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Haïti

Haïti: la capitale Port-au-Prince "paralysée" après les attaques de gang contre les prisons

Des gangs armés ont pris le contrôle de la capitale haïtienne Port-au-Prince. Face à la montée des violences et l'évasion de milliers de détenus de prisons, le gouvernement a décrété l'état d'urgence.

Depuis jeudi 29 février, des gangs armés ont pris le contrôle de pans entiers de Haïti, y compris de la capitale Port-au-Prince. Une ville comme "paralysée" ce lundi 4 mars au lendemain de la déclaration de l'état d'urgence par le gouvernement après l'évasion de milliers de détenus de prisons attaquées par ces gangs.

Ces derniers s'en prennent à des sites stratégiques et disent vouloir renverser le Premier ministre contesté Ariel Henry. Au pouvoir depuis 2021, ce dernier aurait dû quitter ses fonctions début février.

De nouveaux coups de feu ont résonné lundi après-midi à Port-au-Prince, où les écoles et les banques sont restées fermées, selon des journalistes de l'AFP sur les lieux. Des rues ont été barricadées par la population, avec des pierres et des troncs d'arbre, ce qui est habituellement le signe d'une escalade des tensions. Peu de policiers étaient déployés dans la ville, selon les mêmes sources.

La capitale était comme "paralysée", a déclaré Carlotta Pianigiani, de l'ONG africaine d'aide médicale Alima, présente sur place.

Une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire

Dépassé par les violences, le gouvernement haïtien a décrété dimanche l'état d'urgence dans la région de Port-au-Prince "pour une période de 72 heures renouvelable" ainsi qu'"un couvre-feu" entre 18h et 05h locales lundi, mardi et mercredi.

Pays pauvre des Caraïbes, Haïti fait face à une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire depuis l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, avec un processus politique au point mort.

Les violences ont pris une nouvelle dimension durant le weekend lorsque des gangs armés ont attaqué deux prisons de la capitale, au moment où le Premier ministre Henry se trouvait en visite au Kenya.

Des personnes marchent les mains sur le visage pour se protéger de la puanteur des corps en décomposition alors qu'elles passent devant le pénitencier national de Port-au-Prince, Haïti, 4 mars 2024.
Des personnes marchent les mains sur le visage pour se protéger de la puanteur des corps en décomposition alors qu'elles passent devant le pénitencier national de Port-au-Prince, Haïti, 4 mars 2024. © Clarens SIFFROY / AFP

Au moins une dizaine de personnes sont mortes durant l'évasion de plusieurs milliers de détenus du Pénitencier national de Port-au-Prince, selon un journaliste de l'AFP. Dix-sept Colombiens détenus pour leur implication présumée dans l'assassinat de Jovenel Moïse ont fait savoir lundi, par la voix de leur avocate, être toujours emprisonnés.

Des membres de gangs "attendaient à l'entrée de la prison pour les exécuter" afin de "rendre justice" au président tué, a assuré Me Sondra Macollins sur la radio colombienne Blu Radio, selon qui ils ont été transférés dans un commissariat de police.

Jeudi dernier, quatre policiers avaient été tués et cinq autres blessés dans des échanges de tirs à Port-au-Prince. Plusieurs compagnies aériennes locales et internationales avaient suspendu leurs vols avant de les reprendre progressivement. Ils ont été de nouveau annulés lundi.

"Très inquiet de la rapide détérioration de la situation"

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est dit "très inquiet de la rapide détérioration de la situation sécuritaire" et a appelé le gouvernement et ses partenaires internationaux à "faire avancer un processus politique (...) via la tenue d'élections".

Partageant également sa "grande inquiétude", Washington a pressé "toutes les parties prenantes" de "mettre fin à la violence".

Selon l'ONU et des ONG, le début d'année a été particulièrement tendu, les dernières violences ajoutant de nouveaux déplacés à la liste des environ 200.000 déjà recensés il y a quelques mois par les Nations unies.

Ces déplacés, dont nombreux enfants et femmes, certaines enceintes, occupent "de manière informelle" des écoles, des terrains de football, des gymnases ou encore des bâtiments publics, a énuméré Carlotta Pianigiani.

"Ils dorment à même le sol, dans des abris de fortune faits de bâches en plastique" et sans accès à "toute une série de services de base", tels que des soins, latrines ou eau potable.

"Cette semaine, le plus grand hôpital public du pays a suspendu ses activités", a également expliqué Carlotta Pianigiani, déplorant que son ONG ait dû elle aussi réduire ses interventions en raison des violences.

Toujours selon l'ONU - qui soutient avec les États-Unis le déploiement d'une mission internationale en Haïti dirigée par le Kenya - plus de 8.400 personnes ont été victimes l'année dernière de la violence des gangs, incluant morts, blessés et enlèvements, "soit une augmentation de 122% par rapport à 2022".

Ariel Henry, qui a signé la semaine dernière à Nairobi un accord pour l'envoi de policiers kényans dans son pays, était lundi sur le chemin du retour pour Haïti, selon le département d'Etat américain.

J.Bro avec AFP