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Kenya: "Des hommes prêts à mourir, qui refusent de négocier"

Des hommes évacuent une jeune femme victime des Shebabs à Nairobi, au Kenya.

Des hommes évacuent une jeune femme victime des Shebabs à Nairobi, au Kenya. - -

La prise d'otages sanglante en cours depuis samedi dans la capitale du Kenya a été revendiquée par les Shebabs, des Somaliens qui refusent de négocier mais veulent faire parler d'eux. Décryptage.

La prise d'otages et l'exécution de victimes, sans distinction de nationalité, dans un centre commercial luxueux de Nairobi, n'a toujours pas pris fin. L'attaque a été revendiqué par une mouvance somalienne proche d'al-Qaïda, les Shebabs.

Philippe Hugon, directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques, et spécialiste de l'Afrique, décrypte pour BFMTV.com les enjeux de cette attaque sans précédent.

Pourquoi les Shebabs s'en prennent-ils si violemment au Kenya?

Les Shebabs sont un groupe de jeunes Somaliens liés à al-Qaïda qui faisaient partie auparavant des tribunaux islamiques, qui prônent la charia. Ils contrôlent une grande partie de la Somalie, sauf la capitale, Mogadiscio. Ils s'en prennent au Kenya car ce pays a déployé des forces militaires en Somalie pour aider le gouvernement à lutter contre eux. Cette fois-ci, ils ont frappé au coeur en touchant au tourisme, force vitale du Kenya. Par ailleurs, le Kenya est le leader de l'Afrique orientale, allié de plusieurs pays occidentaux. On s'en prend à un symbole.

Comment ont-ils pu monter une opération d'une telle ampleur?

Au-delà de son caractère odieux, cet assaut mené par une quinzaine de personnes armées n'est pas très difficile à mener, à la condition qu'elles soient suicidaires. Ces hommes sont prêts à mourir, et c'est très troublant pour négocier, d'où leur puissance de nuisance. En face d'eux, les militaires savent qu'ils risquent leur vie, mais ils n'ont pas cette idée de l'au-delà religieux venant récompenser leur sacrifice.

Que veulent les Shebabs?

Les guerres se gagnent beaucoup par les médias. Les Shebabs, par cette opération, veulent faire parler d'eux et toucher le Kenya. Ce sont des hommes avec qui on ne négocie pas, contrairement aux partis modérés des tribunaux islamiques, dont ils sont issus. Mais je ne pense pas que le Kenya recule en Somalie pour autant, et remette en cause son engagement militaire. C'est un soutien fidèle.

Pourquoi les forces israéliennes sont-elles là?

Dans la lutte armée contre les Shebabs, il y a la volonté d'assurer la sécurité des eaux infestées de pirates somaliens, liés aux Shebabs, mais aussi de combattre al-Qaïda. Et Israël fait partie de ce jeu de lutte contre le jihadisme. Il était logique qu'il envoie en renfort ses forces spéciales, sachant que d'autres pays, comme la France, qui a des forces spéciales très performantes également, ne sont pas très présents dans la région.

Les Shebabs ont revendiqué l'opération sur Twitter... Etonnant?

Il faut toujours être très prudent pour savoir qui se cache derrière un compte Twitter, mais ce n'est pas étonnant que des nouvelles technologies soient utilisées par des jihadistes. En outre, la Somalie est un des pays d'Afrique où les nouvelles technologies se développent le plus rapidement, notamment chez les jeunes.

Alexandra Gonzalez