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Amérique du Nord

Les Français de Guantanamo jugés pour la troisième fois

Le troisième procès de cinq anciens détenus français de la prison de Guantanamo s'est ouvert jeudi à Paris, en leur absence. Les cinq hommes, capturés au Pakistan ou en Afghanistan en 2001 et 2002, avaient été condamnés en 2007 puis relaxés en appel en 20

Le troisième procès de cinq anciens détenus français de la prison de Guantanamo s'est ouvert jeudi à Paris, en leur absence. Les cinq hommes, capturés au Pakistan ou en Afghanistan en 2001 et 2002, avaient été condamnés en 2007 puis relaxés en appel en 20 - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Passés entre 2000 et 2002 de la banlieue lyonnaise aux camps afghans d'Oussama ben Laden puis aux geôles de...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Passés entre 2000 et 2002 de la banlieue lyonnaise aux camps afghans d'Oussama ben Laden puis aux geôles de Guantanamo, cinq jeunes Français ont poursuivi leur périple judiciaire jeudi à Paris avec un troisième procès.

Ils ne sont pas présents à cette nouvelle audience devant la cour d'appel, car ils se disent fatigués. "Ils n'en peuvent plus", a dit à la presse l'un des leurs avocats, William Bourdon. Les cinq hommes auraient refait leur vie, fondé des familles et auraient un emploi.

Remis en deux fois par les Etats-Unis à la France en juillet 2004 et mars 2005, Khaled ben Mustapha, Mourad Benchellali, Nizar Sassi, Redouane Khalid et Brahim Yadel disent avoir été maltraités et torturés pendant les deux ans et demi à trois ans passés dans le camp de détention américain sur l'île de Cuba.

Les juges d'instruction antiterroristes français les ont poursuivis et emprisonnés à nouveau à leur retour pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" pour sanctionner leur passage dans les camps d'entraînement afghans d'Al Qaïda en 2000-2001.

La défense voit cette poursuite comme une forme de double peine et en conteste le fondement, puisque le dossier repose notamment sur des interrogatoires réalisés hors procédure judiciaire par des agents de renseignement français à Guantanamo.

En première instance en 2007, les cinq hommes avaient été tous condamnés à un an de prison ferme, une peine couvrant la détention provisoire déjà effectuée mais en appel en 2009, ils avaient été relaxés, la cour jugeant la procédure irrégulière.

Saisie d'un pourvoi du parquet général, la Cour de cassation a cependant annulé cet arrêt en février 2010, provoquant donc le nouveau procès ouvert jeudi à Paris.

CONSTRUCTION POLITIQUE

La défense maintient que la procédure est irrégulière et entend produire de nouvelles pièces à l'appui de cet argument, des télégrammes diplomatiques américains dévoilés par WikiLeaks.

Ils montrent que les juges d'instruction antiterroristes français venaient fréquemment à l'ambassade des Etats-Unis à Paris rendre compte de la procédure.

Aux yeux des avocats, cela démontre que le dossier judiciaire français procède d'une construction politique. Par les poursuites engagées en France, il s'agissait de justifier en partie, a posteriori, la détention à Cuba, pourtant illégale.

La cour a relu jeudi les charges.

Recrutés par des intégristes, passés ensuite par Londres - où les proches de ben Laden avaient jusqu'en 2001 pignon sur rue - et le Pakistan, les cinq prévenus reconnaissent les stages dans les camps afghans, où certains d'entre eux auraient assisté à un discours d'Oussama ben Laden.

Ils ont dit aux premiers procès qu'ils n'étaient partis que par curiosité et goût de l'aventure, dans le but d'observer l'expérience de l'islam des taliban ou de s'entraîner au tir.

Ils assurent cependant n'avoir participé à aucune action armée jusqu'à leur arrestation par les troupes américaines au Pakistan ou en Afghanistan fin 2001-début 2002. Deux de leurs camarades, Djamel Loiseau et Samir Ferraga, sont morts dans les montagnes afghanes en 2001.

Les cinq prévenus disent avoir été torturés selon divers procédés lors de leur séjour à Guantanamo.

Ce procès se déroule alors que les Etats-Unis, malgré les promesses de Barack Obama, n'ont toujours pas fermé ce lieu condamné par la communauté internationale, où les détenus n'ont aucun statut légal, prisonnier de guerre ou prévenu judiciaire.

Deux autres Français détenus pendant des années à Guantanamo et revenus aussi en 2004 et 2005, Imad Kanouni et Mustaqali Patel, n'ont jamais été poursuivis en France car il a été démontré qu'ils n'avaient aucun lien avec l'islam radical.

Le procès se poursuit vendredi. L'arrêt sera mis en délibéré.

Edité par Patrick Vignal