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Amérique Latine

Comment les Haïtiens survivent

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Tandis que les secours se font attendre à Port-au-Prince, les survivants, affamés, résignés, solidaires, tentent de tenir le coup. Reportage et témoignages dans les rues de la capitale.

Cinq jours après le séisme, il y a urgence à Port-au-Prince, où l'aide internationale peine à arriver jusqu'aux sinistrés. Comme l'a constaté sur place notre envoyé spécial, Yann Abback, qui sillonne les rues de la capitale depuis plus de 2 jours : je n'ai vu qu'une seule distribution d'eau, rien pour la nourriture, quelques pompiers chargés de retrouver des vivants sous les décombres et des médecins qui s'occupent des blessés.
Bien sûr, les gens s'impatientent, ils sont affamés, ils veulent aussi que les secours viennent enlever au plus vite tous les cadavres, qui sont partout dans la ville. J'ai vu le corps d'un homme en plein soleil au milieu d'un carrefour. L'odeur était infecte. Une dame m'a expliqué qu'elle se mettait du dentifrice sous le nez. Elle a entendu à la radio que ça fait fuir les odeurs et les microbes...

« La population extraordinairement calme et digne »

Conséquences de ces difficultés : les gens ont faim et il y a quelques rares scènes de pillages. Mais vu la situation, explique Yann Abback, vu le chaos total dans toutes les rues de cette ville, il y a très peu de violences. Ce que confirme Didier Lebret, ambassadeur de France à Haïti : « le scénario catastrophe ne s'est pas produit pour l'instant ; il n'y a pas eu d'émeutes, il y a eu quelques scènes de pillages, de vandalisme... mais c'est resté très ponctuel. La population a été extraordinairement calme, digne. Dans les premiers jours, dans le recueillement, la prière. Ensuite, il y a eu une auto-organisation : la population de Port-au-Prince s'est elle-même évacuée vers les campagnes. Ce qui évitera peut-être un risque épidémique ou sanitaire majeur. Une chose est sûre, c'est que tout ça est fait avec de la bonne volonté et très peu de moyens, et que les problèmes sont à venir... »

« Mon voisin pourrait m'étrangler pour un bout de pain »

Malgré tout, poursuit notre reporter sur place, hier matin, on a été réveillés par des coups de feu lointains. Des pillards ont tenté de voler de la nourriture sur le marché, la police a tiré et tué l'un des voleurs. Certains habitants me disent qu'ils ont peur la nuit, peur des viols, peur des criminels qui ont réussi à s'enfuir de la prison après le séisme, peur surtout des violences si les gens continuent d'avoir faim. « Dans quelques jours, m'a dit une dame, si je mange un bout de pain, je crois que mon voisin pourrait m'étrangler pour le prendre... »

« Comme si l'aide humanitaire n'atterrissait jamais »

En attendant l'aide humanitaire, les habitants, résignés, fatalistes, hagards, essaient de se débrouiller : « J'ai réussi à retrouver sous les décombres un stock de nourriture », dit une dame. « J'ai encore quelques économies, poursuit une autre, j'avais 1000 gourdes [ndlr, à peu près 20 euros]. Mais à 50 gourdes la marmite de haricots noirs, bientôt mes enfants seront affamés. » En fait, comme me l'a dit un monsieur, « on a l'impression que l'aide humanitaire est dans le ciel avec tous ces avions, mais c'est comme si elle n'atterrissait jamais ».
« On peut tenir une semaine comme ça, conclut une habitante, parce qu'on a toujours eu la vie dure, on est des coriaces ! »

La rédaction, avec Yann Abback et Yannick Olland