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Statu quo tendu à Abidjan après trois jours de combats

Soldats pro-Gbagbo près du palais présidentiel à Abidjan. Les combats entre les forces ivoiriennes rivales ont été moins intenses dimanche qu'au cours des trois jours précédents /Photo prise le 3 avril 2011/REUTERS/Luc Gnago

Soldats pro-Gbagbo près du palais présidentiel à Abidjan. Les combats entre les forces ivoiriennes rivales ont été moins intenses dimanche qu'au cours des trois jours précédents /Photo prise le 3 avril 2011/REUTERS/Luc Gnago - -

par Tim Cocks et Loucoumane Coulibaly ABIDJAN (Reuters) - Les forces rivales d'Alassane Ouattara et de Laurent Gbagbo ont campé sur leurs positions...

par Tim Cocks et Loucoumane Coulibaly

ABIDJAN (Reuters) - Les forces rivales d'Alassane Ouattara et de Laurent Gbagbo ont campé sur leurs positions dimanche à Abidjan, où les combats ont été moins intenses qu'au cours des trois jours précédents.

Après 72 heures de violents affrontements, correspondants de Reuters et témoins ont vu s'installer un calme relatif dans la capitale économique ivoirienne, où la tension était néanmoins entretenue par des tirs et des explosions sporadiques.

Les partisans d'Alassane Ouattara, reconnu internationalement comme le vainqueur de l'élection présidentielle du 28 novembre, cherchent à contraindre le président sortant de lui céder le pouvoir.

"Il n'y a pas eu de combats ici. Nous attendons la reprise des hostilités à tout moment et sommes prêts à nous défendre et à garder le contrôle d'Abidjan par tous les moyens", a dit à Reuters un officier pro-Gbagbo au palais présidentiel.

"Il sera difficile de prendre Abidjan, personne ne doit penser que nous abandonnerons facilement nos positions. Nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout", a-t-il ajouté.

Selon un diplomate occidental, une attaque des pro-Ouattara contre la résidence présidentielle était prévue samedi mais n'a pas eu lieu, peut-être à cause du rempart humain formé par de jeunes partisans de Gbagbo.

GBAGBO INVISIBLE

Des explosions ont retenti du côté de la radio-télévision ivoirienne (RTI), que les forces fidèles au chef de l'Etat sortant disent avoir reprise vendredi, a-t-il ajouté.

La chaîne diffuse de virulents messages hostiles à l'Onu et à la France et appelle les fidèles de Gbagbo à se joindre aux combats, mais Reporters sans frontières (RSF) juge possible que la RTI émette à partir d'une villa ou d'un camion dans Abidjan parce que ses installations centrales sont très endommagées.

"Avec la complicité des Nations unies et de la Licorne (la mission des forces françaises), les rebelles sèment la terreur dans notre pays. Notre armée va combattre les rebelles et leurs mercenaires. Patriotes! Ensemble, nous allons finalement libérer notre pays!", a lancé Charles Blé Goudé, chef de file des Jeunes patriotes et ardent partisan de Gbagbo.

On est sans nouvelles sûres du président sortant. La télévision nationale a affirmé qu'il se trouvait à sa résidence mais n'a diffusé aucune déclaration de lui.

L'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) a dit avoir transféré 200 membres de son personnel dans le nord du pays après avoir été l'objet d'attaques.

Après avoir conquis la majeure partie du pays en quelques jours, les forces de Ouattara sont arrivées jeudi soir à Abidjan où elles se sont heurtées à une vive résistance. Les troupes de Gbagbo ont pris positions autour du palais présidentiel, de sa résidence et du siège de la RTI.

Le président sortant s'appuie sur 3.000 gardes républicains, un nombre indéterminé de soldats et les Jeunes patriotes, qui ont donc formé une chaîne humaine autour du palais présidentiel et de sa résidence.

Le général Philippe Mangou, chef d'état-major de l'armée ivoirienne qui avait trouvé refuge mercredi soir avec ses proches à la résidence de l'ambassadeur sud-africain, a repris ses fonctions, a-t-on déclaré à Reuters de source militaire.

L'ONUCI MET EN CAUSE DES ÉLÉMENTS PRO-OUATTARA

Des dissensions entre un groupe rebelle qui contrôle certains secteurs d'Abidjan depuis le mois dernier et les combattants venus du Nord pourraient retarder l'assaut final, dit-on de sources proches des insurgés. L'information a toutefois été démentie.

"Ça n'a rien à voir avec ça (...) ça prend un peu plus longtemps que prévu parce qu'ils doivent consolider leurs positions", a déclaré un autre partisan de Ouattara.

Les combats ont fait plus de 1.300 morts depuis l'élection de novembre. L'Onuci a accusé samedi des chasseurs traditionnels, les Dozos, d'avoir combattu aux côtés des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) de Ouattara et pris part au massacre de 330 personnes à Duékoué, dans l'ouest du pays.

Ouattara a rejeté dimanche les accusations portées contre ses troupes et réclamé une enquête internationale. Le Comité international de la Croix-Rouge a fait état vendredi d'au moins 800 morts, parlant de "violences intercommunautaires" sans imputer le massacre à l'un ou l'autre camp.

"Cela a été exagéré", a assuré Patrick Achi, porte-parole du gouvernement mis sur pied par Ouattara, selon lequel 152 corps ont été découverts.

Paris a décidé dimanche de regrouper tous les Français d'Abidjan pour assurer leur protection et réfléchit à un rapatriement de ses 12.000 ressortissants. Dans la nuit, l'armée française a déployé 300 hommes supplémentaires pour renforcer la force Licorne, qui compte désormais 1.500 soldats.

Un éventuel rapatriement des Français de Côte d'Ivoire est une "question qui se pose et qui sera réglée dans les heures qui viennent", a déclaré le ministre de la Défense, Gérard Longuet. Dans l'immédiat, environ 170 personnes ont été acheminées au Sénégal ou au Togo.

Les 12.000 Français disposent d'un "point d'appui" au camp militaire français de Port-Bouët, près de l'aéroport d'Abidjan où plus de 1.600 personnes, dont des Français et des ressortissants libanais, sont déjà réfugiées.

Avec Gérard Bon à Paris, Jean-Stéphane Brosse, Philippe Bas-Rabérin et Jean-Philippe Lefief pour le service français