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"J'ai été à leur place": un ex-journaliste raconte avoir cru mourir lors d'une expédition près du Titanic

Michael Guillen, le premier journaliste au monde à être descendu voir l'épave du Titanic, raconte à BFMTV.com cette journée de l'année 2000 où son submersible s'est retrouvé coincé pendant une heure dans les pales de l'hélice du Titanic, au fond de l'océan Atlantique.

Plus de vingt ans après, l'ancien journaliste américain Michael Guillen n'est pas prêt d'oublier le jour où il est allé découvrir l'épave du Titanic, à plus de 4000 mètres de profondeur au fin fond de l'océan Atlantique. Une plongée dans les abysses qui ne s'est pas déroulée comme prévu, et au cours de laquelle il a sérieusement cru y rester.

À BFMTV.com, le scientifique et ancien reporter pour la chaîne américaine ABC News, se souvient d'une expérience à la fois "éprouvante" et "effrayante". À tel point qu'il n'imagine pas la renouveler aujourd'hui, d'autant moins qu'un submersible de tourisme parti visiter l'épave du Titanic a disparu depuis dimanche avec cinq passagers à bord.

"Ça ne s'est pas passé comme prévu et ça s'est révélé être une expérience éprouvante. Quand on est remontés à la surface, je me suis dit 'Waouh! je ne veux plus jamais faire une chose pareille'", témoigne l'ex-journaliste et scientifique.
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Le vaisseau coincé une heure dans une pale d'hélice

Michael Guillen raconte qu'à la descente -qui dure deux heures et demi-, il n'y a eu aucun problème. "C'était très émouvant, du moins jusqu'à ce qu'on arrive au fond et qu'on s'approche d'un champ de débris, où sont échoués des morceaux du Titanic" , tombés là lorsque le paquebot s'est brisé en deux pendant le naufrage.

C'est à ce moment-là que les choses se compliquent pour l'équipage de trois personnes. Sans le vouloir, le petit submersible se retrouve pris dans un courant d'eau rapide qui le projette en direction d'une des pales d'hélice du Titanic. Là, le petit vaisseau se retrouve coincé derrière l'hélice pendant à peu près une heure, avant que le pilote ne parvienne à les extirper de là.

Des minutes néanmoins interminables, qui sont à jamais gravées dans la mémoire de Michael Guillen. "Je pensais qu'il n'y avait plus rien à faire. J'ai pensé à ma femme, et une petite voix dans ma tête m'a dit: 'c'est comme ça que ça va se terminer pour toi'". À une telle profondeur, "il n'y a rien autour de vous, rien. C'est littéralement 360° de néant, il n'y a personne pour vous sauver, rien. C'est comme être bloqué sur la Lune."

"C'est un sentiment que je garderais en moi toute ma vie. Ce n'est pas juste descendre sous l'eau. À 4000 mètres de profondeur, la pression est telle qu'elle peut vous tuer instantanément", s'appelle-t-il.

"Je sais comment ils se sentent, j'étais à leur place"

Michael Guillen ne cache pas son émotion et sa vive inquiétude vis-à-vis des passagers de l'Ocean Gate. "J'espère et je prie pour que ces personnes soient retrouvées en vie. Ça me rend malade pour eux car je sais exactement comment ils se sentent. Je le sais, j'étais à leur place".

"C'est très effrayant. Vous n'êtes pas coincés dans la boue, vous ne pouvez pas vous en extraire comme ça. Vous êtes au milieu de l'océan, qui est impitoyable et peut vous absorber à tout moment, sans aucune merci. C'est une situation qui semble absolument sans espoir".

"Ce vaisseau a-t-il été suffisamment testé?", s'interroge enfin le scientifique, qui pointe du doigt le fait que lui et ses deux acolytes avaient à l'époque embarqué à bord d'un submersible conçu pour des raisons scientifiques, contrairement à celui de l'Ocean Gate. "C'était une machine très sérieuse" qui permettait d'être en contact permanent avec le bateau de recherche posté à la surface.

"La capsule était très petite, nous n'étions que trois à l'intérieur dont le pilote. Avec mon acolyte nous étions couchés à plat ventre et nous ne voyions ce qui se passait à l'extérieur qu'à travers un petit hublot", se remémore l'ancien journaliste américain.

Un submersible conçu à des fins touristiques

Le sous-marin de l'Ocean Gate, conçu à des fins touristiques, est "très différent" selon le journaliste. "Il est beaucoup plus grand car ces gens ont payé beaucoup d'argent pour faire ce voyage. La situation est très différente, et ça m'inquiète beaucoup, je me demande si c'était vraiment approprié".

"Je vous le redis, c'est très dangereux, ce n'est pas une attraction Disneyland. Je ne comprends pas qu'on parle de tourisme pour quelque chose d'aussi dangereux. Ce n'est pas une partie de plaisir. C'est sérieux, et ça devrait être pris comme tel".

S'il a fait le voyage "en tant que reporter et scientifique", Michael Guillen n'est plus sûr qu'il y serait "allé en tant que civil, surtout maintenant qu'(il est) conscient du danger que ça représente". "Les submersibles sont certes construits pour résister à cette pression mais ils ne sont pas indestructibles, tout comme le Titanic ne l'était pas".

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV