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Brésil: Dilma Rousseff écartée de la présidence

La présidente brésilienne Dilma Rousseff est accusée de maquillage des comptes publics.

La présidente brésilienne Dilma Rousseff est accusée de maquillage des comptes publics. - AFP

Accusée de maquillage des comptes publics, la présidente brésilienne vient de vivre ses dernières heures au pouvoir. Les sénateurs ont suspendu le mandat de Dilma Rousseff, pour la soumettre à un procès en destitution, lors d'une séance plénière historique.

Une page se tourne au Brésil. La présidente brésilienne Dilma Rousseff s'apprête à céder le pouvoir à son vice-président Michel Temer, après l'ouverture de son procès en destitution par le Sénat. L'ouverture d'un procès en destitution qui vient d'être votée par 55 sénateurs contre 22, au terme d'une session marathon historique.

Le plus grand pays d'Amérique latine va en même temps laisser derrière lui 13 ans de gouvernement du Parti des travailleurs (PT), entamée en 2003 avec l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, dit Lula, qui a présidé au boom socio-économique brésilien des années 2000.

Réunis depuis mercredi matin en assemblée plénière, les sénateurs brésiliens se sont relayés toute la nuit à la tribune pour sceller le sort de l'impopulaire dirigeante de gauche, accusée de maquillage de comptes publics. 

Ses fonctions de chef d'Etat seront suspendues durant le procès, d'une durée maximale de 180 jours, et le vice-président Michel Temer - que Dilma Rousseff accuse de "coup d'Etat" institutionnel - sera chargé d'assurer l'intérim.

"Ambiance d'enterrement"

Première femme élue présidente du Brésil en 2010, Dilma Rousseff, 68 ans, doit s'exprimer jeudi vers 10h locales (15h à Paris) avant de quitter le palais du Planalto et prendre un bain de foule avec ses partisans, selon le service de communication du PT.

Le futur président en exercice Michel Temer, 75 ans, s'adressera à la nation depuis la présidence, accompagné de son ministre des Finances Henrique Mereilles. Il devrait annoncer la formation d'une partie de son gouvernement, centré sur le redressement économique.

"Une ambiance d'enterrement" a régné mercredi à la présidence, où Dilma Rousseff a fait emballer ses effets personnels, a confié un collaborateur à l'AFP, sous couvert d'anonymat.

Par craintes d'échauffourées, les autorités avaient érigé des barrières métalliques devant le Sénat pour séparer les manifestants des deux camps. Lors d'un bref moment de tension, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur des partisans de Dilma Rousseff. Mais l'immense Esplanade est restée pratiquement déserte.

Rousseff se dit "victime d'un coup d'Etat" institutionnel

L'opposition accuse la présidente d'avoir commis un "crime de responsabilité" en maquillant sciemment les comptes publics pour dissimuler l'ampleur des déficits en 2014, année de sa réélection disputée, et en 2015.

Dilma Rousseff, ancienne guérillera torturée sous la dictature (1964-85), se défend en soulignant que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces "pédalages budgétaires" sans avoir été inquiétés.

Elle se dit victime d'un "coup d'Etat" institutionnel ourdi par Michel Temer, qui a précipité sa chute en poussant fin mars sa formation, le grand parti centriste PMDB, à claquer la porte de la majorité. Dilma Rousseff a exclu toute démission et se dit déterminée à "lutter par tous les moyens légaux et de combat" contre sa destitution.

Cocktail explosif

Le vote final des sénateurs pourrait intervenir en septembre, entre les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août) et les élections municipales d'octobre. De l'avis des analystes, les chances de Dilma Rousseff d'échapper à la destitution sont désormais très minces.

Le tout aussi impopulaire Michel Temer, crédité à peine 1% à 2% d'intentions de vote en cas d'élection, va donc probablement diriger le Brésil jusqu'à la fin du mandat en 2018. Il va hériter du cocktail explosif qui a conduit droit dans le mur Dilma Rousseff: la pire récession depuis les années 1930 et l'énorme scandale de corruption Petrobras, aux développements judiciaires imprévisibles, qui éclabousse son propre parti au plus haut niveau.

Michel Temer prépare un paquet de mesures libérales et par nature impopulaires qui pourraient jeter les syndicats dans la rue: ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail. Il va "hériter en grande partie de l'insatisfaction des Brésiliens contre la politique traditionnelle qu'il incarne", souligne Thiago Bottino, analyste à la Fondation Getulio Vargas.

la rédaction avec AFP