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Libye

"Je n'ai la force de rien": le témoignage de Pato, dont la famille est morte abandonnée dans le désert libyen

Photo des deux femmes mortes de soif dans le désert de Libye en juillet 2023.

Photo des deux femmes mortes de soif dans le désert de Libye en juillet 2023. - Refugees in Libya

Fati Dosso et sa fille Marie, jeune de six ans, ont été retrouvées mortes de soif à la frontière entre la Tunisie et la Libye. Le père de famille témoigne.

Elles sont mortes dans l'indifférence totale. Fati Dosso et sa fille Marie, jeune de six ans, ont été retrouvées mortes de soif non loin de la frontière entre la Tunisie et la Libye. Les deux migrantes ont erré dans le désert jusqu'à mourir de soif après avoir été expulsées.

Une terrible photo de leurs corps sans vie a fait le tour du monde. Un cliché pris par un garde-frontière qui a terminé en Une de l'Osservatore Romano. Leur mari et père Pato, dévasté, témoigne auprès du Parisien.

La petite famille a plusieurs fois tenté de traverser la Méditerrannée dans l'espoir de trouver une vie meilleure en Europe. En tout, ils ont tenté cinq fois de se rendre sur le Vieux Continent. "On voulait y assurer une éducation pour notre enfant", raconte le veuf. Autre objectif, tenir leur jeune fille éloignée de la Côte d'Ivoire d'où est originaire la mère. "Elle craignait que Marie ne soit excisée, comme elle", raconte le père au quotidien francilien.

Après avoir perdu tout leur argent aux mains des passeurs, la famille cherche à rejoindre la Tunisie à pied, en juillet, "sous un soleil ardent". Une fois arrivés à Ben-Gardane, ils sont interceptés par la police, "frappés et dépouillés". Le tout avant d'être renvoyés vers le désert, totalement démunis.

"On nous a dit: 'Marchez tout droit, vers la Libye et ne revenez plus en Tunisie, c’est vous qui mettez le désordre !' À l’horizon, on voyait des antennes, alors on est allés vers elle", témoigne-t-il.

"On en était réduits à boire notre urine"

Sans le nécessaire à la traversée du désert, la famille s'est rapidement retrouvée déshydratée: "Nous n’avions plus d’eau, on en était réduit à boire notre urine". Épuisé par la chaleur, le père a dû se séparer de sa famille qui a continué la route sans lui. Alors qu'elles poursuivaient leur marche seules, lui est resté planté dans le sable brûlant.

Ce sont finalement deux Soudanais qu'ils l'ont trouvé, lui ont donné à boire et l'ont accompagné vers la ville de Zouara. Le père pensait y retrouver femme et enfant, "mais il n'y avait personne". Après quelques recherches, c'est finalement à travers une publication Facebook qu'il apprendra la terrible nouvelle. Il s'agissait de la photo.

Un cliché terrible qu'il a tout de suite reconnu. "Comment a-t-on pu en arriver là? Une bouteille d'eau aurait pu sauver ma fille!", dénonce-t-il. Depuis, la vie du trentenaire semble brisée. "Je n'ai la force de rien, sauf peut-être de me suicider", a-t-il lâché au Parisien. Il sera reçu pour une consultation psychologique de Médecins sans frontières dimanche.

Tom Kerkour