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Deux Américains morts après un enlèvement au Mexique: ce que l'on sait du rapt meurtrier

La garde nationale mexicaine déployée à Matamoros le 7 mars 2023.

La garde nationale mexicaine déployée à Matamoros le 7 mars 2023. - STR

Quatre Américains ont été enlevés au Mexique dans une région limitrophe des Etats-Unis vendredi. Mardi, les autorités locales ont annoncé la mort de deux d'entre eux.

L'émotion est grande aux États-Unis depuis qu'un groupe de quatre Américains a été enlevé ce vendredi au Mexique, dans la ville de Matamoros. Le dénouement révélé mardi par les autorités locales a rendu l'affaire plus douloureuse encore: sur les quatre amis kidnappés, deux ont été assassinés. Une Mexicaine a de surcroît été fauchée par une balle perdue.

Les deux Américains tués ont été identifiés, comme le note CNN: il s'agit de Shaeed Woodard et Zindell Brown. Les deux survivants - qui ont été transportés dans un hôpital texan, comme le rapporte également la chaîne américaine - répondent aux noms d'Eric Williams et de Latavia Washington McGee.

Le premier a reçu trois balles aux jambes, selon son épouse Michele qui a toutefois confié à CNN qu'on lui avait assuré qu'il pourrait marcher à l'avenir.

Ombre du trafic de drogue, déroulement des faits, investigations, relations bilatérales: BFMTV.com fait le point ce mercredi sur un dossier aux volets multiples.

• Les quatre amis venaient pour une opération de chirurgie esthétique

Le déroulement du drame, s'il demeure encore nébuleux, s'éclaire peu à peu. Americo Villareal, gouverneur de l'État du Taumalipas - région du nord-est du Mexique limitrophe des Etats-Unis où les faits ont eu lieu - a établi que le groupe d'amis - "soudés comme avec de la glue", selon la description de Zalandria Brown, sœur de l'un des défunts - avait passé la frontière mexicaine vendredi à 9h18.

Roulant à bord d'un minivan blanc immatriculé en Caroline du Sud, d'où ils sont originaires, ils traversent alors la commune de Matamoros, agglomération de 500.000 habitants, qui n'est séparée des États-Unis que par le Rio Grande.

Les témoignages des proches et les éléments mis en lumière à cette heure par les autorités locales concordent: les ressortissants américains sont là pour escorter Latavia Washington McGee jusqu'à une opération de chirurgie esthétique que celle-ci a planifiée. Pour l'intéressée, il s'agissait du second déplacement de ce type après une précédente intervention "deux ou trois ans auparavant" d'après sa mère, Barbara Burgess, auprès de CNN.

Dans cette région, le "tourisme médical" prospère: il n'est en effet pas rare que des Américains enjambent la frontière afin de bénéficier de prestations chirurgicales ou médicales à moindre coût.

Mais la bande se perd. Plus exactement, les occupants du minivan ne parviennent pas à trouver le chemin de la clinique. Ils essaient de contacter le médecin mais la réception est mauvaise. C'est alors qu'ils sont visés par des tirs et puis enlevés par leurs assaillants.

Alertées le lendemain par une amie des voyageurs, les forces de l'ordre mexicaines s'activent pour les retrouver. Les victimes sont finalement découvertes dans une "maison de bois", a posé mardi le gouverneur Americo Villareal. C'est là que leurs tortionnaires les ont séquestrées après plusieurs transferts les jours précédents, "afin de semer la confusion et échapper aux recherches des secours", toujours d'après les mots du gouverneur.

• Le monde de la drogue est au centre des soupçons

Si la raison de la venue des Américains dans les parages de Matamoros est connue, cette destination n'épuise pas les questions soulevées par l'horreur: pourquoi ont-ils été pris pour cible? Qui sont les ravisseurs et comment ont-ils procédé? Autant de points d'interrogation dont les enquêteurs ont fait leurs priorités.

Les enquêteurs avancent déjà une piste selon la presse américaine. Ils pensent à une tragique erreur au terme de laquelle les victimes auraient été prises pour des trafiquants de drogue haïtiens. Dernière avancée des investigations connue à ce stade: une personne a été interpellée, soupçonnée d'avoir participé au crime. Le gouverneur du Tamaulipas n'a pas confirmé en revanche son appartenance éventuelle à la pègre locale.

Car c'est bien cette direction qui aimante tous les regards. Matamoros et au-delà l'Etat du Tamaulipas sont gangrenés par le trafic de drogue, le crime organisé et les violences qu'ils impliquent. Pire, dans un Mexique où la criminalité est particulièrement élevée, cet État du nord-est du pays est tenu pour le plus dangereux.

Au point que le Département américain a clarifié les choses sur sa notice officielle. Gratifiant la région d'un niveau d'alerte porté à l'échelon 4, il recommande instamment à ses concitoyens de "ne pas s'y rendre", en raison du fort taux des "crimes et kidnappings" sur place.

• Le Mexique garde la main sur l'enquête

Les relations entre les États-Unis et son voisin du sud sont d'ores et déjà déterminantes dans la conduite des investigations. Si les agences américaines de renseignement sont liées à l'enquête, aucun agent américain n'est présent sur le terrain. Souveraineté oblige, a souligné mardi le président mexicain.

"Évidemment, nous n'autorisons aucun pays étranger à intervenir dans des dossiers qui ne concernent que les Mexicains", a lâché Andrés Manuel Lopez Obrador lors de sa conférence de presse. "On ne cherche pas à savoir ce que font les gangs qui dealent du fentanyl (un opiacé, NDLR) aux États-Unis, ni comment la drogue y circule", a même taclé le chef d'Etat qui a pourtant salué un "travail coordonné dans le respect de la souveraineté".

"C'est notre affaire", a-t-il repris, "et, de plus, le président Biden m'a confirmé que les Américains respecteraient notre souveraineté, ce qui est apprécié."

Côté américain, on tâche donc de montrer autant de prudence que de vigilance. John Kirby, le coordinateur du Conseil à la sécurité nationale a ainsi promis de "travailler étroitement avec le gouvernement mexicain pour s'assurer que justice soit faite".

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV