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Egypte

Les disparitions forcées, arme de la répression en Egypte

François Hollande est en visite Egypte où le pouvoir est accusé de museler l'opposition. Et où parfois, l'enlèvement, peut devenir un arme de répression. BFMTV a rencontré des victimes de disparitions forcées.

Frères musulmans, activistes ou simples citoyens; une ONG égyptienne recense trois disparitions forcées par jour en Egypte. Et certains ne réapparaissent jamais.

Des mères de disparus ont interpellé dimanche François Hollande devant l'ambassade de France au Caire. Bravant l'interdiction de manifester, elles demandaient pancarte à la main, où étaient leurs enfants.

"On demande au Président français qu'il parle au autorités égyptiennes, qu'il évoque cette situation. Il faut régler ce type de problème. Il y a un impact sur Egypte et monde entier, c'est ça qui fait naître le terrorisme", souligne Ibrahim Metwaly, porte-parole de l’Union des familles de disparus.

"Les officiers ont droit de vous frapper"

Nour a été victime de l'une de ces disparitions forcées. A deux reprises, il a été arrêté abusivement par la police, détenu en secret et torturé.

"Au commissariat, il y a ce qu'on appelle 'la fête de bienvenue' pour chaque nouvel arrivant. En gros, tous les officiers ont droit de vous frapper autant qu'ils le veulent. A ce moment-là ma famille ne sait absolument rien, elle ne sait pas pourquoi je suis arrêté et où je suis. Les policiers cachent volontairement l'endroit où vous êtes détenu", raconte l'étudiant en droit.

Son tort était d'avoir participé à une manifestation interdite. Son frère a lui aussi disparu aux mains des forces de sécurité, pendant 122 jours. Il est aujourd'hui en prison sans raison et sans motif.

"Il est très très maigre, son état empire de jour en jour, je ne sais pas combien de temps il va encore pouvoir survivre. Le droit à la liberté, le doit à une vie décente, le droit de vivre simplement, c'est inexistant dans ce pays", dénonce Nour.

Hollande a évoqué les droits de l'homme

Quelques jours avant la visite de François Hollande en Egypte, la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), Amnesty international et Human Rights Watch (HRW) avaient dénoncé le "silence assourdissant" de la France sur la "gravité de la répression contre la société civile, au prix d'une augmentation vertigineuse de la pratique de la torture, des incarcérations abusives, des disparitions forcées et des violences".

"Se détourner de la question des droits humains en Egypte sous prétexte d'intérêts stratégiques et militaires pourrait faire porter" à la France "une lourde responsabilité", assénaient ces ONG.

Le Président français a assuré lundi son homologue égyptien Abdel Fattah Al-Sissi de sa volonté de renforcer les relations économiques entre la France et l'Egypte, pays-clé dans la résolution des crises régionales selon lui. Il a aussi abordé la question des droits de l'homme qui a jeté un froid dimanche au cours d'une conférence de presse commune des deux dirigeants.

Pour justifier un régime particulièrement dur, le maréchal al-Sissi prétexte la lutte contre le terrorisme. François Hollande a déclaré devant un chef de l'Etat égyptien visiblement très contrarié que les droits de l'Homme étaient "aussi une façon de lutter contre le terrorisme".

Hollande fournira une liste de noms à Sissi

"Nous avons évoqué avec le président Sissi les droits de l'homme, y compris les sujets les plus sensibles", comme les cas "du Français Eric Lang et de l'Italien Giulio Regeni", a assuré François Hollande, invoquant la nécessaire "liberté de la presse et la liberté d'expression".

Eric Lang est un Français arrêté en 2013 au Caire par la police et battu à mort dans sa cellule, "par des co-détenus" selon le parquet général du Caire. Giulio Regeni est un étudiant italien enlevé dans la capitale égyptienne le 25 janvier et retrouvé mort neuf jours plus tard dans un fossé, le corps portant les stigmates d'épouvantables tortures. La presse italienne et des diplomates assurent qu'il a été tué par des membres de services de sécurité, ce que l'Egypte nie avec véhémence.

L'entourage du Président a indiqué à BFMTV qu'il allait remettre à Abdel Fattah Al-Sissi une liste d'une quinzaine de cas de violations présumées des droits de l'Homme avant le dîner d'Etat lundi soir.

K. L. avec Jenna Lebras, Guillaume Couderc et Aurélie Gomez