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Cannes: la Turquie et le Maroc ferment le ban

Radu Mihaileanu entouré des interprètes de "La source des femmes", dernier film du cinéaste français d'origine roumaine présenté samedi à Cannes. /Photo prise le 21 mai 2011/REUTERS/Eric Gaillard

Radu Mihaileanu entouré des interprètes de "La source des femmes", dernier film du cinéaste français d'origine roumaine présenté samedi à Cannes. /Photo prise le 21 mai 2011/REUTERS/Eric Gaillard - -

CANNES (Reuters) - La compétition du 64e Festival de Cannes s'est close samedi matin avec deux films, dont l'un met en avant les femmes et l'autre...

CANNES (Reuters) - La compétition du 64e Festival de Cannes s'est close samedi matin avec deux films, dont l'un met en avant les femmes et l'autre confirme tout le talent de son réalisateur, le Turc Nuri Bilge Ceylan.

Dans un village frappé par la sècheresse, situé "quelque part entre l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient", les femmes décident de faire la grève du sexe tant que les hommes ne feront pas ce qu'il faut pour que l'eau, qu'elles apportent depuis la source à la sueur de leur front, y soit raccordée.

Ce combat acharné pour l'eau, mené par Leïla (Leïla Bekhti), qui rallie peu à peu les autres femmes du village, en appelle un autre, plus fondamental, pour aboutir à une réelle égalité entre homme et femme, par delà les entraves d'une interprétation étroite de la tradition et de la religion.

Tiré d'un fait divers qui s'est déroulé en Turquie en 2001, "La source des femmes" s'appuie aussi sur un précédent littéraire célèbre de grève du sexe, " Lysistrata ", une pièce d'Aristophane où les femmes de deux cités en guerre refusaient tout câlin à leurs hommes pour que le conflit cesse.

Les comédiennes ont dû pour les besoins du film apprendre un dialecte marocain, ce qui a représenté une charge supplémentaire à gérer pour le réalisateur Radu Mihaileanu. Ce dernier a confié n'avoir pas eu "un instant de répit" sur un plateau qui nécessitait "une concentration exacerbée, minute après minute, seconde après seconde".

"Moi et les actrices, on devait trouver le moyen que le film ne devienne pas une reproduction de dialogues mais qu'il y ait aussi de l'interprétation ", a-t-il dit, lors d'une conférence de presse.

Pour l'actrice Leila Bekhti, le film est "une ode à l'amour".

Radu Mihaileanu, cinéaste français d'origine roumaine ("Le concert", 2009), a expliqué que le film lui avait permis "de prendre à contrepied tous les clichés" touchant le monde arabo-musulman et la religion musulmane.

Le film sortira en France le 2 novembre.

PERSONNE N'EST TOUT BON OU TOUT MAUVAIS

"Once Upon a Time in Anatolia" est le cinquième film que le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan présente au Festival en compétition.

Cinéaste reconnu internationalement, il a déjà été distingué à Cannes par un Prix de la mise en scène en 2008 ("Les trois singes") et le Grand prix en 2003 ("Lointain"). Il fut également membre du jury en 2009.

Sa dernière oeuvre est inspirée d'une histoire vraie, celle d'une équipe de policiers et de magistrats conduits par un prévenu sur les lieux où il a enterré le corps de sa victime.

La première partie du long métrage, nocturne, montre la véritable odyssée de cette petite troupe dans les paysages vallonnés anatoliens pour retrouver enfin la scène de crime, l'assassin ayant le plus grand mal à la repérer dans l'obscurité.

L'autre partie débute avec la découverte du corps au petit matin, le retour au village et son autopsie.

Les dialogues sont souvent très développés dans ce film, ce qui tranche avec la manière habituelle du réalisateur.

"Je ne me suis pas rendu compte qu'il y avait autant de dialogues, peut-être le sujet s'y prêtait", a-t-il dit samedi, lors d'une conférence de presse . "Le film illustre un monde de bureaucrates dans une petite ville, avec beaucoup de luttes de pouvoir; ceci explique peut-être cela".

Mais l'on retrouve tout de même sa patte habituelle dans des scènes où les silences en disent long, entrecoupés de respirations fatalistes, et dans l'alternance de plans entre des visages qui mangent tout l'écran et des paysages s'étendant à perte de vue, le tout toujours remarquablement cadré.

Nuri Bilge Ceylan, qui avoue marcher "à l'instinct", possède également un art consommé de laisser l'histoire se développer insensiblement, par le biais ici des figures centrales du procureur et du médecin légiste, au fur et à mesure de l'écoulement des images.

"Quand on a écrit le scénario, on a préféré oublier l'histoire réelle", a expliqué le cinéaste. "Personne n'est tout bon ou tout mauvais et je tiens compte de cela quand je crée un personnage, pour que personne ne soit condamnable. Je pense que c'est l'une des choses les plus difficiles à faire lorsqu'on écrit un scénario".

Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Jean-Loup Fiévet