerne le sort des mineurs atteints d'anthracose, une grave maladie des poumons provoquée par l'inhalation de poussière de charbon.

On voit des hommes d'âge moyen, filmés en gros plan, être traités avec des équipements médicaux en partie rouillés, et cherchant désespérément à reprendre leur souffle sur leurs lits dans des salles d'hôpital lugubres: le prix d'une surexploitation effrénée et insatiable des ressources naturelles.

Zhao Liang soupire: "Idéalement, ce film devrait pouvoir être diffusé en Chine. Pour le peuple chinois".

K. L. avec AFP