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EDITO - Procès des dirigeants assassins: pourquoi toujours des Africains?

Fatou Bensouda, procureure en chef de la CPI (àa gauche) et Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda (à droite).

Fatou Bensouda, procureure en chef de la CPI (àa gauche) et Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda (à droite). - -

Au NewYorkForum Africa (Libreville, Gabon, 14-16 juin) a eu lieu une petite passe d'armes verbale entre la procureure en chef de la CPI, et la Ministre des Affaires étrangères rwandaise. LA CPI est-elle une instance qui pratique le ''colonialisme judiciaire''? Est-elle politisée?

LA CPI est-elle une instance qui pratique le ''colonialisme judiciaire''? Est-elle politisée? 

Si la question est brûlante, c'est parce qu'à la Haye, un certain Laurent Gbagbo attend son jugement, ou plutôt il attend une inculpation définitive. Dans le contexte ivoirien, cela veut dire: si condamné, les Gbagbistes protesteront mais ne seront pas trop violents, si acquitté Gbagbo rentrera en Côte d'Ivoire les anciens ennemis pourraient s'adonner à la violence.

Donc les actions de la CPI auront un impact majeur, des vies sont en jeu. Par conséquent, la sacralité de la Cour devient primordiale; sa décision doit être au dessus de tout soupçon.

Instrument néocolonial

Fatou Bensouda est donc venue à ce Forum à Libreville défendre l'honneur de sa profession, avec une demi-douzaine de chefs d'États africains sur les lieux (ils n'ont pas assisté à la séance droit international, ètant en conclave dans une autre salle). Sa ligne rhétorique: les conditions de saisine de la Cour sont certes un processus Politique car les saisines émanent des gouvernements, en revanche l'instruction et le procès sont un processus judiciaire pur.

En outre, la procédure de la CPI, définie par le statut de Rome, est un mélange d'instruction à charge et à décharge de l'inculpé, et puis le procès est dans le style anglo-américain. L'accusé se voit défendu avec toutes les garanties possibles. les éléments de preuve sont le fruit des agents CPI qui enquêtent sur le terrain!

Alors lorsque des chefs d'État africains, et même l'Union africaine, dénonce la CPI comme un instrument néocolonial, comme ce qu'ils ont fait en mai à Addis Abeba, Madama Fatou Bensouda bondit d'indignation.

Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, le lui a dit en face, à sa "sœur" Fatou comme elle dit. "L'Afrique a un problème avec la CPI, nous n'acceptons pas le colonialisme judiciaire." Cela signifie: trop de gouvernants africains inculpés, cela incommode... les gouvernants africains.

Les États africains ont saisi la CPI

La procureure a tonné sa réplique: la CPI n'agit que si elle est saisie par les États [122 États signataires du statut de Rome] ou encore par le Conseil de Sécurité de l'ONU, uniquement. Motif de saisine: crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide. Les États saisissent par rapport à des crimes commis par X, c'est la Cour qui décide quels individus inculper à la suite de leurs enquêtes.

Les États africains ont donc saisi la CPI, mais s'effraient aujourd'hui lorsque la Cour fonctionne! Fatou Bensouda nous promet quelques surprises une évidence: des inculpés sont à venir en Colombie et en Géorgie, notamment. Et aussi en Côte d'Ivoire, du côté des forces opposées à Gbagbo. Le chimérique colonialisme de la CPI sera bientôt une bonne blague.

Harold Hyman