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Frappes américaines en Syrie: action ponctuelle ou début d'une intervention dans la durée?

L'USS Porter, navire destroyer américain basé en Méditerranée.

L'USS Porter, navire destroyer américain basé en Méditerranée. - Ford Williams - Us Navy - AFP

En choisissant de frapper une cible militaire du régime syrien dans la nuit de jeudi à vendredi, Donald Trump fait-il le pari de s'engager dans une campagne de longue durée contre Damas? Ou bien s'agit-il d'une mise en garde à Bachar al-Assad? Eléments de réponse.

Donald Trump a pris la décision de frapper vite et fort. Dans la nuit de jeudi à vendredi, les Etats-Unis ont mené des frappes contre une base aérienne du régime syrien, en riposte à l'attaque au gaz perpétrée mardi contre un village, faisant au moins 86 morts, et imputée à Damas. Pour leur première opération militaire contre le régime Assad, les Américains ont envoyé 59 missiles de croisière Tomahawk contre la base de Shayrat, dont auraient décollé les avions ayant mené l'attaque au gaz. 

Dès mercredi, le président américain avait qualifié l'attaque "d'affront pour l'humanité", enclenchant un net changement de ton vis-à-vis de son homologue syrien. Depuis, tout s'est accéléré. Jeudi, le Pentagone soumettait des options militaires à la Maison Blanche, avant que Donald Trump ne prenne sa décision dans la soirée, en marge de sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping. En choisissant de frapper le régime syrien, Donald Trump s'engage-t-il dans une campagne de longue durée? Ou bien s'agit-il d'une mise en garde? Le point sur la stratégie militaire américaine appliquée cette nuit en Syrie. 

Simple signal ou vrai tournant?

La violence et la rapidité des frappes américaines contre la base syrienne, qui ont été décidées en l'espace de quelques heures, ont surpris tout le monde. Mais pour de nombreux observateurs, elles constituent davantage un signal fort envoyé par Donald Trump, qu'une volonté de s'engager militairement dans la durée contre Bachar al-Assad. 

"Les Américains ont visé des cibles et des objectifs très précis. C'est un signal très fort envoyé à Damas, et c'est la démonstration par les Américains qu'ils sont capables d'infliger des pertes très lourdes, et de déstabiliser le système militaire syrien", analyse sur BFMTV Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale. "On voit bien que ce sont des frappes dans un espace limité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de volonté d'escalade pour le moment. C'est un signal stratégique à partir de frappes tactiques", résume-t-il.

Des consultations express et une prise de décision rapide, un ordre de frapper donné jeudi soir avant d'aller dîner avec le président chinois, invité à Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump en Floride: la manière même dont les événements se sont enchaînés témoigne de la volonté du président américain de faire un coup de force ponctuel.

En agissant ainsi, Donald Trump choisit d'envoyer un message très clair au président syrien et au reste du monde. Ce bombardement en forme d'avertissement face aux crimes commis contre des civils laisse donc imaginer que l'action restera ponctuelle, mais qu'elle pourrait se reproduire si Damas persistait dans sa lignée. 

Une cible précise 

Par ailleurs, la cible visée par les frappes démontre également la volonté des Etats-Unis de frapper efficacement, et surtout, de façon stratégique. Il s'agit en effet d'une base aérienne du régime syrien située en plein milieu du désert, avec des installations répertoriées depuis longtemps par les services de renseignement.

"Les frappes de cette nuit ont causé des destructions ponctuelles. Il ne s'agissait pas de dérouler un tapis de bombes, mais bien de détruire des hangars, des systèmes de commandement et de transmission, des avions. C'est un message stratégique envoyé aux dirigeants de Damas", estime ainsi Jérôme Pellistrandi.

Pourquoi les Etats-Unis ont choisi de frapper depuis la mer?

Pour leurs frappes contre la base de Shayrat, les Etats-Unis ont opté pour des tirs de missiles depuis un navire, plutôt que pour des bombardements aériens.

"Plusieurs raisons peuvent expliquer ce choix: d'abord, la disponibilité des bateaux qui sont en Méditerranée ou dans le Golfe arabo-persique. Et il y a le fait que la prise de risque est limitée. Le missile de croisière Tomahawk vaut environ un million de dollars et a l'avantage d'être extrêmement précis. On peut donc détruire pratiquement au mètre près la cible qui a été choisie", fait valoir Jérôme Pellistrandi.

"Le travail de renseignement dans cette région qui est la plus surveillée du monde depuis des décennies, et l'utilisation de ces missiles à la précision très forte, ont rendu facile pour les Américains le ciblage précis de cet aéroport, dont seraient partis les avions syriens qui ont mené l'attaque au gaz", poursuit le spécialiste. 

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quelle est la présence militaire des etats-unis dans la région?

L'armée américaine est très largement déployée dans les zones méditerranéenne et moyen-orientale. Elle y dispose de deux flottes. La VIe flotte est basée dans la baie de Naples, en Italie, dont les navires destroyers l'USS Porter et l'USS Ross sont capables de lancer des missiles Tomahawk tels que ceux envoyés dans la nuit, dans un rayon de 2.500 km. Ces deux navires se trouvent actuellement en Méditerranée orientale. La Ve flotte, elle, est basée à Bahreïn, dans le Golfe persique. Son rôle est de renforcer la présence américaine au Moyen-Orient, notamment dans le Golfe arabo-persique ou en mer Rouge.

L'US Navy dispose également de plusieurs sous-marins en Méditerranée, dont les emplacements sont tenus secrets. En revanche, le navire de transport amphibie USS Mesa Verde se trouve dans l'Est de la Méditerranée. Il peut embarquer jusqu'à 800 soldats américains.

Pour ce qui est de son aviation, l'armée américaine a signé des accords de coopération avec tous les pays entourant la Syrie. La base la plus stratégique est située à Incirlik, en Turquie, à une centaine de kilomètres de la frontière syrienne. Les autres bases sont situées en Jordanie, au Koweït, au Qatar et aux Emirats arabes unis. De ces bases décollent des chasseurs F-15 et F-16, les bombardiers stratégiques B-52, les avions furtifs F-22, inaugurés il y a peu, mais aussi les drones Reaper et Predator effectuant des missions de surveillance et des attaques ciblées sur Daesh.

Enfin, du côté des forces au sol présentes en Syrie, on compte 900 personnes qualifiées de "conseillers militaires", qui sont en réalité des membres des forces spéciales.