BFMTV
Afrique

Zimbabwe: Emmerson Mnangagwa, le "crocodile" successeur de Robert Mugabe

Emmerson Mnangagwa, le 22 novembre 2017 à Harare au quartier général de la Zanu-PF, au Zimbabwe.

Emmerson Mnangagwa, le 22 novembre 2017 à Harare au quartier général de la Zanu-PF, au Zimbabwe. - Marco Longari - AFP

Longtemps numéro deux du pays, Emmerson Mnangagwa prend ce vendredi la tête du Zimbabwe. Celui qui est surnommé "le crocodile" hérite d'un pays en quête de réformes, où 90% de la population est au chômage.

Le Zimbabwe met un point final au règne de Robert Mugabe, à la tête du pays depuis 37 ans. Son successeur Emmerson Mnangagwa, qui avait quitté le pays après son éviction du gouvernement le 6 novembre, est investi président par intérim ce vendredi lors d'une cérémonie qui se veut grandiose.

Il hérite néanmoins d'un pays ruiné et d'une population avide de réformes. Son premier défi sera de relever une économie à genoux, où 90% de la population est officiellement au chômage.

Le "crocodile"

Surnommé le "crocodile" en raison de son caractère inflexible - il expliquera un jour que ses années de guérilla lui ont appris à "détruire et tuer -, l'ancien numéro deux du régime a été nommé dimanche dernier président du parti au pouvoir, la Zanu-PF, et candidat à la présidentielle 2018. 

Il était récemment devenu indésirable aux yeux du président zimbabwéen car il barrait la route à la Première dame, l'impopulaire Grace Mugabe, avide de remplacer le moment venu son époux.

Mais l'alternance au sommet de l'Etat "ne signifie pas forcément plus de démocratie", a souligné l'analyste Rinaldo Depagne du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).

"On ne veut pas remplacer un dictateur par un autre dictateur", prévient un autre habitant de la capitale, Oscar Muponda.

Se hisser à la tête du Zimbabwe constituerait un aboutissement pour ce fidèle serviteur du régime, aux rêves de pouvoir longtemps contrariés. Né le 15 septembre 1942 dans le district de Zvishavana, dans le sud-ouest d'un Zimbabwe alors britannique, le jeune Emmerson a grandi en Zambie.

Une brutale répression d'environ 20.000 morts en 1983

Fils d'un militant anticolonialiste, il rejoint en 1966 les rangs de la guérilla indépendantiste contre le pouvoir de la minorité blanche. Arrêté, il échappe à la peine capitale et purge dix ans de prison. Emmerson Mnangagwa garde de ces années de lutte des liens très étroits avec les militaires du pays.

Dès l'indépendance du Zimbabwe en 1980, Robert Mugabe met Emmerson Mnangagwa sur orbite en lui confiant d'importants postes ministériels (Défense, Finances...). En 1983, alors chef de la Sécurité nationale, il dirige la brutale répression des forces de l'ordre dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre). Son bilan n'a jamais été confirmé, mais elle aurait fait environ 20.000 morts. 

Les organisations de défense des droits de l'Homme ont d'ailleurs immédiatement mis en garde le futur président du Zimbabwe. En 37 ans de régime Mugabe, "des dizaines de milliers de personnes ont été torturées, ont disparu et ont été tuées", a rappelé Amnesty International, appelant le pays à "renoncer aux abus du passé".

"Le prochain gouvernement devra rapidement engager des réformes de l'armée et de la police, outils de répression de Mugabe", a préconisé de son côté l'organisation Human Rights Watch (HRW).

En 2004, il est victime une première fois de son ambition. Accusé d'intriguer pour le poste de vice-président, il est retrogradé dans la hiérarchie de la Zanu-PF et sa rivale Joice Mujuru remporte la course.

Vice-président depuis 2014

En 2008, il est chargé des élections auprès du président et dirige les fraudes et les violences qui permettent à Robert Mugabe de conserver le pouvoir malgré sa défaite au premier tour.

Il n'accède finalement qu'en 2014 à la vice-présidence, lorsque Joice Mujuru est victime d'une campagne de dénigrement orchestrée, déjà, par Grace Mugabe. Son zèle lui vaudra des sanctions américaines et européennes. Mais aussi le poste stratégique de chef du Commandement des opérations de tout l'appareil sécuritaire.

Takavafira Zhou, analyste politique à l'université d'Etat de Masvingo (sud), décrit Emmerson Mnangagwa comme un "jusqu'au-boutiste par essence". Il serait aussi l'un des hommes les plus riches d'un régime critiqué pour sa corruption, avec des intérêts dans les mines d'or. 

Un "patrimoine extraordinaire" d'après Wikileaks

Un câble diplomatique américain datant de 2008, révélé par WikiLeaks, évoquait "un patrimoine extraordinaire", en partie amassé lorsqu'il a aidé le président Laurent Kabila à combattre les rebelles en République démocratique du Congo (RDC).

Le futur président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa a promis à son prédécesseur Robert Mugabe et sa famille une "sécurité totale", a rapporté vendredi le quotidien d'Etat The Herald.

Il "s'est entretenu hier (jeudi) avec le président sortant (...) et lui a assuré que lui et sa famille bénéficieraient des conditions de sécurité et de bien-être maximales", a indiqué le journal.

L.A., avec AFP