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38 morts, plus de 200 blessés: le bilan des feux en Algérie, désormais "totalement maîtrisés"

Forêt calcinée à El Kala, en Algérie.

Forêt calcinée à El Kala, en Algérie. - AFP

La Protection civile algérienne a déclaré ce vendredi matin que les incendies ravageant le nord et l'est du pays depuis mercredi étaient désormais "totalement maîtrisés". Le bilan humain, toutefois, est très lourd.

Ces deux derniers jours, l'Algérie a subi un épisode de feux de forêts particulièrement fulgurant et meurtrier. Nés mercredi, les brasiers sont désormais considérés comme "totalement maîtrisés", selon les mots employés par la Protection civile ce vendredi matin. Mais le bilan humain, établi à ce stade à 38 morts, et matériel, est déjà très élevé.

La tragédie expose les menaces écologiques pesant sur le pays en raison du dérèglement climatique et ses lacunes pour combattre ces incendies.

• Des brasiers concentrés dans le nord et l'est, 16 foyers encore actifs

La Protection civile a d'abord dénombré 39 feux de forêts depuis mercredi, répartis en 14 "wilayas", équivalents de nos préfectures. Cette statistique a toutefois été revue à la hausse jusqu'à évoquer 118 foyers à travers 21 préfectures. Pour l'essentiel, les foyers se sont concentrés dans le nord et l'est du pays. Les autorités considèrent toutefois que ces incendies sont dorénavant circonscrits. C'est en tout cas le sens de la communication de la Protection civile qui a affirmé ce vendredi matin que les feux étaient "totalement maîtrisés".

Lors d'un point-presse organisé la veille, le colonel Farouk Achour, commandant la Protection civile, avait concédé alors qu'il existait encore "16 foyers actifs dans sept wilayas", mais il s'était surtout félicité que les feux accablant les secteurs d'El Tarf et Souk Ahras soient "sous contrôle". Il s'agissait en effet des principaux points de fixation sur le front des flammes.

• 38 morts, dont 10 pompiers

Le coût humain des incendies est très important. On le chiffre à 38 morts et plus de 200 blessés dont 10 pompiers pour un bilan qui demeure provisoire. Et c'est justement la région d'El Tarf, à la frontière tunisienne, qui a payé le plus lourd tribut aux flammes, avec 30 morts parmi lesquels onze enfants et six femmes.

Les observateurs ont rapporté des scènes particulièrement effroyables. Du côté d'El Kala, commune limitrophe d'El Tarf, une douzaine de personnes ont ainsi perdu la vie après avoir été prises au piège dans un bus stationné aux abords du zoo local. "On a essayé d'aider les familles à s'échapper. Personne ne nous est venu en aide, ni les pompiers ni personne d'autre. Ce sont les employés qui ont cherché à sortir les gens du parc qui était encerclé par les flammes", a fustigé Takyeddine, l'un des employés du parc, cité par l'AFP.

Le bus calciné, cadre d'une terrible tragédie à El Kala.
Le bus calciné, cadre d'une terrible tragédie à El Kala. © AFP

Le fléau a également endeuillé Sétif, dans le nord du pays, Guelma, à l'est, et surtout Souk Ahras, qui déplore la mort d'une famille entière.

Concernant le boisé, le média algérien TSA, s'appuyant sur les données du ministère de l'Intérieur, a estimé que 14.000 hectares étaient partis en fumée pour la seule région d'El Tarf.

• 350 familles évacuées

La catastrophe a poussé les autorités à évacuer ponctuellement les populations. On a ainsi recensé 350 familles évacuées. À Souk Ahras, un hôpital a même été contraint de se vider de son personnel et de ses patients, dont 97 femmes et 17 nouveau-nés. L'établissement était situé en bordure de forêt.

Télévision et vidéastes non-professionnels ont d'ailleurs capté des scènes de panique devant l'avancée des flammes, comme le montre le tweet du journaliste Chebli Ishaq ci-dessous accompagné d'une vidéo filmée dans cette même ville de Souk Ahras.

