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Restrictions à l'IVG au Texas: un raid numérique lancé pour saboter une plateforme de délation

Plusieurs utilisateurs de Tiktok engagés dans le raid lancé contre la plateforme de dénonciation texane.

Plusieurs utilisateurs de Tiktok engagés dans le raid lancé contre la plateforme de dénonciation texane. - Captures d'écran Tiktok

En réaction à la nouvelle loi anti-avortement entrée en vigueur au Texas, de nombreux militants pro-avortement appellent sur les réseaux sociaux à assaillir de faux rapports ou de spams la plateforme destinée à dénoncer les femmes y ayant eu recours et les organismes qui les ont accompagnées dans cette démarche.

Les militants pro-avortement ont lancé aux États-Unis, sur Tiktok et Reddit, un raid numérique visant à saboter les très sévères restrictions à l'avortement entrées en vigueur mercredi au Texas. Dans ce très conservateur État américain, avorter au-delà de la sixième semaine de grossesse est devenu interdit dans l'immense majorité des cas. La loi encourage même la population à dénoncer les contrevenants contre la somme de 10.000 dollars de "dédommagement" en cas de condamnation après leur dénonciation.

Sur Twitter, Reddit ou encore TikTok, les détracteurs de cette nouvelle loi texane appellent à la rispote. Pour cela, ils encouragent à bombarder de faux rapports, de données erronées, d'images humoristiques ou à caractère pornographique le site mis en ligne par l'organisation Texas Right to Life (le droit à la vie du Texas) pour dénoncer les avortements.

Des scènes de Shrek et du porno

Sur Tiktok, une jeune femme (connue sous le pseudo @travelingnurse) affirme par exemple avoir soumis pas moins de 742 faux rapports, dans lesquels elle explique que le gouverneur James Abbott, à l'origine de cette loi controversée, aurait contribué à des avortements illégaux. La légende de la vidéo, ironique, invite les autres internautes à bombarder le site anti-IVG: "ce serait dommage que Tiktok fasse planter le site ProLifeWhistleBlower", écrit-elle.

Un autre utilisateur de Tiktok montre avoir téléchargé des images tels que des "mèmes" (une image reprise et déclinée en masse sur le web) du film d'animation Shrek, les faisant passer pour des preuves que sa femme aurait avorté sans l'avoir consulté, quatre semaines après le début de sa grossesse.

Certains utilisateurs ont également déclaré, sur Reddit, avoir soumis des rapports volontairement erronés. Non sans humour, certains accusent par exemple l'État du Texas de faciliter les avortements en mettant en service des autoroutes qui permettent aux gens de se rendre à la procédure en un temps record.

Un code informatique créé pour saboter la plateforme

Un étudiant de Caroline du Nord, Sean Black (connu sous le pseudo "black_madness21" sur le réseau social), raconte dans une vidéo Tiktok avoir assailli le site "ProLifeWhistleBlower" de plus de 300 rapports manuellement, avant que son adresse IP ne soit bloquée. "J'ai commencé à me dire: 'et si je rendais les choses un peu plus faciles à tout le monde'"?, explique-t-il dans sa vidéo.

Le jeune homme a alors l'idée de programmer un code informatique Python ainsi qu'un raccourci iOS afin d'aider les gens à remplir automatiquement le formulaire, et de spammer la plateforme pro-life. Son code informatique choisit au hasard une ville, un comté et un code postal du Texas, puis remplit automatiquement le formulaire. Il permet ainsi de soumettre en masse de faux rapports. Sean Black explique que "l'utilisation d'informations irréalistes rend plus difficile l'analyse des données".

Les codes Python créés par Sean Black ont déjà utilisés par près de 8000 utilisateurs désireux de saboter cette nouvelle législation, rapportait ce vendredi l'étudiant américain, et 9000 fois pour le raccourci iOS.

Cette nouvelle loi interdit d'interrompre toute grossesse une fois que les battements de coeur de l'embryon sont détectés, soit environ six semaines après les dernières règles, alors que la plupart des femmes ne savent même pas qu'elles sont enceintes. La loi ne prévoit pas d'exception en cas de viol ou d'inceste, mais seulement si la santé de la femme enceinte est compromise.

Jeudi, le président Joe Biden a fustigé le refus de la Cour suprême des États-Unis de bloquer cette loi texane sur l'avortement, la qualifiant d'"attaque sans précédent contre les droits constitutionnels des femmes". La décision de la haute juridiction, prise au milieu de la nuit, "provoque un chaos inconstitutionnel" et "insulte l'État de droit", a-t-il ajouté dans un communiqué au vitriol.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV