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Amérique du Nord

Troisième débat républicain: comment l'élève Rubio a dépassé le maître Bush

Les candidats à la primaire républicaine lors du 3e débat télévisée, le 28 octobre.

Les candidats à la primaire républicaine lors du 3e débat télévisée, le 28 octobre. - Robyn Beck - AFP

EDITO - Mercredi soir, les deux meneurs de la course aux primaires républicaines pour la Maison Blanche, le milliardaire Donald Trump et le docteur Ben Carson, ont peiné à défendre leurs projets économiques, lors d'un troisième débat où de nouvelles têtes ont réussi à se distinguer. Laissant la place à un challenger: Marco Rubio.

Les dix candidats républicains se sont affrontés mercredi soir dans un troisième débat extrêmement animé, diffusé par la chaîne économique CNBC depuis l'Université du Colorado. Alors qu'Hillary Clinton s'impose chez les démocrates, la bataille a fait rage dans un débat où les favoris des sondages -Ben Carson et Donald Trump- ont semblé marquer le pas au profit d'une nouvelle étoile montante: Marco Rubio. Retour, sur le fond et la forme, sur un débat animé. 

> Qui a gagné?

Marco Rubio, sénateur de Floride, 44 ans. Solidement conservateur, esquivant habilement les questions les plus embarrassantes, il a réussi à imposer son image de candidat neuf, d'origine ultra modeste (cubaine) et qui a le potentiel de faire rêver l'Amérique. Et à se dégager sans complexe de l'ombre tutélaire de Jeb Bush, son mentor en politique en Floride.

> Qui a perdu?

Jeb Bush. Le frère et le fils des anciens présidents. A la peine dans les sondages. Il a été obligé de réduire ses effectifs et ses dépenses de campagne, et devait absolument opérer un comeback. Il est apparu hésitant. Maladroit. Son attaque contre Rubio était visiblement préparée, répétée et du coup sonnait faux. Le format des débats télévisés ne semble décidément pas lui convenir. 

> Quel a été le moment fort du débat?

La passe d'armes où Bush a attaqué Rubio sur son absentéisme au Sénat. Attaque sans conviction à laquelle Rubio a répondu par un cinglant: "vous m'attaquez parce que nous sommes concurrents et que quelqu'un vous a dit de le faire". Bush est resté penaud. 

> Ils ont même parlé de la France

Hélas pas dans les meilleurs termes. Quand Bush attaque Rubio sur son manque d'assiduité au Sénat il lui lance: "au Sénat on pratique la semaine de travail à la française? Vous travaillez trois jours par semaine, c'est ça?". Rires dans l'assemblée.

> Comment s'est comporté Donald Tump?

Le businessman milliardaire aurait du être la vedette d'un débat consacré à l'économie. Il a réalisé sa plus mauvaise performance des trois débats, se montrant imprécis sur la façon dont il veut stimuler la croissance. Il s'est contenté de promettre qu'il allait rapatrier tous les emplois industriels du Japon, de Chine et du Mexique. Il y a quand même eu un "moment Trump" quand, lorsqu'on lui a demandé s'il portait une arme, il a répondu: "parfois oui, parfois non, je n'aime pas être prévisible".

> Comment s'est comporté Ben Carson, le favori des sondages?

Le neurochirurgien à la retraite a ravi depuis deux jours la première place dans les sondages à Donald Trump. Mais il est apparu mal à l'aise sur les questions économiques. Sur les questions de société il a été plutôt plus modéré que d'habitude se défendant d'être homophobe même s'il condamne le mariage gay. Il ne semble décidément pas à sa place en pole position. Mais il est sympathique, très religieux et bénéficie d'un soutien sans borne chez les ultra conservateurs. En attendant que les modérés se trouvent un leader à l'approche des primaires, il ne devrait pas rester longtemps en tête.

> Et les autres candidats?

Trois autres candidats se sont distingués. John Kasich, ancien gouverneur de l'Ohio. Punchy et modéré. Sans doute trop modéré. Chris Christie, gouverneur du New Jersey. Punchy et populiste. Mais avec une image de filou qui lui colle à la peau. Ted Cruz, sénateur du Texas. Articulé, efficace mais conservateur à la limite du fanatisme. Il fait peur aux modérés.

> Quelle a été la tonalité générale?

Une violente attaque contre les médias. De la part de Cruz, Rubio, Christie... C'est un grand classique chez les républicains. Les médias (sous entendu de la côte Est) sont accusés de faire le jeu des démocrates et de tourner le dos au pays réel. Les candidats s'en sont pris en particulier aux questions des modérateurs, pourtant précis, professionnels et irréprochables.

Le succès commercial d'une chaîne comme Fox News est symptomatique de la césure qui existe entre l'Amérique profonde et les "mainstream", les grands médias écrits et audiovisuels nationaux.

> Quel est le programme économique des républicains?

Les républicains préconisent un désengagement de l'Etat. Certains de manière pragmatique (Kasich, Bush). Certains de manière idéologique (Paul, Cruz). Certains de manière fantaisiste (Trump, Carson). L'ancienne PDG de Hewlett Packard ayant eu dans ce domaine la phrase de la soirée: "le socialisme commence quand l'Etat créé un problème et que l'Etat intervient pour résoudre ce problème". Pas un mot sur le commerce extérieur ni sur les traités transatlantique et transpacifique.

> Conclusion?

Hillary Clinton a passé une assez mauvaise soirée après avoir passé un excellent mois d'octobre (bon débat, bonne audition au Congrès sur la Libye, décision de Joe Biden de ne pas se présenter). Certes les républicains restent divisés et brouillons, mais l'émergence de Marco Rubio serait la pire nouvelle pour la candidate démocrate.

Obama a gagné deux fois grâce aux jeunes, aux Latinos et aux femmes. Elle est femme. Mais Rubio est jeune, et a un côté Kennedy latino qui pourrait donner un coup de vieux à Hillary. Trump et Carson ont encore quelques semaines pour divertir un électorat qui fait mine de ne plus supporter les politiciens traditionnels.

Mais le duel Bush-Rubio semble déjà se profiler comme le duel des deux finalistes potentiels de cette primaire. Prochain débat républicain le 10 novembre. Premier état à voter : l'Iowa, le 1er février.

Jean-Bernard Cadier, correspondant à New York