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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi l'Afrique du Sud suspend sa campagne de vaccination

Le vaccin d'AstraZeneca serait moins efficace sur le variant sud-africain selon une récente étude.

Le vaccin d'AstraZeneca serait moins efficace sur le variant sud-africain selon une récente étude. - Montage BFM/Thomas SAMSON

L'Afrique du Sud, qui se bat depuis de nombreuses semaines contre un variant plus contagieux du Covid-19, a décidé de suspendre temporairement sa campagne de vaccination. Celle-ci ne reposait, pour commencer, que sur le vaccin AstraZeneca/Oxford, or une étude affirme qu'il serait peu efficace contre cette mutation du virus.

Face au Covid-19, et à son variant plus contagieux, l'Afrique du Sud commençait à peine sortir la tête de l'eau. Mais le pays, qui devait débuter sa campagne de vaccination dans les prochains jours, a décidé de la suspendre. Le vaccin AstraZeneca/Oxford, dont un million de doses ont été reçues le 1er février, aurait une efficacité "limité" contre le variant, selon une étude réalisée par l'université du Witwatersrand à Johannesburg. BFMTV.com fait le point sur le début avorté du programme de vaccination sud-africain.

· Où en est l'épidémie de Covid-19?

L'Afrique du Sud est le pays du continent le plus touché par le Covid-19, avec près d'1,5 million de cas et plus de 46.000 morts. L'épidémie, encore incontrôlable il y a quelques semaines en raison du variant 501.V2, semble marquer le pas, selon les dernières données publiées par l'université américaine John Hopkins.

Entre le 1er et le 7 janvier dernier, 3196 cas positifs quotidiens ont été répertoriés en moyenne, contre 5825 la semaine précédente et 10.722 celle d'avant. Concernant le nombre de morts quotidiens, il était en moyenne de 300 entre le 1er et le 7 janvier, de 470 la semaine précédente et de 538 celle d'avant.

Face à ces chiffres plus cléments, le gouvernement sud-africain a décidé d'alléger les restrictions en vigueur. Le couvre-feu a été repoussé de 23h à 4h du matin et la vente d'alcool est de nouveau autorisée quatre jours sur sept, comme le rapporte Franceinfo.

· Pourquoi le pays suspend-t-il les vaccinations?

Contrairement à de nombreux pays dans le monde, l'Afrique du Sud n'a pas encore commencé sa campagne de vaccination. Un retard qui a déclenché de nombreuses critiques sur la lenteur de l'approvisionnement et sur l'absence de stratégie. Le gouvernement sud-africain devait officiellement commencer à vacciner le personnel de santé mi-février, après avoir reçu la semaine dernière un million de doses du vaccin AstraZeneca/Oxford. Une autre livraison de 500.000 doses est attendue au cours du mois de février.

Mais tout a été temporairement suspendu dimanche. Une étude, réalisée par l'université du Witwatersrand à Johannesburg, affirme, en effet, que le vaccin britannique offre une "protection limitée contre les formes modérées de la maladie dues au variant sud-africain, chez les jeunes adultes". Face à ces résultats, le gouvernement sud-africain a donc décidé d'arrêter temporairement son programme de vaccination, qui ne reposait, pour commencer, que sur les doses d'AstraZeneca.

· Que contient l'étude sur le vaccin d'AstraZeneca?

L'étude, qui n'a pas encore été examinée par des pairs, a été réalisée auprès de 2000 volontaires âgés en moyenne de 31 ans. Selon les premiers résultats, le vaccin est efficace à seulement 22% contre les formes modérées du variant sud-africain. Aucun résultat n'est cependant encore disponible sur son efficacité contre les formes graves nécessitant une hospitalisation. Il serait, en revanche, "bien plus efficace contre la souche originale du coronavirus", précise un communiqué de l'université du Witwatersrand.

"Ces résultats nous obligent à repenser notre façon d'aborder la pandémie", a estimé auprès de l'Agence France-Presse (AFP) Shabir Madhi, professeur en vaccinologie à l'université du Witwatersrand, en charge de l'étude en Afrique du Sud.

"Nous pensons que notre vaccin protégera quand même contre les formes graves de la maladie. Car l'activité des anticorps neutralisant est semblable à celle d'autres vaccins contre le Covid-19 qui se sont montrés efficaces contre les formes graves, en particulier lorsque les doses sont espacées de 8 à 12 semaines", s'est défendu pour sa part un porte-parole d'AstraZeneca, contacté par l'AFP.

· Que vont devenir les doses d'AstraZeneca?

Que faire, désormais, du million de doses d'AstraZeneca/Oxford? Zwelini Mkhize, le ministre sud-africain de la Santé, a indiqué qu'elles seraient conservées jusqu'à que les scientifiques donnent des indications claires sur leur utilisation. Mais le temps presse. Le gouvernement sud-africain a découvert, à l'arrivée des doses, que celles-ci étaient censées expirer au mois d'avril.

Le professeur Shabir Madhi a fait savoir, auprès du journal Le Monde, qu'il ne fallait pas laisser les doses de côté trop longtemps, au risque qu'e ces dernières ne soient plus utilisables rapidement.

"Même s’il reste des points d’interrogation sur l’efficacité du vaccin AstraZeneca contre les formes graves de la maladie, voulons-nous prendre le risque de ne pas vacciner les groupes à risques, sachant qu’il n’est pas dangereux mais qu’il pourrait protéger contre ces formes sévères?", s'est ainsi interrogé le professeur en vaccinologie.

· Qu'en est-il de l'efficacité des autres vaccins?

Face à ce revers dans sa stratégie de vaccination, l'Afrique du Sud s'est voulue rassurante, son ministre de la Santé assurant que les vaccins de Pfizer et de Johnson&Johnson devaient arriver "dans les quatre prochaines semaines". Des discussions avec d'autres laboratoires sont également en cours, notamment avec Moderna et le fabricant du vaccin russe Spoutnik V.

Les laboratoires Moderna et Pfizer, selon des études qu'ils ont réalisées, ont tous les deux affirmé fin janvier que leurs vaccins respectifs restaient efficaces contre les variants britannique et sud-africain.

De son côté, Johnson & Johnson a annoncé que son vaccin est efficace à 66% contre le Covid-19 et à 85% pour prévenir les formes graves de la maladie. Mais ces résultats ont aussi soulevé une inquiétude: le remède était plus efficace aux Etats-Unis (72%) qu'en Afrique du Sud (57%).

Clément Boutin avec AFP