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Niger: comment va s'organiser l'évacuation des troupes françaises?

Des soldats français du 2e Régiment Etranger de Parachutistes (2eREP) et des soldats nigériens se préparent à une mission sur la base aérienne française BAP, à Niamey, le 14 mai 2023.

Des soldats français du 2e Régiment Etranger de Parachutistes (2eREP) et des soldats nigériens se préparent à une mission sur la base aérienne française BAP, à Niamey, le 14 mai 2023. - ALAIN JOCARD / AFP

L'état-major des armées prépare "plusieurs options" pour rapatrier les 1500 soldats, répartis dans trois bases au Niger, ainsi que toute la flotte matérielle. La junte souhaite quant à elle un "cadre négocié".

Une opération qui représente un réel défi logistique et sécuritaire pour Paris: rapatrier du Niger 1500 soldats et une flotte de matériel en seulement trois mois. Ce à quoi s'est engagé Emmanuel Macron ce dimanche, cédant aux revendications des putschistes, hostiles à la France, qui ont pris le pouvoir le 26 juillet dernier.

Le Niger représente "10 ans de vie opérationnelle dans le Sahel, et forcément, ça va prendre un peu de temps, parce que ce n'est pas un déménagement qui se fait comme ça en seulement quelques instants", a déclaré lundi sur LCI le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu.

Le pays d'Afrique de l'Ouest était devenu le cœur des opérations antijihadistes dans la région après le retrait forcé des troupes françaises du Mali et du Burkina Faso entre 2022 et 2023. Avant de conclure ce partenariat de combat avec les forces nigériennes, Niamey servait déjà depuis 2013 de plateforme de transit pour les opérations menées au Mali.

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Trois bases à évacuer

Trois bases, situées au sud-ouest du pays, devront être évacuées: la principale située à Niamey, au sein même d'une base nigérienne, et les deux postes avancés à Ouallam et Ayorou, un peu plus au nord. Les soldats français y opéraient en appui des forces nigériennes près de la zone dite des Trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où sont implantés les groupes jihadistes.

Aucune étape de retrait n'a pour le moment été officiellement détaillée.

"Un calendrier de désengagement est actuellement en train d’être construit par l’état-major des armées pour que ça se fasse en bon ordre et en sécurité", a affirmé Sébastien Lecornu, toujours sur LCI.

L'état-major prépare "plusieurs options", a étayé le porte-parole Pierre Gaudillière.

"Les 200 soldats stationnés à Ouallam vont dans un premier temps rejoindre la base aérienne proche de Niamey, centre du déploiement français", a toutefois expliqué Franck Alexandre, journaliste spécialiste des questions de défense sur RFI au HuffPost. "Il sera ensuite relativement aisé de sortir les troupes grâce à un pont aérien".

Aucun mouvement particulier ne laissant supposer un départ de l'ambassadeur Sylvain Itté n'a été observé depuis dimanche soir autour de l'ambassade à Niamey alors que le président de la République avait évoqué un départ dans les heures suivant son annonce.

Des avions de chasse, des hangars, des drones

Outre les forces humaines, se pose aussi la question du matériel. Soit des drones, des avions de chasse, des blindés, des hélicoptères, des camions de pompier, ou encore des centaines de préfabriqués qui font office de bureaux, du matériel informatique, des hangars, des abris modulaires pour les aéronefs, des tentes sur la base de vie...

"Le matériel devrait être évacué à la fois par voie aérienne, et par voie terrestre, via le Bénin ou le Tchad", a détaillé le ministère des Armées Sébastien Lecornu selon des propos rapportés par TF1.
Une manifestation contre la présence de la France au Niger le 2 septembre 2023 à Niamey
Une manifestation contre la présence de la France au Niger le 2 septembre 2023 à Niamey © - © 2019 AFP

La majeure partie des équipements, mais aussi des hommes, devrait transiter par Cotonou, au sud du Bénin, ce qui pose la question de la sécurisation de l'acheminement terrestre jusqu'au nord de ce pays. Une autre partie pourrait être aérotransportée, par des avions militaires ou des affréteurs privés, selon des sources concordantes.

Les destinations ne sont pas encore arrêtées et plusieurs options sont évoquées par ces sources: le territoire national, le Tchad voisin qui accueille l'état-major des forces françaises au Sahel, ou encore d'autres théâtres où sévissent les jihadistes, comme la Côte d'Ivoire voire plus loin, au Moyen-Orient.

RFI souligne toutefois qu'il n'est pas prévu de "redéployer du matériel dans d'autres bases militaires françaises en Afrique" et que ces convois "rejoindront ensuite la France par bateau".

L'espace aérien du Niger fermé aux "avions français"

Si le porte-parole de l'état-major assure que "les manœuvres seront coordonnées" avec le Niger, reste à savoir si les militaires nigériens au pouvoir faciliteront la tâche aux Français.

Pour l'instant, rien n'est gagné: les putschistes ont interdit l'espace aérien du Niger aux "avions français" selon un message aux navigants aériens consulté sur le site de l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique (Asecna).

L'espace aérien du pays "est ouvert à tous les vols commerciaux nationaux et internationaux à l'exception des avions français ou des avions affrétés par la France, dont ceux de la flotte d'Air France", précise un texte daté de samedi soir. Il reste fermé pour "tous les vols militaires opérationnels et vols spéciaux", sauf autorisation spéciale des autorités.

"Il va aussi falloir que la junte nigérienne s'abstienne de toute forme de provocation et s'assure de la sécurité de cette manœuvre", a souligné Sébastien Lecornu.

Le régime militaire issu du coup d'État au Niger a indiqué dans la nuit de lundi à mardi vouloir établir un "calendrier" dans un "cadre négocié" et "d'un commun accord pour une meilleure efficacité".

Au Mali, il avait fallu six mois pour achever le retrait des 5000 soldats. Un départ qui avait laissé un goût amer: des bases avaient très rapidement été occupées par les paramilitaires russes de Wagner.

Par Juliette Brossault avec AFP