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Nucléaire iranien: l'échec "amical" de Macron avec Trump

Emmanuel Macron et Donald Trump lors d'une conférence de presse commune à la Maison Blanche, le 24 avril 2018.

Emmanuel Macron et Donald Trump lors d'une conférence de presse commune à la Maison Blanche, le 24 avril 2018. - Ludovic Marin - AFP

Donald Trump a décidé ce mardi de se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien. Après plusieurs mois de relations cordiales avec le dirigeant américain controversé, Emmanuel Macron est critiqué par une partie de la classe politique française.

"Trump reçoit, mais Trump décide." Lors de la session de questions au gouvernement ce mercredi, le député UDI d'Ille-et-Vilaine Thierry Benoit a résumé la situation dans laquelle se retrouvent aujourd'hui les Etats-Unis et ses alliés. Mardi, le président américain a annoncé se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien, signé en juillet 2015 à Vienne après 12 ans de crise. Le texte prévoyait de lever progressivement les sanctions internationales contre l'Iran, en échange de la promesse de ne pas fabriquer d'arme nucléaire.

Quatre jours avant la sortie de l'accord sur le nucléaire iranien, c'était déjà sur un tout autre sujet que Donald Trump avait visé la France. Lors d'une prise de parole à la NRA, le lobby américain des armes à feu, le chef d'Etat avait mimé les tirs du Bataclan et estimé que si quelqu'un avait été armé dans la salle, cela aurait été "une toute autre histoire".

Depuis le 14 juillet dernier, les relations semblaient pourtant au beau fixe entre les présidents français et américain. Cadeaux, invitations officielles, effusions publiques… Sans parler d'amitié, le président de la République avait opté pour une stratégie pour le moins cordiale à l'encontre de Donald Trump.

"Il n'y avait pas d'autre choix"

De leur côté, la Première ministre britannique et la chancelière allemande affichaient avec le dirigeant américain des liens diplomatiques plus sobres, avec une pointe d'agacement parfois. L'option "amicale" s'est-elle finalement révélée judicieuse pour Emmanuel Macron?

"Il n'y avait pas d'autre choix. C'était quelque chose qui devait être tenté", estime Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste de la politique américaine, qui souligne l'idée de "faire contre mauvaise fortune bon coeur".

"La France n'a pas d'autre choix que de tendre la main aux Etats-Unis, d'être dans une relation constructive", juge de son côté Marie-Cécile Naves, politologue et auteure de Géopolitique des Etats-Unis (Eyrolles).

"Les Etats-Unis, même s'ils sont gouvernés par Trump, sont un partenaire incontournable", rappelle la co-fondatrice du site Chronik.fr. "Sans doute que Trump serait encore plus virulent, plus ingérable, si la relation était conflictuelle", analyse-t-elle pour BFMTV.com.

"Maintenant, clairement, sur les résultats, ça ne fonctionne pas", tranche Corentin Sellin. "Je crois que la bonne question à se poser, c'est 'qu'est-ce qui fonctionnerait?'", s'interroge le co-auteur de Les Etats-Unis et le monde (1826-1945) (Atlande). 

"Un calcul coût-bénéfice permanent"

Selon lui, la décision sur le nucléaire iranien "montre que pour Trump, il n'y a pas d'alliance ou d'allié durable", au profit d'un "calcul coût-bénéfice permanent".

Pour Donald Trump, analyse Corentin Sellin, il y a seulement "des partenaires au gré des dossiers", comme le montrent notamment les tractations actuelles avec la Corée du Nord, après avoir insulté son leader l'année dernière.

"Emmanuel Macron cherchait à être le meilleur allié des Etats-Unis, une stratégie qui était poursuivie d'ailleurs depuis Nicolas Sarkozy", rappelle-t-il à BFMTV.com. "Ça n'a pas de sens avec Donald Trump, ce qui prime d'abord c'est l'intérêt des Etats-Unis, c'est America first", avance-t-il.

Une priorité nationale également soulignée par Marie-Cécile Naves. "Ce n'est pas contre la France que Trump fait ça, ou contre Macron. Il fait ça pour son électorat, c'est une promesse de campagne et il est en campagne: pour novembre 2018, pour 2020", souligne la politologue.

"Le fait d'être dans une relation cordiale avec le président français, ça lui permet de donner l'image à l'intérieur des Etats-Unis qu'on le respecte à l'extérieur", ajoute-t-elle.

"On a franchi un cap"

La dernière décision de Donald Trump risque pourtant de marquer, si ce n'est une rupture, au moins un tournant dans les relations franco-américaines.

"On a franchi un cap", estime Corentin Sellin, qui relève les termes employés mardi soir par la diplomatie française et l'Elysée. "Quand en diplomatie vous parlez d'un entretien 'décevant', ça veut dire que ça a vraiment été quelque chose", analyse-t-il, avant d'ajouter: "On sent bien dans la réaction qu'on va peut-être revenir à une position davantage merkelienne."

Le revers pourrait d'ailleurs être transformé par le président français. "Macron a aussi donné l'image de quelqu'un qui a essayé de négocier jusqu'au bout, qui a argumenté tout ce qu'il a pu, et qu'on pourra peut-être compter sur lui d'essayer de mener à bien d'autres négociations", relève Marie-Cécile Naves.

Avec, en ligne de mire, l'assurance de la diplomatie française de continuer à faire vivre l'accord sur le nucléaire iranien. "Je ne pense pas (qu'Emmanuel Macron) soit affaibli", confirme Corentin Sellin, qui y voit "une chance historique pour l'Union Européenne de devenir pour la première fois régulatrice de l'ordre international". A condition de réussir à faire vivre l'accord avec l'Iran. 

Liv Audigane