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Allemagne: l'extrême-droite descend dans la rue, et la population se divise au sujet des migrants

Manifestation d'extrême-droite à Chemnitz.

Manifestation d'extrême-droite à Chemnitz. - John MACDOUGALL / AFP

Le 26 août dernier, un Allemand d'origine cubaine était tué à coups de couteau à Chemnitz, dans l'est du pays. Un ressortissant irakien et un ressortissant syrien ont été interpellés. Ce fait-divers a engendré de nombreuses manifestations de l'extrême droite dans la localité qui a vu en retour des contre-manifestations et accueilli ce lundi un concert contre la xénophobie.

Depuis une semaine, Chemnitz, ville de 250.000 habitants dans l'est de l'Allemagne, connaît une forte agitation politique. Aujourd'hui, elle vit au gré des manifestations anti-immigration et des contre-manifestations dénonçant celles-ci. Ce lundi soir, 50.000 personnes ont même assisté à un concert pour s'opposer à la xénophobie. En plus de la musique, un mot d'ordre a soudé leurs rangs: "Nous sommes plus nombreux". 

Pour comprendre la montée du sentiment anti-migrants, et de l'inquiétude qu'il suscite, il faut revenir près de dix jours en arrière. Le 26 août dernier, Daniel, un Allemand de 35 ans, d'origine cubaine, était tué, transpercé de coups de couteau. Dans la foulée, un ressortissant irakien et un Syrien étaient interpellés par les autorités. Mais ce fait-divers, dont l'écho aurait pu s'éteindre de lui-même après ces arrestations, a enflammé les rues de la ville où des néonazis se sont même lancés dans de véritables chasses à l'homme. Le lendemain, 2.000 personnes défilaient. Chemnitz n'a pas davantage retrouvé le calme les jours suivants et les marches ont succédé aux marches.

Face-à-face 

Dans les cortèges d'extrême droite, on ne retrouve pas uniquement les néonazis mais des membres du mouvement islamophobe Pegida, des sympathisants de l'AfD et d'autres composantes nationalistes. Ce week-end, ils étaient encore 8.000 à fouler le pavé de Chemnitz. Mais 3.000 citoyens soucieux de la tournure prise par les événements et de la récurrence des manifestations d'extrême-droite avaient décidé de ne pas le leur laisser. 18 blessés ont été pris en charge à l'issue du face-à-face. 

Le gouvernement s'est exprimé ce lundi. "Ce à quoi nous avons malheureusement assisté au cours des derniers jours, y compris lors du week-end, ces marches d'extrémistes de droite et de néonazis prêts à la violence, n'ont rien à voir avec le deuil d'un homme" mais cherchent "à lancer un message de haine, contre les étrangers, les responsables politiques, la police et la presse libre", a déclaré Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement. Plus tôt, la chancelière Angela Merkel avait, quant à elle, incité les Allemands à ne pas se désunir et à prendre la parole contre la potentielle division de la population. 

Le paysage politique bousculé 

Sur notre plateau, ce lundi soir, Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schumann, un think-tank pro-européen, a analysé la situation: "Il y a moins d’immigrants qui arrivent qu’en 2014 mais il y a un vrai problème autour de la question de savoir ‘ce qu’on va devenir’, autour de la perception de l’identité, de l’avenir." Elle a avancé ensuite: "On pensait l’Allemagne immunisée par cette histoire tragique entre 1933 et 1945. Et aujourd’hui, on a non seulement l’apparition de l’extrême droite mais à gauche de Die Linke, une part de la gauche radicale s’est dit qu’il ne fallait pas laisser l’extrême droite récupérer seule cette contestation." Elle faisait ici référence à la création imminente d'un mouvement intitulé Aufstehen (soit "Debout" en allemand) autour de la figure de la femme politique Sahra Wagenknecht. 

Sur notre antenne également, le journaliste de l'agence Ansa Paolo Levi a toutefois tempéré, expliquant au sujet de cette nouvelle formation: "Ce ne sont pas des anti-migrants purs et durs comme les néonazis mais c’est un parti dont l’objectif serait une immigration maîtrisée et il veut justement enlever des voix à l’AfD".

Une chose est sûre, Chemnitz se situe désormais au carrefour du débat politique et de la scène publique en Allemagne. 

Robin Verner