• 1700 pompiers et 280 camions-citernes mobilisés

L'Algérie a mobilisé ses ressources pour répondre au péril. Au plus fort de la lutte pour étouffer les brasiers, 1700 agents de la Protection civile étaient à pied d'oeuvre, assistés de 67 membres de la Direction générale des Forêts, selon le média Atalayar. La Protection civile a également affrété ses hélicoptères pour sillonner le ciel, et l'Armée nationale populaire a fait de même. Celle-ci a encore mis en circulation 280 camions-citernes.

Les secours algériens pensaient aussi pouvoir miser sur le Beriev-BE 200, un avion bombardier d'eau de facture russe, présenté jusqu'à lundi dernier comme "la star de l'été" par une partie de la presse. Seulement, la "star" est tombée en panne dès mercredi et ne sera pas opérationnelle avant samedi, selon le ministère de l'Intérieur, relayé par l'AFP.

Forêt carbonisé près d'El Tarf.
Forêt carbonisé près d'El Tarf. © AFP

• Pénurie de moyens et menaces écologiques: les causes du drame

En-dehors de la faillite du Beriev, le manque de moyens pour combattre efficacement les incendies apparaît comme l'un des facteurs aggravants de la crise. L'exécutif se retrouve sur ce point dans la tourmente. Certes, Aymen Benabderrahmane, le Premier ministre, a souligné que le gouvernement avait commandé quatre bombardiers d'eau... Mais le pays ne recevra le premier qu'en décembre prochain. Quant aux sept avions-citernes que l'Algérie était censée acquérir auprès de l'Espagne pour renforcer ses forces d'intervention contre les feux, ils n'arriveront jamais: le contrat a été purement et simplement annulé sur fond de tensions diplomatiques autour de la question du Sahara occidental.

Faut-il y voir un signe d'embarras? Les responsables politiques pointent en tout cas dans une autre direction au moment d'expliquer les épreuves traversées par les secours. Aymen Benabderrahmane, au sortir d'une visite à l'hôpital d'El Tarf, a ainsi rappelé que des rafales de vent mesurées à plus de 90 km/h rendaient "très difficile" le combat contre le feu.

L'Algérie se heurte également de plein fouet à des dangers écologiques croissants, le dérèglement climatique se greffant et aggravant des conditions déjà propices à la catastrophe. Si l'Algérie a la superficie la plus étendue d'Afrique, elle n'en est pas moins un pays très majoritairement désertique, pourvu de seulement 4,1 millions d'hectares de forêts pour un taux de reboisement de seulement 1,76%.

Entre cette sécheresse endémique, la rareté de sa végétation et le réchauffement climatique- on a jaugé 48 degrés mercredi à El Tarf, Guelma et Souk Ahras -, l'Algérie semble condamnée au retour annuel des feux de forêts. L'été dernier, la Kabylie avait d'ailleurs été frappée par les pires incendies ayant parcouru l'Algérie depuis l'indépendance de 1962, avec au moins 90 morts et 100.000 hectares perdus. Depuis le début du mois d'août, le territoire a connu 106 départs de feu.

• Au moins quatre interpellations

Tandis que pompiers et militaires sont sur le point de les juguler, à charge désormais pour les forces de l'ordre de faire la lumière sur l'origine de ces départs de feu. L'enquête, lancée par le ministère de la Justice, a déjà conduit à l'arrestation de plusieurs suspects dans le pays. Trois hommes ont ainsi été arrêtés par les gendarmes près d'El Tarf. Ils sont soupçonnés d'avoir incendié les récoltes d'un de leurs voisins. Enfin, le parquet de Souk Ahras a annoncé l'interpellation d'un pyromane dans une forêt proche de la ville.

Les responsabilités restent à établir mais pour le ministère de l'Intérieur, la chose n'est pas douteuse. Selon une déclaration officielle émanant de l'institution, l'Algérie a bien été assaillie par des incendies "provoqués".

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV