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Présidentielle américaine: comment le vote par correspondance est devenu la clé du scrutin

Les méthodes de comptage, déjà complexes, ont viré au casse-tête alors qu'un nombre inédit d'électeurs ont voté par correspondance cette année, à cause de la crise sanitaire.

Le dépouillement des bulletins de la présidentielle se poursuit aux Etats-Unis ce jeudi. A cette heure, il est encore impossible de savoir qui, de Donald Trump ou de Joe Biden, sera le prochain résident de la Maison Blanche. La raison de cette longue d'attente? Les méthodes de comptage, déjà complexes, ont viré au casse-tête alors qu'un nombre inédit d'électeurs ont choisi de voter par correspondance. Ces bulletins seront donc cruciaux pour connaître le nom du vainqueur, mais, souvent à l'avantage de Joe Biden, ils attisent la colère de Donald Trump.

• 64 millions de votes par correspondance

Cette année, en raison de la pandémie de coronavirus, les autorités de nombreux Etats ont élargi la possibilité de voter de manière anticipée ou par correspondance pour minimiser les files d'attente le jour même du scrutin. Au total, 100 millions d'électeurs en ont fait usage, dont 64 millions par correspondance, un chiffre inédit.

Or, le processus de dépouillement de ces bulletins de vote est plus long car il nécessite une logistique importante. Celle-ci varie en fonction des Etats, mais systématiquement, il faut contrôler l'authenticité de l'envoi, le droit de la personne à voter et comptabiliser le bulletin. Les agents électoraux doivent donc vérifier que ces bulletins répondent aux critères légaux (signatures, dates d'affranchissement...). Ils doivent ensuite ouvrir l'enveloppe, aplatir les bulletins, les scanner et - si la machine n'arrive pas à les lire - les traiter manuellement.

• Des votes reçus après le 3 novembre

Pour éviter un processus de dépouillement qui s'étend bien au-delà du 3 novembre, certains États avaient commencé à traiter ces bulletins au fur et à mesure. Mais d'autres, comme la Pennsylvanie, le Wisconsin et le Michigan, ont dû attendre la clôture des bureaux de vote après le scrutin physique pour s'y attaquer.

Certains États ont par ailleurs établi la règle de ne prendre en compte que les bulletins reçus uniquement jusqu'au jour de l'élection. D'autres acceptent à l'inverse les bulletins postés jusqu'au 3 novembre. Ils peuvent donc les comptabiliser jusqu'à 10 jours après le scrutin.

• "Arrêtez de compter!"

Dans la nuit de mardi à mercredi, Donald Trump, qui accusait alors un court retard sur Joe Biden, a dénoncé des fraudes lors de l'élection présidentielle, menaçant de saisir la Cour suprême. Dans son viseur: ces votes par correspondance, et en particulier ceux reçus après la fermeture des bureaux de vote.

"Nous allons aller à la Cour suprême. Nous voulons que tous les votes s'arrêtent. Nous ne voulons pas qu'ils trouvent des bulletins à 4 heures du matin et qu'ils les ajoutent à la liste."

Depuis, Donald Trump a lancé des actions en justice dans plusieurs États. Le camp du milliardaire a demandé un recomptage des suffrages dans le Wisconsin. Dans le Michigan, il réclame un "réexamen" des bulletins déjà comptabilisés. Un recours a également été déposé pour interrompre le dépouillement en Pennsylvanie.

• Une campagne contre le vote par correspondance

Pendant toute sa campagne, Trump n'a cessé de jeter le discrédit sur le vote par correspondance, alors que les estimations montrent que davantage d'électeurs démocrates que de républicains sont susceptibles de voter de cette façon.

Dès le 7 avril dernier, alors que la crise sanitaire commençait à peine à s'abattre sur les États-Unis, le président américain a affirmé durant l'une de ses conférences de presse que les bulletins postaux semaient "la triche" et étaient "frauduleux dans bien des cas".

Le 30 juillet, le locataire de la Maison Blanche est même monté d'un cran en évoquant un possible report du scrutin tout entier:

"Avec le vote par correspondance généralisé (pas le vote par procuration, qui est bien), 2020 sera l’élection la plus inexacte et la plus frauduleuse de l’Histoire. Ce sera une véritable honte pour les États-Unis. Reporter l’élection jusqu’à ce que les gens puissent voter normalement, en toute sécurité ???", avait-il lancé sur Twitter.

Rien d'étonnant donc à ce que, dès le soir du 3 novembre, il se déclare vainqueur et conteste déjà des bulletins à distance, avant même qu'ils soient dépouillés.

• La Pennsylvanie au centre des enjeux

Et c'est l'Etat de la Pennsylvanie qui pourrait sceller le destin des deux candidats, juge sur notre antenne François Durpaire, consultat États-Unis pour BFMTV. Cet Etat-clé, ou swing-state, a reçu pas moins de 2,6 millions de bulletins arrivés par la poste, dix fois plus que d'ordinaire. Or, comme la Caroline du Nord, il autorise la prise en compte des bulletins postés jusqu'à mardi, qui arriveront donc environ trois jours après.

"Si la Pennsylvanie devient centrale, la Cour suprême pourrait se pencher sur cette question du vote à distance, pour vérifier si c'est bien constitutionnel. Pour l'instant, elle a refusé de le faire, mais c'est le rêve de Donald Trump", explique-t-il. Et de nuancer: "Mais rien ne dit qu'elle donnera raison au président sortant".

Si la Cour suprême devait de nouveau se pencher sur la question dans les prochaines semaines, il y aurait cette fois-ci une différence majeure: la nomination de la juge Amy Coney Barrett, fervente soutien de Donald Trump, pour remplacer Ruth Bader Ginsburg. Les cartes seraient complètement rebattues.

Cyrielle Cabot Journaliste BFMTV