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Egypte: qui sont les militants "pro-Morsi"?

Des chars stationnés place Tahrir au Caire, dimanche 18 août.

Des chars stationnés place Tahrir au Caire, dimanche 18 août. - -

Les pro-Morsi, qui demandent le retour au pouvoir de l'ancien président déchu par l'armée, ne sont pas tous des partisans des Frères musulmans. Ils souhaitent avant tout le "retour à la légalité".

Les heurts continuent en Egypte. Ce lundi, 24 policiers ont été tués dans la région du Sinaï alors qu'une partie de la population demande toujours le retour au pouvoir du président déchu, Mohamed Morsi. Ce mardi, le chef des Frères musulmans, Mohamed Badie, a été arrêté.

Qui sont ces militants pro-Morsi? Pourquoi s’opposent-ils à l’armée égyptienne? Pourquoi cette dernière les qualifie-t-elle de "terroristes"? BFMTV.com fait le point sur ce conflit qui a fait plus de 578 morts mercredi 14 août.

> Qui sont les pro-Morsi?

"On considère généralement que c'est dans la petite et moyenne bourgeoisie égyptienne que les partisans de Mohamed Morsi sont le plus solidement ancrés", estime François Burgat, chercheur à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman.

Il ajoute que les soutiens de l’ancien président destitué par l’armée ont eu tendance à se réduire aux "partisans" des Frères Musulmans, en raison d’un exercice du pouvoir qui s’est révélé "éprouvant".

Mais les soutiens de Mohamed Morsi ne sont pas les seuls à s’opposer à l’autorité de la présidence intérimaire du pays. "Il y aussi des gens qui pensent qu’un coup d’Etat militaire est répréhensible", ajoute Marc-Etienne Lavergne, directeur de recherche au CNRS. Selon lui, l’opposition ne se limite pas aux seuls Frères musulmans. "Il y a même parmi eux des Egyptiens qui ont permis [la reprise du pouvoir par les militaires] et qui s’en mordent les doigts aujourd’hui".

> Que demandent les "pro-Morsi"?

"Les revendications sont très diverses, mais les opposants au pouvoir en place demandent avant tout le retour à la légalité", estime Marc-Etienne Lavergne. "Au départ, ils le souhaitaient pour le principe. Maintenant que les militaires ont les mains couvertes de sang, ils le font aussi parce que ces violences leurs rappellent de mauvais souvenirs."

Leur soutien n’est donc pas, en grande majorité, inconditionnel: "Il y a une grande marge entre ceux qui se disent pro-Morsi et ceux qui descendent dans la rue pour des actes militants plus engagés", estime le chercheur.

La composante religieuse n’est pas au centre des débats. Selon François Burgat, il s’agit d’un conflit politique entre ceux qui ont perdu le pouvoir (les Frères musulmans, ndlr) et ceux qui "viennent de le reconquérir (l’armée, ndlr) en instrumentalisant un mécontentement populaire qu'ils avaient en réalité largement contribué à développer".

Ainsi, les Egyptiens qui soutiennent les Frères musulmans souhaitent, au même titre que le reste de la population, obtenir des solutions pratiques à leurs problèmes: "Les gens ont faim, ils veulent en finir avec la corruption, ils veulent trouver du travail, obtenir un meilleur partage des richesses…", estime Marc-Etienne Lavergne.

> Sont-ils majoritaires?

Même si nous avons déjà souligné que l’opposition au pouvoir intérimaire ne correspondait pas aux seuls Frères musulmans, il est important de noter le poids électoral de ce mouvement.

"Ils ont eu 50 % des suffrages à l’Assemblée du peuple et je pense que la majorité silencieuse les soutient", estime Marc-Etienne Lavergne. Selon lui, seuls 30% des Egyptiens sont favorables à l'action de l’armée. "Les Frères musulmans sont majoritaires, même s'ils sont dans une situation de déclin structurel."

> Pourquoi le pouvoir les qualifie de "terroristes"?

Selon Marc-Etienne Lavergne, les déclarations du pouvoir égyptien, qui qualifie les opposants de "terroristes", sont avant tout destinées au reste du monde. Il s’agit de s’attirer "les bonnes grâces" de l’Occident et de justifier la violence employée contre les manifestants.

Selon le chercheur, ces déclarations, reprises par certains Egyptiens qui soutiennent l'armée, démontrent leur "peur": "Cela illustre une méconnaissance réciproque entre la minorité des Egyptiens riches et l’immense majorité des Egyptiens pauvres [qui s'opposent à la destitution de Morsi]".

M.K.