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Divisée en Libye, l'Otan recherche une unité politique

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Divisés sur le volet militaire de l'opération en Libye, les membres de l'Otan ont serré les rangs jeudi sur les aspects politiques, au lendemain d'une réunion mouvementée du "groupe de contact" à Doha.

Parmi les principaux points de divergence figurent une révision à la hausse des capacités aériennes engagées sur le terrain, la participation de nouveaux pays aux bombardements et la question de l'armement des rebelles anti-Kadhafi.

Mais avant même que s'ouvre la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Otan à Berlin, les alliés ont choisi d'insister en choeur sur la nécessité d'une solution politique au conflit militaire ouvert il y a un mois et dont beaucoup estiment qu'il pourrait aujourd'hui s'enliser.

Après avoir mis l'accent ces deux derniers jours sur l'importance d'une pression militaire forte et reproché à l'Otan son manque d'efficacité, Alain Juppé a dit à son arrivée dans la capitale allemande qu'il n'y aurait de solution à la question libyenne que politique.

"La divergence, elle porte sur les moyens d'atteindre cet objectif (le départ de Mouammar Kadhafi)", a déclaré le chef de la diplomatie française lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand, Guido Westerwelle.

"Nous avons, nous, pensé qu'une intervention militaire était nécessaire (...) Il n'y aura pas de solution militaire au problème. Il ne peut y avoir qu'une solution politique", a-t-il dit en allusion au refus de Berlin d'engager son armée en Libye.

Dans la déclaration commune sur laquelle se sont entendus les 28 membres de l'Alliance, l'Otan s'engage toutefois, selon son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, à poursuivre les frappes "à cadence élevée" tant que les attaques du colonel Kadhafi contre les civils se poursuivraient et que ses troupes n'auront pas regagné leurs casernes.

Des avions de combat de l'Otan ont opéré jeudi des raids aériens sur Tripoli, la capitale libyenne, et les rebelles libyens ont de leur côté appelé l'Alliance à intensifier son action pour prévenir un massacre à Misrata.

SOUTIEN À LA COALITION

A l'heure actuelle, seuls six des 28 membres de l'Alliance participent activement aux frappes au sol en Libye - France, Grande-Bretagne, Danemark, Norvège, Belgique et Canada.

Alors que Paris et Londres, qui assurent à eux seuls 50% des sorties, réclament depuis plusieurs jours des contributions supplémentaires, Washington a de con côté indiqué mercredi avoir poursuivi les raids aériens en Libye même depuis que l'Otan a pris le 31 mars le commandement des opérations.

Selon un responsable de l'Otan, l'Alliance manque en tout et pour tout de dix avions capables d'exécuter des frappes au sol de précision, ce qu'a confirmé Anders Fogh Rasmussen.

"Dans l'ensemble, nous disposons des moyens nécessaires pour effectuer la mission", a déclaré à Berlin le secrétaire général de l'Alliance, citant l'analyse du commandant suprême des forces alliées en Europe, James Stavridis.

"Bien entendu, les besoins évoluent à mesure qu'évolue la situation sur le terrain (...) Pour éviter des pertes au sein de la population civile, nous devons disposer d'équipements extrêmement perfectionnés et donc, il nous faut un petit peu plus d'aéronefs pour des attaques au sol".

Même s'il a dit s'attendre à ce que ces besoins soient satisfaits rapidement par les alliés, il a précisé que cela ne serait certainement pas le cas dès la réunion de Berlin.

PAS ENCORE D'ENGAGEMENTS

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui a engagé l'Otan à rester unie et promis que son pays prêterait jusqu'au bout son soutien à l'opération, s'est d'ailleurs bien gardée de promettre de nouvelles capacités.

"Les Etats-Unis ont un engagement vis-à-vis de cette mission partagée. Nous allons soutenir la coalition jusqu'à ce que notre travail soit terminé", a-t-elle dit à ses homologues selon le texte de son intervention.

Eux aussi pressés par la France et la Grande-Bretagne de revoir leurs contributions à la hausse, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède - non membre de l'Otan mais représentée à Berlin - n'ont pour l'instant pas accédé à ces demandes.

La ministre espagnole, Trinidad Jimenez, a assuré avant la rencontre que Madrid maintiendrait intacte sa contribution de quatre F-18 et d'un avion ravitailleur aux opérations aériennes, tout en remettant en question l'opinion franco-britannique d'un manque de progrès sur le terrain.

De son côté, l'Italie n'a pas totalement fermé la porte mais Franco Frattini, le chef de sa diplomatie, a dit qu'il faudrait lui fournir des arguments convaincants.

"Si les Libyens ont des arguments solides, nous verrons, le gouvernement décidera", a-t-il insisté, à la veille d'une rencontre entre le président du conseil italien Silvio Berlusconi et le chef du Conseil national de transition libyen.

Par Julien Toyer avec Matt Spetalnick et Brian Rohan à Berlin et James Mackenzie à Rome, édité par Gilles Trequesser