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Chine: deux "journalistes citoyens" qui enquêtaient sur le coronavirus portés disparus

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En Chine, deux "journalistes citoyens" qui enquêtaient sur la crise sanitaire engendrée par le coronavirus ont mystérieusement disparu depuis plusieurs jours. Des grandes organisations internationales pointent directement du doigt les autorités chinoises, alors que celles-ci sont soupçonnées de vouloir faire taire les dissidents et de minimiser l'ampleur de l'épidémie.

Deux "journalistes citoyens" qui enquêtaient sur l'épidémie de coronavirus sont portés disparus depuis plusieurs jours en Chine. L'un d'eux, un activiste chinois qui s'était donné pour mission d'informer la communauté internationale sur la situation à Wuhan, aurait été arrêté dimanche 9 février dernier par la police, d'après les informations du site RTHK, traduites par nos confrères de Quartz. Sa chaîne Youtube est inactive depuis lundi.

L'ancien homme d'affaires, du nom de Fang Bin, avait posté plusieurs vidéos sur Twitter, dont la première date du 25 janvier dernier. Dans certaines d'entre elles, il prétendait montrer les cadavres de victimes du coronavirus, selon Amnesty International. L'homme avait déjà été arrêté par les autorités chinoises au début du mois de février, avant d'être libéré quelques heures plus tard. Celles-ci avaient alors expliqué que Fang Bin devait être mis en quarantaine.

Un journaliste inquiet pour sa sécurité

Un autre célèbre blogueur chinois Chen Qiushi n'a pas donné signe de vie depuis jeudi dernier. Ce "journaliste citoyen", ancien avocat des droits de l'homme, arpentait, lui-aussi, depuis une semaine la ville de Wuhan, épicentre de l'épidémie de coronavirus en Chine, afin de documenter la gestion de la crise sanitaire par les autorités chinoises. 

Chen Qiushi s'était rendu à Wuhan le 24 janvier, juste avant que la métropole chinoise ne soit coupée du monde. Depuis, il publiait des vidéos sur Youtube dans lesquelles il n'hésitait pas à filmer les victimes et autres patients atteints du coronavirus dans des hôpitaux chinois bondés. 

Dans une vidéo publiée le 30 janvier dernier, Chen Qiushi, ému, décrivait ainsi la situation dans un hôpital chinois. Il montre une femme assise près du cadavre d'un homme sur un fauteuil roulant, qui multiplie les appels pour trouver quelqu'un pour l'aider à déplacer le corps, relate le site d'actualité américain Quartz. Une action risquée puisque cet avocat de profession n'avait aucun certificat officiel pour faire du journalisme, comme le rappelait L'Obs vendredi dernier.

Puis dans une vidéo publiée sur Youtube le 2 février dernier, le jeune homme âgé de 34 ans apparaissait cerné, abattu et au bord des larmes. L'ancien avocat y affirmait que la police chinoise enquêtait sur son cas, et il confiait craindre pour sa sécurité. Puis jeudi 6 février dernier, il avait prévenu sa famille du fait qu'il allait entreprendre un reportage dans l'un des hôpitaux construits à Wuhan.

Selon sa mère, il n'a pas donné signe de vie depuis ce jour. Cette dernière a lancé un appel à l'aide via son compte Twitter: "Qiushi a dit qu’il allait voir un hôpital de campagne. Depuis ce soir 19 heures-20 heures, il ne répond plus. Je vous demande ici de nous aider à le retrouver, merci." Elle a depuis été informée par les autorités chinoises que son fils avait à son tour été "mis en quarantaine", selon Xu Xiaodong, un blogueur proche de Chen Qiushi. Mais cet isolement pose question, car le blogueur est également privé de tout moyen de communication.

"Chen Qiushi doit être libéré immédiatement"

"Le journaliste citoyen chinois Chen Qiushi est disparu depuis 7h du soir hier. Il est venu à Wuhan pour couvrir l'épidémie de coronavirus. Sa famille et ses amis sont très inquiets", peut-on lire sur le compte Twitter de l'intéressé, grâce auquel ses proches communiquent.

Depuis le début de la semaine, plusieurs grandes organisations internationales dont l'ONG Human Rights Watch ont donc décidé d'interpeller les pouvoirs publics chinois. Le chercheur chinois Yaqui Wang, interrogé par Quartz, considère que "les autorités sont tout aussi, sinon plus, soucieuses de faire taire les critiques (envers le parti) que de contenir la propagation du coronavirus". Dans un communiqué publié ce lundi, le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) appelle directement à la libération de Chen Qiushi.

"Les autorités de Wuhan doivent révéler si elles détiennent le journaliste Chen Qiushi. Si c'est le cas, il doit être libéré immédiatement. La Chine ne semble pas avoir appris la leçon claire que le fait de cacher la vérité sur une maladie en expansion ne fera qu'empirer les choses", a notamment déclaré Steven Butler, coordinateur du programme Asie au Comité de protection des journalistes à Washington.

Le président chinois Xi Jinping s'est félicité, ce mercredi, de "l'évolution positive" de l'épidémie du coronavirus, le nombre de nouveaux cas diminuant depuis trois jours, malgré un bilan qui dépasse désormais les 1100 morts. Au total, 44.653 personnes contaminées ont été répertoriées en Chine continentale. 

La mort vendredi dernier du docteur Li Wenliang, infecté par le virus et qui avait été réprimandé pour avoir été l'un des premiers fin décembre à donner l'alerte, illustre les difficiles conditions de travail des médecins en première ligne. 

Jeanne Bulant