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Amérique du Nord

Etats-Unis: les musées renoncent aux dons de la famille Sackler, au coeur de la crise des opiacés

L'aile Sackler au Metropolitan Museum de New York, le 28 mars 2019.

L'aile Sackler au Metropolitan Museum de New York, le 28 mars 2019. - Spencer Platt - Getty Images North America - AFP

Au fil des mois, les institutions culturelles coupent les liens avec la famille Sackler, à la tête d'une entreprise pharmaceutique fabriquant un médicament accusé d'être à l'origine de la crise des opiacés outre-Atlantique.

C'est une famille relativement méconnue du grand public de ce côté-ci de l'Atlantique. Pourtant, les Sackler sont accusés d'avoir favorisé une des pires crises de santé publique du XXIe siècle: des centaines de milliers de morts dues aux opiacés, 

La famille est à la tête de Purdue Pharma, une entreprise pharmaceutique qui fabrique l'analgésique OxyContin. Plus fort que la morphine, ce médicament a fait basculer des centaines de milliers d'Américains dans les addictions, que ce soient aux opiacés ou à l'héroïne. 

Pourtant, lors de sa première commercialisation, l'entreprise a faussement vanté que l'OxyContin n'était pas addictif. Elle a reconnu son discours fallacieux en 2007. Une société américaine de professionnels de santé étudiant la toxicomanie estime qu'aujourd'hui, une personne sur cinq essayant l'héroïne aujourd'hui a commencé avec des médicaments opiacés sur ordonnance.

Une mauvaise information qui a boosté les ventes

Comme le rappelait le New Yorker en 2017, Purdue Pharma est accusée d'avoir mal informé les médecins des effets secondaires potentiels de l'OxyContin pour pousser à la sur-prescription et booster les ventes. Alors même que les opiacés sont à l'origine des deux tiers des 70.000 morts par overdose aux Etats-Unis en 2017.

Les Sackler et leur société sont depuis devenus l'ennemi numéro 1 dans cette dramatique crise de santé publique, des centaines de plaintes ayant été déposées contre eux dans différents Etats américains.

L'affaire prend cette année un autre tournant, sur le plan culturel. Pendant des décennies, les Sackler ont été de généreux donateurs dans de nombreux musées de par le monde. Mercredi, le Metropolitan Museum de New York a annoncé renoncer à tout financement de la part de la famille.

"La famille Sackler a soutenu gracieusement le Met pendant cinquante ans", a indiqué Daniel Weiss, président du musée, dans un communiqué. Mais, même s'ils n'ont pas fait de récentes contributions, le conseil d'administration du Met a jugé qu'"au regard des litiges en cours", il était "prudent à ce stade de suspendre l'acceptation de dons de la part d'individus associés à cette crise de santé publique"

Le Met new-yorkais, tributaire des dons

Le Met, comme d'autres institutions culturelles ayant bénéficié de dons des Sackler, faisait l'objet de pressions depuis plusieurs mois pour qu'il refuse leurs financements. Daniel Weiss, pour justifier le temps pris par le Met pour se décider, a souligné combien le plus prestigieux des musées new-yorkais était tributaire des dons pour son fonctionnement.

Le Guggenheim a annoncé en mars renoncer à l'argent des Sackler, juste après la Tate et la National Portrait Gallery au Royaume-Uni. Le Musée d'histoire naturelle de New York a également confirmé mercredi avoir pris une décision similaire, sans donner davantage de détails.

Contrairement à d'autres grands musées comme le Louvre, le Prado ou l'Hermitage, le Met est par exemple faiblement subventionné et dépend pour assurer une grande partie de son budget de fonctionnement des contributions de philanthropes, a expliqué Daniel Weiss.

Les plus généreux d'entre eux, comme les Sackler, ont une galerie à leur nom dans le musée de la 5e Avenue. Le Met ne prévoit pas de renommer leur galerie pour le moment. Le musée n'a pas immédiatement précisé combien il avait reçu des Sackler, ni de quand datait leur dernier don.

Liv Audigane avec AFP