BFMTV
Colombie

Colombie: une disparition toutes les huit heures pendant 45 ans

Le conflit oppose la guérilla marxiste, des groupes paramilitaires et l'armée.

Le conflit oppose la guérilla marxiste, des groupes paramilitaires et l'armée. - Guillermo Legaria - AFP

Au cours du conflit armé, qui dure depuis 45 ans et oppose guérillas armées et groupes paramilitaires, 60.630 personnes ont été enlevées.

Un chiffre effrayant. Au cour d'un conflit armé qui dure depuis 45 ans en Colombie, 60.630 personnes ont disparu, victimes d'enlèvements et d'assassinats, soit une disparition toutes les huit heures. Selon le Centre national de mémoire historique, "ce chiffre montre l'ampleur de la stratégie adoptée par les groupes armés pour dissimuler leur violence". Le conflit armé a fait en outre plus de 260.000 morts et 6,9 millions de déplacés.

Depuis 1964, la Colombie est en proie à un conflit armé opposant guérillas marxistes, groupes paramilitaires conservateurs et armée, que l'Etat n'a jamais pu combattre. A l'issue de près de quatre ans de pourparlers, le gouvernement du président Juan Manuel Santos vient de conclure un accord de paix avec la plus importante guérilla du pays, les Forces armées révolutionnaires de Colombie, les Farc. Pour cet accord, le président colombien vient de recevoir le prix Nobel de la paix.

"Arme paramilitaire"

Selon ce rapport, qui doit être présenté publiquement mardi à Bogota, le fléau des disparitions est apparu dans les années 70 "pour punir (...), propager la terreur, exercer un contrôle territorial et cacher la dimension des crimes commis". Mais il "a évolué avec le temps". D'un "outil utilisé par les agents de l'Etat contre des militants associés à la gauche, il est devenu une arme des paramilitaires et des guérilleros qui a affecté des personnes d'origines très diverses: paysans, syndicalistes, sans-domicile, commerçants", expliquent les auteurs du texte.

Tous les responsables des disparitions n'ont pas été identifiés. Mais les milices paramilitaires d'extrême droite sont à l'origine de 13.500 d'entre elles, les guérillas d'extrême gauche de 5.800, les gangs criminels de 2.900 et l'Etat de 2.300. La "période la plus critique" a été celle des années 1995-2006, avec 32.422 disparitions dans près des trois-quarts des municipalités de la Colombie, soit en moyenne une disparition toutes les deux heures et demie.

L'Etat responsable

Cette période a aussi été marquée par une augmentation des disparitions collectives, au moment de l'expansion des milices paramilitaires, armées dans les années 90 par des particuliers contre les guérillas d'extrême gauche, puis démobilisées en 2006, selon Andrés Suarez, l'un des auteurs du rapport. Entre 2006 et 2015, bien qu'il y ait eu une diminution avec 9.549 disparitions, celles-ci restent le fait principalement des gangs issus de la démobilisation des paramilitaires.

"Beaucoup de leurs alliés dans la légalité exercent des pressions pour occulter la violence afin d'éviter la pression internationale et de l'opinion publique. Et c'est une façon d'éviter aussi que cette violence affecte leurs objectifs politiques", a-t-il ajouté.

Sur plus de 60.000 disparitions - deux fois plus que le total des dictatures argentine avec 30.000 et chilienne avec environ 3.200 - seulement 8.122 cas ont été éclaircis à ce jour. "Le crime est aggravé par le traitement réservé aux cadavres par les coupables, qui ont converti rivières et mers en cimetières, et semé le pays de fosses clandestines", dénonce le CNMH. Selon le rapport, "les pratiques de l'Etat pour préserver et identifier les rares corps exhumés ont été visiblement inadéquates" et "l'Etat est non seulement responsable d'avoir participé comme auteur ou complice, mais aussi pour son incapacité à remplir son devoir constitutionnel de protection".

Justine Chevalier avec AFP