BFMTV
Amérique Latine

Pour la première fois depuis 60 ans, Cuba ne va plus être dirigé par un Castro

Raul Castro (à gauche), avec son probable successeur Miguel Diaz-Canel, en juillet 2017.

Raul Castro (à gauche), avec son probable successeur Miguel Diaz-Canel, en juillet 2017. - Jorge Beltran - AFP

L'Assemblée nationale cubaine désigne ce jeudi le successeur de Fidel et Raul à la tête de l'île, après six décennies de pouvoir exclusif des frères Castro. Mais ce successeur reste un fidèle du castrisme, et son arrivée ne devrait pas changer la donne pour la population.

La fin d'un règne de près de soixante ans. A Cuba, exactement 59 ans après la révolution et l'arrivée au pouvoir du "Lider Maximo", Fidel, la dynastie des Castro s'apprête à s'éteindre, ce jeudi. L'Assemblée nationale cubaine a ouvert mercredi une session inaugurale destinée à désigner le nouveau président de l'île, ouvrant la voie à une transition historique après ce six décennies de pouvoir exclusif des frères Castro. Raul Castro avait en en effet succédé à son frère Fidel en 2006. 

> Deux jours de session inaugurale

L'identité du nouveau chef de l'exécutif doit être révélée ce jeudi matin, à l'issue de cette session entamée mercredi en présence de Raul Castro et de son successeur présumé, candidat unique et numéro deux du régime, Miguel Diaz-Canel.

Selon le programme publié par les médias officiels cubains, les députés doivent d'abord inaugurer la nouvelle législature et désigner leurs cadres, avant d'élire dans leurs rangs les 31 membres du Conseil d'Etat, et simultanément le président de cet organe exécutif suprême, qui succédera à Raul Castro.

Ce vote devait se tenir mercredi après-midi, mais l'identité du nouveau président ne sera révélée que ce jeudi à partir de 9 heures locales (15 heures françaises), ont précisé les médias d'Etat.

> Miguel Diaz-Canel, futur homme fort du pays

Sauf immense surprise, c'est le numéro deux du régime, Miguel Diaz-Canel, 57 ans, civil et non militaire, qui va succéder aux frères Castro, dont il est un protégé. Il faut dire que cet homme aux faux airs de l'acteur américain Richard Gere a été préparé à hériter des commandes du pays. Depuis plusieurs années, c'est lui qui représente régulièrement son gouvernement lors de missions à l'étranger, et ses apparitions dans les médias sont de plus en plus fréquentes.

Cet ingénieur en électronique né après la révolution devra asseoir son autorité et poursuivre l'indispensable "actualisation" du modèle économique de l'île esquissée par Raul Castro. Des charges lourdes pour un homme au profil plutôt discret, qui a gravi dans l'ombre les échelons du pouvoir cubain.

> Une seule transition politique en 60 ans

L'heure est en tout cas historique pour l'île caribéenne. Depuis la révolution de 1959, Cuba n'a en effet connu qu'une seule véritable transition à sa tête. C'était en 2006, quand Fidel Castro, atteint par la maladie, passait le témoin à son frère cadet après plus de 40 ans de pouvoir sans partage. Fidel s'est éteint fin 2016 et c'est aujourd'hui au tour de Raul, 86 ans, de céder sa place à un représentant de la nouvelle génération.

Et le changement s'annonce significatif, en tout cas sur la forme: pour la première fois depuis des décennies, le président n'aura pas connu la révolution de 1959, ne portera pas l'uniforme vert olive, et ne dirigera pas le Parti communiste cubain.

Mais il pourra combler ce déficit de légitimité grâce à Raul Castro, qui gardera la tête du puissant parti unique jusqu'en 2021. A ce poste, il devra mobiliser la vieille garde des "historiques", perçus pour la plupart comme rétifs aux réformes les plus ambitieuses. Le niveau de responsabilité de ces derniers au sein du nouveau Conseil d'Etat donnera une indication sur la volonté réformatrice du régime, et sur la marge de manoeuvre du nouveau président.

> Un changement de façade

Mais sur le fond, le nouveau président devrait plutôt s'inscrire dans la continuité du système castriste. Le futur chef de l'Etat n'a jamais présenté de programme, mais devra en effet tenir compte des "lignes directrices" votées par le parti unique et le Parlement, qui dessinent les orientations politiques et économiques à mener d'ici 2030.

De l'avis des experts, le futur président sera surtout attendu sur le terrain économique, et sur son aptitude à mener les réformes nécessaires pour redresser une économie stagnante (1,6% en 2017) et fortement dépendante des importations et de l'aide de son allié vénézuélien aujourd'hui affaibli.

Le chantier le plus impérieux devrait être celui de l'unification monétaire. Cette mesure, ajournée à plusieurs reprises, vise à supprimer un système de dualité de monnaies nationales unique au monde, le peso convertible et le peso cubain, responsable depuis 1994 de distorsions dans une économie encore largement étatisée.

Adrienne Sigel avec AFP