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Bradley Manning, du personnage inadapté à l'icône civique

Bradley Manning est en train de devenir un symbole du contrôle des politique par les citoyens, comme le montrent les manifestations qu ont eu lieu sur le lieu du procès, à la base de Fort Meade.

Bradley Manning est en train de devenir un symbole du contrôle des politique par les citoyens, comme le montrent les manifestations qu ont eu lieu sur le lieu du procès, à la base de Fort Meade. - -

Le procès du jeune analyste de l'armée américaine s'est ouvert à Fort Meade. Bradley Manning est accusé d'avoir rendu publics des milliers de documents confidentiels et risque la prison à perpétuité. Plaidant coupable pour 10 chefs d'inculpation, il explique son geste par le devoir citoyen.

On a commencé par le peindre en grand militant de la transparence, puis comme un personnage inadapté et dépressif, confronté à son identité sexuelle. Qui est vraiment Bradley Manning ? Le jeune analyste du renseignement américain, incarcéré sur la base de Quantico depuis déjà 1.000 jours, risque, à 25 ans, de passer le reste de sa vie en prison.

La question de sa personnalité compte, car dans les motivations qui l'ont conduit à fournir des milliers de documents confidentiels à Wikileaks réside tout l'enjeu de ce procès, déjà qualifié d'historique. Pendant ces trois mois, l'accusation va chercher à démontrer qu'il a agi par faiblesse, par revanche contre une institution dont il se sentait rejeté, tout en niant la portée civique de son geste.

Le jeune homme a reconnu 10 chefs d'inculpation parmi les 22 retenus contre lui par la justice américaine, et c'est en se montrant convaincant dans la portée patriote de son geste qu'il échappera à l'accusation majeure d'entente avec l'ennemi. Un travail qu'il a débuté en audience préliminaire, et qui peut lui éviter la prison à vie.

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Trop geek, trop homo

Né à Crescent, en Oklahoma, le jeune homme a une enfance compliquée. Passionné d'informatique, il est rejeté par ses camarades car trop intello. Au divorce de ses parents, il part vivre avec sa mère au Pays de Galles où il n'est pas moins rejeté, cette fois trop homo. Enfant, il préfère la compagnie de son ordinateur, qu'il bidouille à loisir, à celle de ses camarades de classe.

Le New York Times, dans un portrait, décrit en détail ces premières luttes. Le journal cite une ancienne voisine, à Crescent : "J'ai toujours essayé de le soutenir autant que possible à cause de sa vie à la maison, je savais que c'était dur."

Il n'est pas un élève facile: "Il pouvait se mettre en colère, frapper des livres contre son bureau si les gens refusaient de l'écouter ou ne comprenaient pas son point de vue", explique une ancienne camarade de classe.

Enrôlé pour payer ses études

S'il se retrouve enrôlé dans l'armée américaine, c'est afin de pouvoir payer ses études et la formation en informatique qu'il pourrait y trouver. Il y trouve un cercle d'amis qui lui permet de s'affirmer, et une institution dont la rigidité l'étouffe.

Il a été réprimandé deux fois, dont une pour avoir agressé un officier, et se sentait ignoré, rabaissé. C'est ce qu'il écrit dans des mails adressés à ses proches. Son homosexualité, dans la culture du "Don't Ask, Don't Tell", devient, une fois de plus, un poids.

"J'ai été isolé longtemps. Mais les événements m'ont forcé à continuer de trouver des manières de survivre", a-t-il écrit au hacker Adrian Lamo, qui l'a par la suite livré à la police. C'est dans ces conditions qu'il commence à fréquenter les forums de Wikileaks, où il correspond avec certains proches de Julian Assange, qui partageaient son goût pour la transparence et sa vision de la justice.

Organiser la fuite: devoir citoyen

Mais une lecture trop psychologique n'occulte-t-elle pas la portée politique de son geste? Bradley Manning se présente comme un lanceur d'alerte, dont le geste était surtout motivé par la volonté de diffuser au public les informations vitales dont il disposait.

Dans ses messages à Adrian Lamo, il témoigne: "J'ai vu des arrangements politiques quasiment criminels. [...] Des choses incroyables, horribles, qui doivent tomber dans le domaine public, et ne pas rester dans un serveur rangé dans une cave à Washington."

Personne aujourd'hui n'oserait affirmer que montrer au public cette vidéo d'un hélicoptère de l'armée tirant sur un groupe de civils (dont un journaliste de Reuters) n'était pas légitime. Ella a été rendue publique grâce à Bradley Manning.

Les scandales d'Abou Grahib, ou, en France, du Mediator, ont éclaté grâce au rôle de ces citoyens qui ont joué le rôle de chien de garde, en dépit des risques. Des lanceurs d'alerte pour qui, comme le regrette Margaret Sullivan, éditorialiste au New York Times, l'histoire souvent tourne court.

Des personnalités dont Bradley Manning est en train de devenir le symbole, à travers les nombreuses manifestations de soutien que l'on peut voir en ligne ou dans la vie réelle, à Fort Meade.

Des soutiens de plus en plus nombreux

De nombreuses personnalités lui ont déjà apporté leur soutien. Des personnalités médiatiques, comme Michael Moore, et d'autres de l'armée même, comme l'ancienne colonelle à la retraite Mary Ann Wright ou Daniel Ellsberg, un autre analyste. Ce dernier décernerait d'ailleurs volontiers le prix Nobel de la paix à Bradley Manning pour avoir accéléré la fin de la guerre en Irak.

"Je croyais que la publication [des documents] pourrait provoquer un débat public sur nos forces armées et notre politique étrangère en général", s'est expliqué le jeune hacker. En cela il a réussi, car des débats, ce procès n'a pas fini d'en provoquer.


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