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EDITO - Être le sauveur de l'Afrique ne s'improvise pas

Des soldats tchadiens de la force pan-africaine, la Misca, le 19 décembre 2013 à Bangui, en Centrafrique

Des soldats tchadiens de la force pan-africaine, la Misca, le 19 décembre 2013 à Bangui, en Centrafrique - -

Soldats magnifiques lors de l'opération Serval au Mali, les Tchadiens de la Misca se révèlent pourtant violents envers les chrétiens de Bangui en Centrafrique.

Les militaires tchadiens ont été de grands guerriers dans l'Opération Serval. On ne peut pas en dire autant en Centrafrique, où les 610 Tchadiens de la force pan-africaine, la Misca, semblent pencher ouvertement en faveur de la Séléka, cette force hétéroclite qui a porté Michel Djotodia au pouvoir. (Avant le 19 décembre, la Misca s'appelait sur le terrain Fomac, force de la communauté d'Afrique centrale).

La Misca force imprécise

Le maintien de la paix n'est pas une tâche facile. La force africaine en Centrafrique, la Misca est bien imprécise. Elle comporte 3.160 soldats, ventilés ainsi:La Misca comporte 3.160 soldats, ventilés ainsi:

- Burundi: 850

- Tchad: 610

- Cameroun: 500

- Congo-Brazzaville: 500

- Gabon: 500

- Guinée équatoriale: 200

Tous ces soldats relèvent d'États de cette Afrique centrale, or voici que depuis des jours, les reporters sur le terrain, dont ceux de BFMTV, rapportent tous le phénomène suivant: la brutalité des Misca tchadiens envers les chrétiens de Bangui. Aujourd'hui, la situation est plus violente encore: les militaires tchadiens de la MISCA refusant de laisser des Sélékas se faire désarmer par des MISCA burundais, tchadiens et burundais ont échangé des tirs! Très grave.

Le facteur confessionnel

On est loin des magnifiques tchadiens du Mali: ceux-là couraient au devant des balles d'Al Qaïda dans la vallée de l'Ametetaï dans l'Adrar des Ifoghas au Mali. Mais voici que le facteur confessionnel ne cesse d'enfler en RCA: les Séléka, Michel Djotodia, les Tchadiens, tout ce monde est musulman, c'est-à-dire d'ethnies du nord de la RCA, souvent à cheval sur la frontière du Tchad justement.

Et puis partout dans cette bande au Sud du Sahel, les Peuls, commerçants le plus souvent, sont une présence musulmane qui peut facilement être prise pour cible et qui cherchera des protecteurs naturels. Les 1.600 Sangaris n'y parviendront pas, c'est à peine ce qu'il y a de policiers sur la rive gauche de Paris un dimanche.

Autre anomalie centrafricaine: les chrétiens sont tout aussi animistes qu'autre chose. Donc la structuration confessionnelle de la guerre civile est imprécise, et sur ce point les musulmans sont plus faciles à décrypter. Ils ont des alliés possibles dans le Golfe, au Sahel, au Tchad, et auprès d'Al Qaïda si vraiment ils cherchent bien mais pour l'heure ils ne veulent pas chercher. Les chrétiens-animistes, par contre, amalgamés dans de pitoyables bandes d'Anti-balakas, encadrés par quelques survivants des Forces armées centrafricaines d'autrefois, ne peuvent appeler personne de particulier, et me semblent bien incapables de penser leur soulèvement à échelle continentale.

Encore que du côté de la RDC, de l'autre côté du fleuve frontière de l'Oubangui, ils semblent avoir quelques alliés locaux. Cela s'est déjà vu dans le passé: des milices de RDC louées à une faction centrafricaine. Il suffirait de payer, ou encore de laisser piller (s'il reste quelque chose à piller en RCA!).

Champs de pétrole en Centrafrique

Trouver sa récompense. Toujours est-il que les décideurs français peuvent trouver un avantage dans la confusion: les soldats français sont les seuls alliés objectifs des anti-balakas. C'est sans doute ces derniers qui viennent aux Français d'eux-mêmes. Les Sélékas, eux, savent qu'ils peuvent compter sur les alliés déjà décrits pour se renforcer. Et de moins en moins sur les Français.

Il y a de gros dangers dans tout cela. Idriss Déby et François Hollande, qui se parlent rationnellement mais non pas passionnément, pourraient en théorie lancer un vaste effort bilatérial de pacification. Mais en Afrique de tels efforts appellent des récompenses par après. Et en Centrafrique, eh oui, il y a des champs de pétrole inexploités à cheval sur la frontière tchadienne.

Sans doute que le mieux serait de laisser ces hydrocarbures dormir et se concentrer sur la fin de la guerre civile, cela au moins sauverait des vies. Pour l'heure, c'est ce que tente le gouvernement français, mais il faudrait de l'aide occidentale RAPIDE pour renforcer sa main, et pour éviter les tueries et écarter une haine ethno-religieuse irréparable. Enfin, une telle haine gâcherait la belle réussite française au Mali: Déby ne peut être notre ami au Mali et notre adversaire en RCA! Casse-tête. Il faut vraiment internationaliser le conflit vite. Mais le monde ne se presse pas.

Harold Hyman