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Après son offensive critiquée contre les Kurdes, la Turquie peut-elle être exclue de l'Otan?

Le logo de l'Otan.

Le logo de l'Otan. - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Des voix s'élèvent, presque une semaine après le début de l'offensive militaire turque en Syrie, pour que la Turquie soit exclue de l'Otan. Mais Ankara reste un partenaire important pour l'organisation.

Presque une semaine après le début de l'offensive militaire turque dans le nord-est de la Syrie, de nombreuses voix se sont élevées, notamment du côté des pays européens, pour condamner l'opération.

De Paris à Berlin, en passant par Londres, des puissances membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) se sont montrées très critiques envers la décision de Recep Tayyip Erdogan, le président de la Turquie, d'attaquer les positions kurdes à la frontière avec son pays. Les Occidentaux craignent, en effet, que l'opération turque provoque une résurgence de Daesh, dont des membres sont prisonniers au sein de centres de détention kurdes. 

Cette réaction plus que froide de la communauté internationale, et en particulier des membres de l'Otan, pourrait-elle remettre en cause le statut d'allié de la Turquie au sein de l'organisation et aboutir à son exclusion? Rien n'est moins sûr, même si certains hommes politiques, de François Hollande à Hervé Morin, ont évoqué cette idée. Dans les faits, aucun pays n'a jamais été exclu de l'Otan. Il n'existe également aucune procédure d'exclusion prévue par le traité, rappelle Le Figaro, même si une réforme du texte n'est pas inenvisageable. 

Un partenaire "important"

Depuis plusieurs jours, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, évoque l'opération turque sans jamais réellement condamner la Turquie. Vendredi, lors d'un déplacement à Istanbul, il a ainsi demandé à Ankara d'agir "avec retenue" tout en reconnaissant que le pays "a des préoccupations sécuritaires légitimes", selon l'Agence France-Presse (AFP).

Ce mardi, depuis Londres, il a été un cran plus loin, assurant être "profondément préoccupé par les conséquences (de l'offensive) tant en matière de lutte contre Daesh, de souffrance humaine et de stabilité dans la région."

Si le secrétaire général de l'Otan se montre aussi prudent, c'est parce que la Turquie "reste un partenaire important sur beaucoup de questions stratégiques", explique Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Turquie, contacté par BFMTV.com. Ankara est toujours la deuxième puissance militaire de l'Otan en terme de taille, même si, après la tentative avortée de coup d'Etat en juillet 2016, le nombre de soldats turcs a diminué.

"Au-delà de son armée, ses atouts ont toujours été les mêmes. La Turquie a des débouchés à la fois sur la mer Noire et sur la Méditerranée, elle est au carrefour des migrations et se trouve être en relation avec l'ensemble du Moyen-Orient. Malgré sa relation dégradée avec les Occidentaux, elle apparaît toujours comme un pays avec lequel on ne peut pas prendre le risque d'entrer dans un désaccord ouvert. Cela rend la position de l'Otan dans cette affaire très difficile", analyse Jean Marcou. 

L'Otan hors de jeu?

Pour Jean Marcou, l'offensive turque en Syrie "dénote la faiblesse de l'Otan et des européens, car on ne voit pas très bien ce que pourrait faire l'institution pour faire pression sur la Turquie". 

L'opération s'ajoute, par ailleurs, à un autre acte récent qui avait tendu les relations entre la Turquie et l'organisation. L'achat par Ankara du système antimissile russe S-400, dont la livraison a commencé cet été, et qui est incompatible avec le système de défense de l'Otan. 

"La marge de manœuvre qu'a la Turquie dans l'Otan est très large parce que même dans cette affaire des missiles, cela n'a pas entraîné de rupture entre l'organisation et Ankara. Si, demain, la Turquie venait à rompre les protocoles militaires de l'Otan, à s'en éloigner, là probablement un problème se poserait", explique le professeur de Science-Po Grenoble.

Une exclusion de la Turquie semble donc peu probable. Jean Marcou considère alors que la Russie, plus que l'Otan et les pays européens, apparaît aujourd'hui comme pouvant "jouer un rôle important dans cette affaire", le pays "ayant des moyens de leviers vis-à-vis du régime syrien et d'Ankara".

L'envoyé spécial russe en Syrie a, ce mardi, affirmé, selon l'AFP, que Moscou ne permettra pas des affrontements entre les armées turque et syrienne, signant là la première intervention de la Russie dans cette affaire.

Clément Boutin