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Crise algérienne : retour sur un assaut en cinq actes

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Au troisième jour de la prise d'otages sur un site gazier algérien, retour sur les principaux développements d'une crise qui a pris au fil des jours une ampleur internationale.

Au troisième jour de la prise d'otage qui a fait des dizaines de victimes sur un site gazier algérien, la confusion règne toujours tant sur le terrain après l'assaut de l'armée algérienne, qu'au niveau du bilan humain. Plusieurs informations contradictoires nous sont parvenues tout au long de la crise. BFMTV.com fait le point.

Acte 1 : mercredi matin, la prise d'otages

Mercredi, 5h40 du matin. Un groupe de terroristes armés, une trentaine selon Alger, surgit à bord de trois véhicules et attaque un bus d’expatriés sur un site gazier de la compagnie pétrolière publique Sonatrach, qui opère conjointement avec BP et Statoil.

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Ce site se situe à Tigantourine, à 40 km d’In Aménas dans le centre-est de l’Algérie, tout près de la frontière libyenne. Au cours de cet assaut, un Britannique et un Algérien sont tués, plusieurs autres personnes blessées.

Repoussés par des unités d’escorte, les islamistes reculent alors vers la "base de vie", près de l'entrée du complexe, et prennent en otage plusieurs centaines Algériens et d’étrangers. Très bien préparés, visiblement connaisseurs du site, ils arrivent de Libye mais disposent de plusieurs nationalités.

Ils se revendiquent rapidement de la brigade des "Signataires par le sang" dirigée par Mokhtar Belmokhtar, un des chefs historiques d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Belmokhtar, dit "Le Borgne", a récemment quitté Aqmi pour fonder sa propre unité.

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Les assaillants affirment alors que "41 otages occidentaux, dont 7 Américains, des Français, des Britanniques et des Japonais" ont été pris en otage. D'après les témoignages d'otages qui ont réussi à s'échapper, ils étaient clairement intéressés par les otages occidentaux. Dans leurs déclarations, ils ne font pas état des centaines de travailleurs algériens également présents sur le site, qu'ils commencent d'ailleurs à libérer par groupes de vingt.

Acte 2 : jeudi matin, l'armée algérienne se déploie

L'armée algérienne encercle le site. Un porte-parole demande alors sur la chaîne satellitaire Al-Jazeera le retrait des troupes "pour permettre de lancer les négociations".

Les ravisseurs affirment que l'Algérie a été choisie comme cible, car les islamistes n'acceptent pas "l'humiliation de l'honneur du peuple algérien", avec la décision du président Abdelaziz Bouteflika d'autoriser les avions français en route pour le Mali à traverser l'espace aérien algérien. Depuis quelques jours, en effet, la France s'est engagée aux côtés du Mali pour combattre les islamistes au nord du pays.

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Mais le ministre algérien de l'Intérieur Dahou Ould Kablia a rétorqué que les autorités "ne répondraient pas aux revendications des terroristes et refusent toute négociation". L'armée algérienne, elle, a répondu que "les autorités étaient prêtes à négocier, à condition que les ravisseurs ne touchent pas aux otages". Une condition qui n'aurait pas pas été respectée.

Acte 3 : jeudi midi, l'armée algérienne lance l'assaut

Jeudi après-midi, au deuxième jour de la prise d'otages, l'armée donne l'assaut contre le site gazier. C'est là que commence le flou. L'attaque est très violente. Une source de sécurité fait état de 18 morts parmi les ravisseurs. Selon un porte-parole des ravisseurs, cité par l'agence mauritanienne ANI, l'assaut fait près de 50 morts : 34 otages, et 15 ravisseurs. Deux ressortissants français figureraient parmi les victimes : un dans le camp des otages, un autre parmi les islamistes.

L'attaque permet la libération d'environ 600 travailleurs algériens, selon l'agence algérienne APS. Profitant de la confusion, un Français, deux Britanniques et un Kényan parviennent également à s'enfuir.

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Alger finit par justifier le recours à la force par le fait que les islamistes avaient l'intention de "quitter l'Algérie en emportant avec eux les otages étrangers".

Dans la soirée de jeudi, l'agence APS rapporte que le raid a permis à l'armée algérienne de reprendre le contrôle partiel du site gazier, notamment le "site de vie" du complexe où se trouvaient la majorité des otages. En revanche, l'usine reste sous contrôle des islamistes.

Acte 4 : consternation internationale

Les Etats-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne et la Norvège expriment peu à peu leur consternation face à l'assaut sanglant qui a coûté la vie à des otages. La France, par la voix de son président François Hollande, fait part de son inquiétude. "La prise d'otages semble se dénouer dans des conditions dramatiques", déclare le chef de l'Etat en marge de ses voeux au monde économique.

Le Premier ministre japonais est le plus agacé. Sans nouvelles de 14 ressortissants nippons, il réclame l'arrêt de l'assaut puis convoque vendredi matin l'ambassadeur algérien à Tokyo pour le sommer de s'expliquer. De leur côté, les Américains exigent de l'Algérie des éclaircissements sur l’intervention militaire. Les autorités britanniques, elles, semblent agacées de ne pas avoir été consultées sur le déroulement de l’intervention militaire.

Acte 5 : les suites de l'opération

Malgré les protestations, l'armée algérienne poursuit son assaut afin de contrôler l'ensemble du site. Vendredi soir, une trentaine d'otages occidentaux sont encore portés disparus.

Selon le dernier bilan des autorités algériennes, 573 citoyens algériens présents sur le site au moment de l'attaque seraient hors de danger, ainsi qu'une centaine de ressortissants étrangers.

Sept à dix islamistes encore présents sur le site se seraient retranchés dans la salle des machines avec des explosifs, menaçant de "tout faire sauter". L'armée aurait donc lancé dans l'après-midi un second assaut contre cette partie du site, après avoir préalablement coupé le gaz sur l'ensemble du site.

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Parmi les otages encore sur place, il y aurait notamment des Américains que les terroristes espèrent échanger contre deux jihadistes emprisonnés sur le sol américain.

M. T. avec AFP