BFMTV
Afrique

Kenya: de nouveaux corps de membres d'une secte exhumés, le bilan passe à 95 morts

Une fosse commune dans la forêt de Shakahola au Kenya, le 25 avril 2023.

Une fosse commune dans la forêt de Shakahola au Kenya, le 25 avril 2023. - Yasuyoshi Chiba

Les autorités kenyannes ont repris les recherches dans la forêt de Shakahola, à l'est du pays, ainsi que les exhumations de membres d'une secte prônant un jeûne extrême pour "rencontrer Jésus".

Cinq nouveaux corps ont été exhumés mercredi dans la forêt de Shakahola, dans l'est du Kenya, portant à 95 le nombre de morts au sein d'une secte qui prônait un jeûne extrême pour "rencontrer Jésus".

Après avoir annoncé mardi soir une pause dans les recherches de fosses communes pour mener des autopsies et désengorger les morgues, les autorités ont repris les fouilles mercredi matin.

"Nous avons eu cinq exhumations, ce qui porte le nombre total de personnes qui ont perdu la vie à 95", a déclaré la préfète de la région Rhoda Onyancha.

Depuis le début des recherches, 39 personnes ont par ailleurs été récupérées vivantes dans cette vaste zone de "bush" de 325 hectares et 22 sont en prison, a-t-elle précisé.

Le leader de la secte placé en détention

Paul Mackenzie Nthenge, le "pasteur" autoproclamé de ce groupe appelé Eglise Internationale de Bonne Nouvelle (Good News International Church), est en détention après s'être rendu à la police le 14 avril, lors des premières opérations policières dans la forêt.

La révélation de ce qui est désormais appelé "le massacre de la forêt de Shakahola" a suscité la stupeur au Kenya et suscité de nombreux appels à la répression vis-à-vis des sectes dans ce pays à majorité chrétienne.

Les familles de membres de la secte ont afflué à la morgue de l'hôpital de la ville de Malindi pour connaître le sort de leurs proches. Parmi eux, Issa Ali attend, sans grand espoir, de savoir si sa mère se trouve parmi les corps découverts. Adepte de la secte, elle l'avait emmené dans la forêt de Shakahola en 2020, avant que son père ne le sorte l'an dernier.

"La dernière fois que j'ai vu ma mère c'était en février. Elle était tellement faible", explique le jeune homme de 16 ans.

Plusieurs centaines de personnes déclarées disparues

Hassan Musa, un responsable de la Croix-Rouge kényane, a indiqué que 311 personnes, "dont 150 mineurs", ont été déclarés disparues auprès de l'organisation à Malindi.

"Il s'agit de personnes principalement originaires du Kenya, mais aussi de Tanzanie et du Nigeria. Certaines sont portées disparues depuis des années", a-t-il détaillé.

Les enquêteurs découvrent chaque jours avec horreur l'ampleur de ce "massacre", dans lequel figurent une majorité d'enfants, ont confié trois sources proches de l'enquête.

Selon Hussein Khalid, directeur de l'ONG Haki Africa qui a alerté la police sur les activités de Paul Mackenzie Nthenge, le "pasteur" avait préconisé d'affamer les enfants en premier, puis les femmes et enfin les hommes avant la fin du monde qui devait venir en juin. Selon lui, entre 50 et 60% des corps retrouvés sont des enfants, retrouvés enveloppés dans des tissus de coton dans des fosses peu profondes.

"Nous ne savons pas combien de fosses communes, combien de corps, nous pourrons trouver", a déclaré mardi le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki, ajoutant que les crimes commis étaient suffisamment graves pour justifier des poursuites pour terrorisme contre Paul Mackenzie Nthenge.

Le "pasteur" connu depuis longtemps des autorités

Le président kényan William Ruto a promis de prendre des mesures contre les pasteurs autoproclamés tels que Paul Mackenzie Nthenge "qui veulent utiliser la religion pour promouvoir des idéologies louches et inacceptables".

Cette affaire suscite également de nombreuses interrogations sur des failles des autorités policières et judiciaires, qui connaissaient le "pasteur" depuis plusieurs années.

Il avait été arrêté une première fois en 2017, accusé de "radicalisation" parce qu'il prônait de ne pas scolariser les enfants, affirmant que l'éducation n'était pas reconnue dans la Bible.

Il avait de nouveau été arrêté le mois dernier, après la mort de deux enfants affamés par leurs parents liés à la secte. Il avait rejeté les accusations et avait été libéré contre une caution de 100.000 shillings kényans (environ 670 euros). A nouveau en prison depuis le 14 avril, il a comparu devant un tribunal le lendemain. Il doit à nouveau être entendu le 2 mai.

H.G. avec AFP