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Justin Trudeau et la "diplomatie de la chaussette"

Justin Trudeau lors de la Gay Pride de Toronto, le 25 juin 2017. Ce jour-là, il arborait des chaussettes célébrant à la fois les communautés homosexuelle et musulmane.

Justin Trudeau lors de la Gay Pride de Toronto, le 25 juin 2017. Ce jour-là, il arborait des chaussettes célébrant à la fois les communautés homosexuelle et musulmane. - Geoff Robins - AFP

Depuis quelques semaines, le Premier ministre canadien a fait des chaussettes à message sa "signature". Et un nouveau moyen de faire passer des messages politiques.

Il a fait des chaussettes sa marque de fabrique. Au Canada, à chacune de ses apparitions publiques, Justin Trudeau sait désormais que ses chevilles seront scrutées. Le Premier ministre a récemment arboré à plusieurs reprises des chaussettes à messages ou à symboles, à tel point que ce qui n'était qu'un simple détail vestimentaire est devenu un véritable phénomène, les commentateurs de la vie politique voyant là une manière, pour le responsable canadien, de faire de la diplomatie. 

Deux causes, une même paire

Dimanche 25 juin, Justin Trudeau a fait une apparition à la Gay Pride de Toronto, où il a marché aux côtés de militants LGBT. Mais plus que son déplacement en lui-même, ce sont ses chaussettes qui ont retenu l'attention. Le Premier ministre avait en effet fait le choix d'un modèle arc-en-ciel, symbole de la communauté homosexuelle, agrémenté d'un message disant "Eid Mubarak", en anglais et en arabe, pour souhaiter une bonne fête de fin de ramadan. La date de la Gay Pride correspondait en effet cette année avec la fin du mois de jeûne musulman.

Pour le New York Times, Justin Trudeau a ainsi fait le choix d'afficher son soutien aux deux communautés, "avec une seule paire de chaussettes", tout en soutenant une petite entreprise locale, Halal Socks, à l'origine du modèle, vendu 14,99 dollars (environ 13 euros).

Déjà, le 14 juin, Justin Trudeau dévoilait fièrement un autre modèle arc-en-ciel, à l'occasion d'une levée de drapeaux LGBT.

Patriotisme et clins d'oeil

Ces deux choix, qui n'avaient donc rien d'un hasard, en suivaient un autre. Quelques jours plus tôt, le 5 juin, le chef du gouvernement arborait en effet un modèle tout aussi étudié, rouge à motif feuilles d'érable, l'emblème officiel du Canada, pour intervenir dans une émission télévisée. 

Un modèle plutôt patriotique, en contraste total avec son costume, et bien mis en évidence étant donné que le Premier ministre était assis sur un tabouret. 

Le 4 mai, à l'occasion d'une rencontre à Montréal avec Enda Kenny, le désormais ex-Premier ministre irlandais, Justin Trudeau avait joué la carte du clin d'oeil, avec des chaussettes Star Wars. La date correspondait en effet à ce qui est désormais appelé le "Star Wars Day", en raison du jeu de mots établi avec le fameux "May the Force be with you" de la saga: "May the Fourth be with you". 

Si le responsable canadien utilise le code vestimentaire lors de ses apparitions nationales, il n'hésite pas à le faire également lorsqu'il se déplace à l'international. Lors du sommet de l'OTAN à Bruxelles, le 25 mai, il avait ainsi impressionné Angela Merkel, avec un modèle de circonstance, représentant un navire. La chancelière allemande avait d'ailleurs immortalisé le moment sur Instagram.

La chaussette, un choix judicieux? 

Pour le New York Times, qui consacre un long article à cette signature de Justin Trudeau dans sa rubrique "Mode et style", les chaussettes du Premier ministre canadien "ne sont pas juste drôles". "Elles contiennent également un message de solidarité. Rarement les chevilles d'un homme en ont autant dit", écrit le très sérieux quotidien américain, pour qui il s'agit d'une véritable "diplomatie de la chaussette". 

Pour le journal, la démarche d'arborer de telles chaussettes est "assez intelligente". "Les hommes (politiques) ont, après tout, bien moins d'options que les femmes lorsqu'il s'agit de communication implicite par le biais des vêtements. (...) Ils ne peuvent pas utiliser de couleurs pour soutenir une idée. Ils ne peuvent pas vraiment porter des costumes de tailleurs différents pour chaque pays qu'ils visitent, pour défendre la production locale, comme Michelle Obama et la Duchesse de Cambridge le font", peut-on lire. 

Alors qu'arborer une cravate à thème pourrait être considéré comme exagéré, les chaussettes apparaissent comme la manière la plus subtile de faire passer un message: sans distraire l'attention, mais en étant suffisamment visibles pour être efficaces. 

Une démarche saluée

La démarche de Justin Trudeau, bien que critiquée par ses détracteurs, qui pour beaucoup y voient un manque de respect de la fonction, semble en tout cas avoir fait ses preuves.

En effet, le dernier modèle affiché, soutenant les communautés homosexuelle et musulmane, a fait certes quelques sceptiques, mais a surtout rencontré une très large approbation, et eu un retentissement mondial grâce aux réseaux sociaux. De nombreux internautes ont estimé que ce détail vestimentaire illustrait la volonté de Justin Trudeau d'embrasser le multiculturalisme, et correspondait à son image de leader nouvelle génération, capable de briser les codes. De quoi tenter d'autres chefs d'Etat? Pour le savoir, il faudra scruter leurs chevilles, lors du prochain G20, les 7 et 8 juillet, à Hambourg.