BFMTV
Afrique

Quatre militaires jugés pour un meurtre en Côte d'Ivoire

BFMTV
par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Le procès de quatre militaires français poursuivis pour le meurtre en Côte d'Ivoire en 2005 d'un présumé...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le procès de quatre militaires français poursuivis pour le meurtre en Côte d'Ivoire en 2005 d'un présumé bandit de grand chemin s'est ouvert mardi à la cour d'assises de Paris.

C'est la première fois depuis la guerre d'Algérie que l'armée française fait face à de telles accusations.

Le général Henri Poncet, ancien commandant de la force de paix Licorne en Côte d'Ivoire, avait été mis en examen dans ce dossier avant de bénéficier d'un non-lieu. Il viendra déposer comme témoin devant la cour le 4 décembre.

Trois des quatre militaires, le colonel Eric Burgaud, l'adjudant-chef Guy Raugel et le brigadier-chef Johannes Schnier, encourent jusqu'à 30 ans de réclusion devant le tribunal aux armées, compétent pour juger en temps de paix les infractions commises par des militaires à l'étranger.

Ils sont accusés d'avoir tué le 13 mai 2005 Firmin Mahé, présenté comme un criminel ou "coupeur de route" brutal. Eric Burgaud aurait donné l'ordre de tuer, l'adjudant Raugel l'aurait exécuté avec l'aide du brigadier-chef Schnier. Le brigadier Lianrifou ben Youssouf est prévenu du délit "d'omission d'empêcher un crime", passible de cinq ans de prison.

La famille de Firmin Mahé, convoquée pour témoigner, est restée bloquée en Côte d'Ivoire faute de visa.

Une association de soutien au colonel Burgaud s'est exprimée à l'ouverture du procès, laissant entendre que l'accusé maintiendrait ses déclarations selon lesquelles le général Poncet aurait donné l'ordre de laisser mourir Firmin Mahé de ses blessures.

"L'opinion peut s'interroger quant au renvoi au droit pénal pour un fait de guerre, sur la réalité de l'intention criminelle dans le meurtre de Firmin Mahé, sur la chronologie exacte des faits de la journée du 13 mai 2005, et sur la chaîne de commandement sachant que deux officiers manquent et que le général Ponce a bénéficié d'un non-lieu en juillet 2010", lit-on dans ce communiqué.

PONCET BLANCHI

Blessé par balle puis capturé, Firmin Mahé avait été embarqué dans un blindé par des militaires français dans le nord de la Côte d'Ivoire, où les troupes françaises étaient stationnées depuis 2002 dans le cadre d'un mandat de l'Onu.

Il aurait été molesté et le colonel Burgaud aurait ordonné à ses hommes de le mettre à mort. L'adjudant-chef Guy Raugel a admis avoir exécuté cet ordre en étouffant Firmin Mahé avec un sac-poubelle avec l'aide du brigadier-chef Schnier.

Le colonel Burgaud aurait ensuite dissimulé l'épisode par des comptes rendus inexacts, expliquant que Firmin Mahé avait été tué en légitime défense. Il nie ces accusations.

Il affirme avoir seulement demandé qu'on laisse mourir l'homme de ses blessures et a accusé lors de l'instruction le général Poncet de lui avoir implicitement demandé cette méthode en suggérant de "rouler doucement". Cette version a été jugée mensongère par l'instruction, qui a blanchi le général.

Les faits ont finalement été révélés par des militaires embarrassés et l'état-major a saisi la justice.

Le colonel Burgaud, 50 ans, est un militaire à la carrière jusque-là irréprochable. Les psychologues jugent qu'il a agi par révolte envers les exactions des "coupeurs de route".

L'instruction a en outre mis au jour des rivalités et inimitiés entre généraux et officiers et jeté un jour cru sur le quotidien de l'action de la mission Licorne.

Le colonel Burgaud a été accusé par des témoins d'avoir encouragé ses troupes à ouvrir le feu en premier sur les "coupeurs de route", sans être nécessairement en situation de légitime défense, une procédure interdite. Il aurait aussi été procédé à des détentions illégales et des fouilles interdites.

Ce comportement a été jugé problématique par l'instruction au regard du mandat de la force Licorne, censée "restaurer un climat de paix et de confiance.

Cette force française a contribué en 2011 à installer Alassane Ouattara au pouvoir, après le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire électorale de son rival lors du scrutin présidentiel organisé il y a deux ans.

Thierry Lévêque, édité par Gilles Trequesser